Les États-Unis commémorent la fin de l'esclavage en pleines tensions sur le racisme

Le nom de George Floyd est écrit sur le pare-brise alors que John Coy porte un t-shirt sur lequel on peut lire « Black Lives Matter » et se tient debout à travers son toit ouvrant, le poing en l'air, 16e rue nord-ouest, rebaptisée « Black Lives Matter Plaza » près de la Maison-Blanche, le vendredi 19 juin, à Washington.
Photo : Associated Press / Andrew Harnik
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Violences policières, racisme au quotidien, passé ségrégationniste : les États-Unis commémorent vendredi l'abolition de l'esclavage en pleine période de tensions et de prise de conscience des discriminations persistantes subies par la communauté noire.
Des milliers de personnes sont attendues lors des multiples manifestations prévues de New York à Los Angeles pour le 155e anniversaire du Juneteenth
(contraction de juin et de 19 en anglais), ce jour de 1865 où les esclaves de Galveston au Texas ont appris qu'ils étaient désormais libres.
Vendredi matin, plusieurs rues du centre-ville de la capitale étaient fermées à la circulation, et une forte présence policière était déployée près de la Maison-Blanche, sur la nouvellement baptisée Black lives matter Plaza, où les manifestants devaient converger dans la journée, ont constaté des journalistes de l'AFP.

La Maison-Blanche est visible depuis la 16e rue nord-ouest, rebaptisée Black Lives Matter Plaza, le vendredi 19 juin, à Washington.
Photo : Associated Press / Andrew Harnik
Les commémorations revêtent cette année un caractère particulier, plusieurs drames ayant forcé le pays à faire son examen de conscience sur le racisme qui a marqué son passé et qui imprègne encore aujourd'hui la société.
George Floyd, Afro-Américain de 46 ans, a été asphyxié par un policier blanc lors de son arrestation fin mai à Minneapolis. Il a succombé après être resté plus de huit minutes sous le genou de Derek Chauvin, à qui il répétait : Je ne peux pas respirer
.
La diffusion de la scène, filmée par des passants dans son intégralité, a provoqué une onde de choc dans le pays et des manifestations monstres contre le racisme au quotidien et les violences policières.
La triste vérité, c'est que ce n'est pas un cas unique
, expliquait le frère de la victime, Philonise Floyd, lors d'une réunion sur le racisme et la police des États-Unis convoquée par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU à Genève.
La façon dont mon frère a été torturé et tué devant une caméra est la façon dont les personnes noires sont traitées par la police en Amérique.
Aux cris de Black Lives Matter
, plusieurs millions de personnes sont descendues dans les rues pour dénoncer les injustices raciales. La mobilisation, émaillée de violences et de pillages, a jeté une lumière crue sur les méthodes des forces de l'ordre et leur attitude face la minorité noire.
À Atlanta, un autre fait divers le 12 juin a provoqué la colère : un policier blanc a tué de deux balles dans le dos Rayshard Brooks, un Afro-Américain qui tentait, un Taser à la main, d'échapper à son arrestation pour ébriété.
Comme à Minneapolis, le policier en cause a été limogé puis inculpé de meurtre.

Shawna Jacobs porte un masque avec une photographie de la 16e rue nord-ouest rebaptisée Black Lives Matter Plaza près de la Maison-Blanche, le vendredi 19 juin, à Washington.
Photo : Associated Press / Andrew Harnik
Maître de la division
Même s'il a dénoncé les morts de Floyd et de Brooks, Donald Trump a raté l'occasion de se présenter en président rassembleur et s'en est plutôt pris aux manifestants.
Le locataire de la Maison-Blanche a même mis de l'huile sur le feu en programmant le jour du Juneteenth
à Tulsa, dans l'Oklahoma, un grand rassemblement de campagne pour sa réélection en novembre. La ville est marquée par le souvenir d'une des pires émeutes raciales de l'histoire, où jusqu'à 300 Afro-Américains ont été massacrés par une foule blanche, en 1921.
Ce choix a été dénoncé comme une provocation, forçant M. Trump à reporter le rassemblement au lendemain.
Les rassemblements ont également poussé les Américains à se replonger dans l'histoire d'un pays qui s'est déchiré sur la question de l'esclavage, un système qui a assuré son essor économique.
Les appels se sont multipliés pour le déboulonnage de monuments à la gloire de généraux et responsables confédérés lors de la guerre de Sécession (1861-1865), qui pullulent dans le sud du pays, et certains ont été détruits.
Le championnat automobile NASCAR a interdit les drapeaux confédérés sur ses circuits, souvent agités par la foule dans le Sud, où il est très populaire. Et la cheffe des démocrates au Congrès a ordonné jeudi le retrait des portraits de quatre anciens présidents de la Chambre des représentants qui se sont rangés aux côtés des confédérés.
Plusieurs grandes entreprises, comme Nike et Twitter, ont accordé vendredi un jour de congé à leurs employés pour marquer Juneteenth.
Malgré les avancées obtenues avec le mouvement pour les droits civiques dans les années 50 et 60, la minorité noire (13 % de la population) est la grande oubliée de la prospérité. Plus pauvre, plus malade, elle est sous-représentée au niveau politique et victime d'incarcérations de masse.
La crise du coronavirus a encore accentué ces maux : le taux de chômage des Noirs américains a explosé avec l'arrêt de l'économie et, en occupant de nombreux emplois jugés essentiels, ils sont plus exposés que les autres à la COVID-19.