Être Noir et queer : regards croisés sur ce qu'est l'intersectionnalité

Pierre Ndoye, Syrus Marcus Ware et Heather Beamish apportent leurs regards sur ce qu'est l'intersectionnalité.
Photo : Radio-Canada / Rozenn Nicolle
Cumuler différentes identités, appartenir à plusieurs minorités à la fois ou encore subir de multiples formes de discrimination. L’intersectionnalité, c’est cette pluralité. Alors que le mois de la Fierté s’achève sur fond de débat social sur la question raciale, nous avons voulu connaître le regard de celles et ceux qui se trouvent à la croisée de ces deux mondes pas si éloignés que sont la lutte pour les droits LGBTQ et l’antiracisme.
« Je pense que l'intersectionnalité est compliquée, mais j'ai aussi l'impression que c'est l'un de mes superpouvoirs. »
Heather Beamish se présente comme ayant des origines ethniques multiples, qu’elle tient d’une mère jamaïcaine et d’un père moitié métis et moitié irlandais. Élevée dans la foi chrétienne, diplômée en études bibliques, ordonnée pasteure, elle se définit comme une personne queer.
Selon elle, toutes ces facettes qui font son identité permettent de bâtir des ponts. Des ponts qu'elle tente de matérialiser dans son art, à travers ses poèmes et ses prises de parole publiques.
Parce je suis une chrétienne queer, je suis une femme noire, je suis toutes ces différentes choses que je peux comprendre, et [je peux] comprendre et communiquer les besoins et les expériences de ces différentes communautés marginalisées.
Pierre Ndoye est arrivé au Canada il y a un peu plus de deux ans en tant que demandeur d’asile. Originaire du Sénégal, il se considère comme un homme gai. Si l’homosexualité est plus un problème là d’où il vient que là où il est aujourd’hui, Pierre dit cependant que pour ce qui est du racisme, son sentiment est inverse.
En Afrique, on a l’habitude de voir des Noirs. Je ne savais pas vraiment que je pouvais être une différence. C’est quand je suis arrivé ici que j’ai vraiment vu que j’étais noir.
Sa double différence l’a cependant rendu fort, dit-il.
« Quand on est vraiment du côté de l'oppressé et qu’on se sent tellement différent et qu’on assume cette différence, ça fait de nous une personne forte. »
Pour lui, intersectionnalité est synonyme de courage.
Syrus Marcus Ware est un militant connu pour son combat contre le racisme. Ce père de famille transgenre, figure du mouvement Black Lives Matter Toronto, se présente comme une personne queer, noire et ayant un handicap.
« J'ai subi du racisme systémique, de la transphobie, de l'homophobie, du capacitisme. En tant que personne qui est à l'intersection de beaucoup de choses, j'ai subi beaucoup de violence de la part du système. »
Si son intersectionnalité, il la voit comme une richesse, il dit toutefois avoir subi de nombreuses discriminations. Pourtant, toutes ces parties de son identité n’ont qu’une seule lutte : celle pour la justice sociale.
Une citation du Combahee River Collective dit que si nous rendons le monde plus sûr pour les femmes noires, nous rendons nécessairement le monde plus sûr pour tout le monde. J’irais plus loin en disant que si nous rendons le monde plus sûr pour les femmes transgenres noires handicapées, nous rendons le monde plus sûr pour tout le monde.