Canada’s Drag Race : démystifier l’art d’être drag queen

L'émission «Canada's Drag Race» arrive sur Crave le 2 juillet.
Photo : Crave
L'adaptation canadienne du très populaire RuPaul's Drag Race fait son arrivée sur la plateforme Crave. Le lancement de ce concours télévisuel de drag queens, auquel participent deux Québécoises, reflète l’ampleur qu’a prise le phénomène culturel, même si ces artistes ne jouissent pas encore d’une reconnaissance aussi grande au Québec qu’aux États-Unis.
Cela fait tellement longtemps qu’on attendait l’arrivée de Drag Race au Canada. C’est un rêve qui devient réalité, un rêve que je croyais impossible
, confie Jean-François Guevremont, qui se glisse dans la peau de Rita Baga, en parallèle de son travail de directeur de la programmation du festival Fierté Montréal.
Figure bien connue de la scène québécoise, Rita Baga est l’une des 12 candidates de Canada's Drag Race : que la meilleure gagne, dont le premier épisode est mis en ligne jeudi sur Crave en anglais et en version sous-titrée en français.
Les drag queens auront 10 épisodes pour démontrer leurs talents en chant, en danse, en théâtre, en personnification, en confection de costumes et en improvisation. La meilleure d’entre elles remportera un prix de 100 000 $.
Faire sortir les drag queens de l’ombre
Tournée l’automne dernier, cette nouvelle émission est adaptée de RuPaul's Drag Race, qui a conquis le grand public aux États-Unis, mais aussi à l’international, depuis sa création en 2009.
En plus d’avoir permis de donner de la visibilité à une communauté marginalisée, la compétition américaine a réussi, en 12 saisons, à démystifier l’art d’être drag queen, à le rendre populaire et à changer le regard porté sur lui par le grand public.
Le charismatique RuPaul est devenu une vedette, et plusieurs des participantes sont désormais connues. Miss Fame a été choisie comme égérie par le géant mondial des cosmétiques L’Oréal, et Netflix a produit Dancing Queen, une série documentaire sur la drag queen Alyssa Edwards, vue dans la saison 5 de RuPaul's Drag Race.
RuPaul's Drag Race, c’est un peu le hockey des queers. Les gens se rassemblent dans les bars pour se voir
, a précisé Rita Baga à l’émission Bien entendu.
À écouter aussi :
Des artistes à part entière
L’émission de RuPaul, qui est lui-même drag queen, a également contribué à faire sortir les drag queens du milieu de la nuit et à les légitimer sur le plan artistique.
On les associe encore à tort au milieu des bars
, regrette Philippe Caouette, qui documente l’essor de la drag au Québec dans son blogue En mode drag, ouvert il y a cinq ans.
Être drag queen exige d’être capable de chanter, de danser, de créer et faire vivre un personnage, mais aussi d’imaginer des costumes, des coiffures et des maquillages flamboyants.
Nous sommes des artistes multidisciplinaires
, souligne Rita Baga, qui compte près de 26 000 personnes abonnées sur Instagram.
Celle qui donnait entre 15 et 20 spectacles par mois avant la pandémie de COVID-19 consacre de 20 à 40 heures par semaine à répéter ses chansons, à apprendre des chorégraphies et à peaufiner ses looks.
Un baby-boom
de drag queens
Grâce à RuPaul's Drag Race, mais aussi aux réseaux sociaux, et à plus grande ouverture de la société envers les personnes LGBTQ+, les drag queens sont devenues un vrai phénomène culturel, et la scène québécoise a explosé en quelques années.
On peut voir un drag baby-boom
, a déclaré Kiara, l’autre participante francophone et québécoise de Canada's Drag Race, à Bien entendu. Originaire de Québec, Kiara, de son vrai nom Dimitri Nana-Côté, est l’une des rares drag queens de couleur au Québec. Elle est suivie par plus de 12 000 personnes sur Instagram.
Chaque année depuis 11 ans, le Cabaret Mado à Montréal accueille le concours Drag-moi. Au départ, il a fallu proposer à des drag queens d’y prendre part, mais la dernière édition a attiré 30 candidates en audition pour moins de 10 places disponibles, selon Philippe Caouette.
Si certaines drag queens se produisent sur des scènes établies, comme le célèbre Cabaret Mado, d’autres organisent leurs propres soirées ou donnent des spectacles en ligne.
Des drag queens animent désormais des mariages ou des événements en entreprise
, indique Philippe Caouette.
En plus d’être de plus en plus nombreuses, les drag queens ne sont donc plus cantonnées au milieu de la nuit. Elles ont, par exemple, intégré le Festival Juste pour Rire, et la drag queen Barbada lit des contes aux enfants dans les garderies québécoises.
Leur présence est également accrue dans les médias québécois. En 2017, la série documentaire Ils de jour, elles de nuit, diffusée sur ARTV, a braqué le projecteur sur six drag queens québécoises.
Donner davantage la parole aux drag queens
Toutefois, les drag queens d’ici ne se sont pas encore autant imposées dans le paysage médiatique que leurs consœurs américaines. Cela s’en vient au Québec
, estime Rita Baga.
Pour le moment, cette artiste regrette de voir les drag queens être surtout invitées dans les médias pour parler de la question LGBTQ+ ou de maquillage. On a pourtant aussi un point de vue sur autre chose, sur la culture en général ou même sur la politique, explique-t-elle. Par exemple, les humoristes sont invités à parler de leur livre préféré. Nous, c’est rare qu’on nous demande de parler de littérature.
Philippe Caouette a également l’impression que les médias catégorisent encore trop les drag queens. Quand il y en a une sur un plateau de télévision, on dirait que les gens semblent intimidés, constate-t-il. Il y a encore du travail à faire.
Cependant, il se montre optimiste pour la suite, notamment en raison de l’effet que Canada’s Drag Race va avoir sur le public québécois. Certaines drag queens étant francophones, on va se sentir encore plus touchés que par l’émission américaine.