Les provinces ont échoué à prendre soin de leurs aînés, selon Trudeau
Plus de 80 % des décès canadiens liés à la COVID-19 se sont produits dans des foyers de soins de longue durée.

Le premier ministre Justin Trudeau considère que le Canada doit faire mieux en tant que pays pour ses personnes aînées.
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, se dit profondément préoccupé par les données révélées dans le rapport de l’Institut canadien de l’information en santé (ICIS) (Nouvelle fenêtre) publié jeudi. Le Canada est le pays de l’OCDE qui enregistre la plus importante proportion de résidents de foyers de soins de longue durée (SLD) parmi ses décès liés à la COVID-19.
Plus de 840 éclosions ont été recensées dans les établissements de SLD et les maisons de retraite, ce qui représente plus de 80 % de tous les décès liés à la COVID-19 au pays
, note le rapport d’entrée de jeu.
L'étude souligne plusieurs caractéristiques qui peuvent expliquer ce chiffre. La population en SLD a tendance à être plus âgée au Canada que dans les autres pays de l’OCDE
, est-il précisé dans le rapport.
Nous devons faire mieux
selon Justin Trudeau
Questionné à ce sujet lors de son point de presse quotidien, le premier ministre canadien considère que les provinces ont échoué
à bien protéger les aînés en période de pandémie. Nous avons besoin de faire mieux pour nos aînés et le fédéral est très prêt à en faire plus
, soutient-il.
Selon Justin Trudeau, ce rapport met en lumière le grand défi
du Canada pour ce qui est du respect des personnes aînées au pays. Il considère que des conversations extrêmement importantes
doivent avoir lieu avec les provinces tout en respectant leurs compétences.
Cet appui du gouvernement fédéral pourrait prendre la forme d’une réglementation imposée à l’ensemble du pays ou encore d’un financement supplémentaire, explique le premier ministre canadien. Il invite entre-temps les provinces à accepter les 14 milliards de dollars offerts par Ottawa afin d’améliorer la situation dans les foyers de soins de longue durée.
Travailler ensemble
Lors de sa conférence de presse quotidienne, le premier ministre ontarien Doug Ford a déploré les morts causées par la COVID-19 dans les foyers de soins.
Il n'est toutefois pas convaincu que l'interprétation des données faite dans l'étude de ICIS
soit juste.Il y a eu 6900 décès dans tout le Canada dans les centres de soins de longue durée et 1689, je crois, en Ontario, dit-il. C'est 1689 de trop. Mais comparer 6900 décès au Canada à 18 000 décès en soins de longue durée en Espagne?
Le premier ministre ontarien a été saisi de voir Justin Trudeau, qui d'habitude est coopératif selon lui, rejeter la faute sur les provinces. Nous sommes censés travailler ensemble, n'est-ce pas? Alors, travaillons ensemble.
« Les transferts en santé sont, en théorie, un véritable partenariat. Certaines provinces reçoivent aussi peu que 18 %; nous recevons environ 20, 22 %... ce n'est pas un partenariat. Nous portons sur nos épaules le poids du système de santé, ce qui est énorme. »
Une réponse tardive au Canada
Un des éléments étudiés dans le rapport, et qui explique aussi cette triste statistique au Canada, est la réaction politique à la crise dans les centres de soins de longue durée.
L’ICIS
a comparé les politiques en place dans chaque pays au moment où le 1000e cas de COVID-19 a été recensé au niveau national. Le rapport a classé la réponse des pays en quatre niveaux d’intervention stratégique.Le premier niveau comprend des mesures comme le confinement et des plans d’aide économique, le quatrième niveau inclut des mesures plus poussées comme l’isolement des patients atteints au sein même des centres de SLD
, des équipes de prévention et d’intervention rapide ou encore un dépistage généralisé dans ce secteur.MÉTHODOLOGIE
L’étude prend en compte les données enregistrées jusqu’au 25 mai.
Elle ne s’est penchée que sur 17 pays de l’OCDE
, soit ceux dont les données officielles concernant la COVID-19, la situation dans les établissements de SLD et les politiques mises en œuvre pendant la pandémie étaient disponibles.L’action globale du Canada a été classée dans le niveau 1.
« L’une des grandes leçons qu’on peut tirer, c’est vraiment qu’une intervention précoce ciblée pour les secteurs de soins de longue durée fait une grande différence. »
Selon le rapport, les pays ayant eu une action classée de niveau 4 ont eu une proportion beaucoup moins grande de décès dans les SLD
parmi tous leurs décès (14 %). À l’inverse, en moyenne 52 % de tous les décès recensés liés au coronavirus concernaient des résidents des centres pour aînés dans les pays dont la réponse a été de niveau 1.Lorsque ces fameuses directives pour fermer les endroits publics, pour le confinement général, ont été mises en place, il y avait encore beaucoup de mesures qui n’étaient pas encore en place pour le secteur de soins de longue durée, en particulier au Canada
, explique la chercheuse principale de l’ICIS , Christina Lawand.
Pas de différence entre établissements privés et publics
En chiffres absolus, le rapport souligne toutefois que le Canada se situait dans la moyenne de l’OCDE
quant au nombre de décès de résidents de SLD par million d’habitants.Le taux de mortalité des résidents touchés au Canada reste, lui, en dessous de ce que les autres pays ont rapporté.
La proportion des résidents en SLD infectés qui sont décédés de la maladie [varie] aussi considérablement d’un pays à l’autre
, conclut l’étude. Celle-ci va de 4 % de tous les cas en Slovénie à 83 % en Norvège
. Au Canada, ce taux est de 35 %, est-il écrit dans le document.
L’une des autres conclusions tirées par les chercheurs de cette étude est qu’il y a peu de différence entre les établissements publics et privés.
Toutefois, le nombre de cas de COVID-19 et de décès liés à la maladie était généralement moins élevé dans les pays utilisant un modèle de réglementation et d’organisation des SLD centralisé
, note le rapport.
Des comparaisons à relativiser
La chercheuse, comme l’étude, précise toutefois que les résultats de ces analyses sont à relativiser, notamment car la définition des foyers de soins de longue durée n’est pas la même partout.
Au Canada, par exemple, cela concerne aussi les maisons de retraite ou les hébergements avec moins de services. En Allemagne, les données incluent les établissements communautaires comme les prisons et les refuges.
Ce qu’on dit, c’est : faites attention avec les comparaisons
, indique Mme Lawand.
« C’est pas toujours parfaitement des pommes avec des pommes, des oranges avec des oranges. »
Elle estime toutefois que ces données préliminaires, malgré leurs imperfections, permettent de tirer certaines leçons sur la performance de ce système de santé canadien
. Ça soulève des discussions importantes dans la société de façon plus globale
, ajoute-t-elle.
Mme Lawand espère faire une étude plus avancée sur le secteur et plus particulièrement au Canada. On sait que la population qui vit dans les soins de santé de longue durée est une population extrêmement vulnérable. On veut être mieux préparés pour une deuxième vague et on peut pouvoir tirer des leçons à l’international
, avance-t-elle.
On espère apprendre ce qu’on doit mieux faire la prochaine fois.
QU’EST-CE QUE L’OCDE?
L’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) est une organisation internationale qui étudie l’économie et les politiques publiques et qui produit des rapports, des données statistiques et des recommandations. Elle compte 37 pays membres, principalement des pays développés.
Avec des informations de Rozenn Nicolle