COVID-19: se laver les mains, plus efficace que nettoyer les surfaces
Le risque de contamination par un objet infecté serait faible comparativement au contact direct avec une personne symptomatique dans un espace fermé.
Photo : Radio-Canada / Érik Chouinard
Des experts affirment que les risques d'attraper le nouveau coronavirus après un contact peu prolongé avec des objets contaminés sont plus faibles que ce qui a été estimé au début de la pandémie.
Plus les recherches avancent sur le nouveau coronavirus, plus les scientifiques en apprennent sur les moyens de transmission de la COVID-19.
Au début de la pandémie, il y a près de cinq mois, les directives de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommandaient de nettoyer les surfaces potentiellement contaminées et de désinfecter les produits achetés dans les épiceries, par exemple, pour éviter la propagation du virus. Cependant, de nouvelles données démontrent que la COVID-19 ne se transmet pas aussi facilement par le contact avec des objets contaminés [dits fomites
] qu’initialement prévu.
Jeudi, l’OMS a indiqué dans une note publiée sur son site Web qu’il n’existe pas de données spécifiques
sur des cas de COVID-19 survenus à la suite d’un contact avec une surface contaminée par des gouttelettes projetées par la toux, l'éternuement et la parole d’une personne infectée. L’OMS maintient toutefois sa mise en garde contre ce moyen de transmission, puisque plusieurs études démontrent que le virus est capable de survivre plusieurs heures sur différents types de surfaces.
« Les personnes qui ont été en contact avec des surfaces potentiellement infectées ont souvent été en contact direct avec les personnes porteuses du virus, ce qui rend la distinction entre la transmission par voie aérienne et par fomites difficile. »
Cette mise à jour de la part de l’OMS a été publiée à la suite d’une lettre ouverte signée par un groupe de 239 scientifiques internationaux appelant les autorités de santé de la planète à reconnaître que le nouveau coronavirus peut se propager dans l'air bien au-delà de deux mètres et à recommander par conséquent une ventilation vigoureuse des espaces publics intérieurs.
Un risque « non significatif »
Plusieurs experts recommandent de miser davantage sur la protection que sur la désinfection des objets.
Dans un article publié plus tôt cette semaine dans la revue scientifique The Lancet, Emmanuel Goldman, professeur de microbiologie à l’Université de Rutgers dans le New Jersey, estime que le risque de contamination par objets infectés est exagéré
.
Il s’agit d’un risque non significatif, même pas mesurable
, a-t-il affirmé à CBC News, en ajoutant que les études sur le sujet avaient été produites dans des laboratoires, dans des environnements qui ne sont pas comparables avec la réalité et avec des doses importantes du virus pour tester sa survie.
De son côté, Lindsay Marr, une experte de la transmission aérienne des virus à l’Université de Virginia Tech, qui a étudié la durée de vie de la COVID-19 sur les surfaces, affirme qu’il est possible d’être contaminé par des objets infectés, mais cela n’a pas encore été prouvé.
Je crois que les connaissances ont évolué
, dit-elle, estimant que le risque de contamination par fomites
est plus faible que ce qui a été annoncé au début de la pandémie, lorsque les recherches sur le nouveau coronavirus étaient encore préliminaires.
« Nous savons que le virus peut survivre [sur les surfaces] mais la question est de savoir si une personne peut les récupérer [par les mains] et contaminer ensuite ses voies respiratoires. […] Il faudrait une grande quantité de virus [sur cette surface] pour causer une infection. »
Difficile de retracer les contaminations par objets infectés
Pour sa part, Eugene Chudnovsky, professeur de physique à la City University de New York, qui étudie les moyens de transmission du virus, estime que le risque d’infection par objets contaminés, comme une poignée de porte, dépend de plusieurs facteurs.
Si la poignée n’a été touchée que par quelques personnes en une heure, il est peu probable d’y trouver une dose infectieuse du virus
, explique-t-il. Mais s’il s’agit d’une porte qui est ouverte toutes les quelques secondes pour une longue période, et qui est touchée par des personnes symptomatiques, il est possible qu’elle accumule une dose importante du virus
, ajoute-t-il.
L’une des raisons pour lesquelles il serait difficile de démontrer le risque de contagion par objets contaminés est la difficulté de tracer ces contacts.
« Vous pouvez demander aux gens les personnes et les lieux qu’ils ont fréquentés, mais quand vous leur posez des questions sur les surfaces qu’ils ont touchées, là ça devient beaucoup plus compliqué. »
Selon Isaac Bogoch, médecin spécialisé en maladies infectieuses à l’Hôpital général de Toronto, la vaste majorité des contaminations est due à un contact rapproché avec une personne infectée, notamment dans un espace fermé
.
Il affirme que les produits achetés dans une épicerie sont ainsi moins menaçants
que le déplacement à ladite épicerie.
Cela renforce [l’importance] de l’hygiène des mains, mais démontre également qu’il n’est peut-être pas si nécessaire de désinfecter tous les objets que nous ramenons à la maison, comme on le pensait au début de la pandémie
, dit-il. Ça ne fait pas de mal, mais ce n’est pas vraiment nécessaire.
Les gants, pas si efficaces
Ces nouvelles données poussent Zain Chagla, spécialiste des maladies infectieuses de l’Université McMaster à Hamilton, en Ontario, à mettre la population en garde contre le port de gants en latex ou en nylon lors du magasinage.
Si vous allez faire vos emplettes, le port de gants n’est pas le geste le plus hygiénique à faire
, affirme-t-il, ajoutant que ces gants sont généralement utilisés pour des tâches spécifiques par les travailleurs de la santé pour une courte période de temps.
Porter des gants pendant une longue période de temps, tout en touchant plusieurs objets peut entraîner des contaminations croisées, poursuit-il. C’est pourquoi le lavage des mains de façon régulière reste la manière la plus efficace de se protéger du virus, selon lui.