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La santé mentale dans l'angle mort de la pandémie

Des experts craignent un pic de problèmes en santé mentale trois mois après le début du confinement.

Une femme portant un masque regarde l'écran de son téléphone portable.

Le reportage d’Anne-Louise Despatie

Photo : Getty Images / hsyncoban

Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Les yeux sont toujours rivés sur la courbe de contamination de la COVID-19, mais trois mois après le début du confinement, des spécialistes commencent à s’intéresser à une autre courbe, celle des problèmes de santé mentale.

Dans les premiers pays frappés par la pandémie, le déconfinement a levé le voile sur l'ampleur des problèmes liés à l'isolement, à l'absence de routine et au manque de services.

Si on se fie à ce qui est arrivé en Asie ou en Europe, on sait que le pic de consultations en santé mentale et en psychiatrie […] va arriver avec le déconfinement, explique le psychiatre Luigi De Benedictis de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal.

« Il y a bien des patients qui étaient aux prises avec des problèmes de santé mentale et qui ont évité de consulter par peur d'être contaminés. Pendant plusieurs semaines, ces patients ont souffert en silence. »

— Une citation de  Luigi De Benedictis, psychiatre

Il estime que le Canada est au début de ce pic et constate déjà une augmentation des besoins dans les services destinés aux toxicomanes.

Notre pic en santé mentale et en psychiatrie, c'est actuellement qu'il débute, précise-t-il.

Un soutien psychologique en ligne

L'organisme Revivre, qui soutient les personnes ayant des troubles anxieux, dépressifs et bipolaires depuis bientôt 30 ans, a dû interrompre ses services à la mi-mars. Face à la demande qui a augmenté du tiers, l'organisme offre désormais un soutien en ligne.

Ses ateliers de gestion de l'anxiété, par exemple, ont pu être offerts à distance pour aider des personnes comme Marie-Ève Lapierre. La jeune femme de 23 ans a été éprouvée dès le début du confinement, à sa première sortie à l'épicerie.

Quand j'ai vu les tablettes vides et que des gens avaient leur panier plein, moi, ça m'a fait capoter. Je suis arrivée à la caisse et j'ai fait une crise d'anxiété, relate la jeune femme.

En plus de la peur d’une pénurie, elle a été affectée par l'annulation de deux rendez-vous en psychothérapie, ainsi que la fermeture des régions qui l’a coupée de sa famille au Lac-Saint-Jean.

J'ai aussi fait un tri dans l'information sur la pandémie pour éliminer les réseaux sociaux, confie-t-elle.

Des entreprises prennent les devants

Plusieurs employeurs ont également fait appel aux services en ligne de Revivre, notamment SSQ Assurance qui a près de 2000 employés en télétravail.

On voyait dans le monde ce qui se passait, l'effet que la pandémie avait sur la santé psychologique des gens, alors on ne voulait pas attendre qu'il y ait des signes comme tels, explique Marika Fontaine, responsable d'équipe Culture et santé mieux-être chez SSQ Assurance.

Nous avons aimé l'approche très concrète de Revivre, qui offre des outils à ceux qui en auraient besoin, parce que chacun vit la pandémie de façon différente : il y en a qui sont en télétravail avec des enfants, [alors que d’autres] sont seuls et/ou doivent s'occuper de parents âgés, affirme-t-elle encore.

Cette crise sanitaire sans précédent a certainement été anxiogène pour l'ensemble de la population, constate l’organisme Revivre.

C’est normal de vivre un peu d'angoisse et d'anxiété, mais pour ceux qui ne sont plus capables de fonctionner au quotidien, ça devient autre chose, souligne Jean-Rémy Provost, directeur général de Revivre.

« Ce qui m'inquiète, c'est que si la COVID-19 a été un tremblement de terre, on mesure mal le tsunami que va être la résurgence de problèmes de santé mentale. »

— Une citation de  Jean-Rémy Provost, directeur général de Revivre

Un réseau public déjà fragile

Les pertes d'emploi, les deuils, les tensions conjugales, les effets de l'isolement, l'insécurité… Autant de facteurs qui s’ajoutent à la difficile gestion de l’inconnu qui touche les gens en temps de pandémie.

Au fil du temps, les situations ont changé et les sources de stress se sont multipliées, explique Christine Grou, présidente de l'Ordre des psychologues du Québec.

« À la peur de la contagion, s'est ajouté le stress du confinement. [...] Après la fin de semaine de Pâques, on a commencé à voir un changement et une fatigue psychique qui s'installait. »

— Une citation de  Christine Grou

Elle se dit inquiète de la capacité du réseau public de répondre à tous ces besoins, alors que les ressources en santé mentale étaient déjà nettement insuffisantes avant la pandémie.

Quand on se compare, on se console

Parallèlement, l’Université de Sherbrooke a mené une enquête internationale visant à mesurer l'influence du discours médiatique et gouvernemental sur la réponse psychologique et comportementale de la population.

Cette étude révèle que l’anxiété et la dépression occasionnées par la pandémie seraient moins répandues au Canada et au Québec que chez nos voisins du Sud, les États-Unis.

L’enquête, qui a été menée du 29 mai au 12 juin 2020, a sondé 7791 personnes simultanément dans sept pays et régions, soit le Canada, les États-Unis, l'Angleterre, la Suisse, Hong Kong, les Philippines et la Nouvelle-Zélande. De ce nombre, 1501 personnes provenaient du Canada, dont 435 du Québec.

Bien qu'on note une légère amélioration de la santé psychologique depuis l'atteinte du sommet de la première vague de COVID-19, en avril dernier, les niveaux de dépression actuels sont, au Canada et aux États-Unis, respectivement trois et quatre fois plus élevés qu'avant la pandémie.

À titre comparatif, au Canada, les niveaux de dépression (et d'anxiété) actuels s'apparentent à ceux observés à Fort McMurray, six mois après les feux de forêt dévastateurs de 2016.

Des variations importantes s'observent toutefois entre les provinces canadiennes, alors que le Québec affiche un taux d'anxiété de 13 %, contre 23,4 % en Ontario et 19,7 % ailleurs au pays.

La province québécoise semble également moins touchée que les autres provinces canadiennes par la dépression majeure. En effet, le taux de dépression majeure au Québec (17 %) est nettement inférieur à celui qu'on constate en Ontario (26,2 %) et ailleurs au Canada (21,3 %).

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