Voici 12 questions sans réponses à propos de la COVID-19

Une illustration du coronavirus causant la COVID-19
Photo : Reuters / NEXU Science Communication
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le 7 janvier dernier, la Chine confirme avoir identifié une nouvelle maladie à coronavirus, la COVID-19. Quelques jours plus tard, la séquence génétique est publiée. Mais presque six mois plus tard, comprend-on mieux la COVID-19?
Notre compréhension de la COVID-19 a beaucoup évolué depuis le début de la pandémie, mais ce n'est pas nécessairement parce que le virus a changé; c'est plutôt que les médecins et les chercheurs commencent à avoir plus de données pour brosser un portrait plus juste de cette nouvelle maladie.
Mais il y a encore beaucoup d’éléments qui demeurent un mystère; en voici un survol.
1. Combien de personnes ont été infectées?
Nous savons que 8,7 millions de cas et 460 000 décès ont été confirmés en date du 19 juin. Cependant, le nombre de cas et de décès serait sous-estimé.
Plusieurs facteurs expliquent pourquoi :
- le taux de dépistage n’est pas le même d’un endroit à un autre (par manque de tests ou de personnel, ou pour des raisons politiques);
- les personnes infectées ayant des symptômes très légers ne se font pas tester;
- il n’existe pas de définition universelle de ce qu’est un cas confirmé;
- certains pays incluent les cas confirmés par liens épidémiologiques, d’autres non;
- certains pays comptent seulement les décès dans les hôpitaux;
- de nombreux aînés décédés en résidence de soins de longue durée n’ont pas été testés, même si on suspecte la COVID-19 comme cause de décès;
- certains pays (notamment la Russie et le Brésil) ont tenté de cacher certaines données.
2. Quel est le taux de létalité de la COVID-19?
Puisque le nombre de cas et de décès est sous-estimé, il est encore difficile de calculer un taux de létalité précis.
L’OMS ajoute que le taux de létalité peut également varier d’un endroit à l’autre, selon la qualité des données collectées, selon la qualité des soins de santé disponibles et selon le portrait sociodémographique du pays.
Selon l’Université Johns Hopkins, le ratio entre le nombre de cas confirmés et le nombre de décès varie en ce moment de 0,8 % en Arabie saoudite à 14,5 % en Italie (le Canada est à 8,2 %).
L’épidémiologiste en chef de la Maison-Blanche, Anthony Fauci, estime que le taux de létalité de la COVID-19 à travers le monde avoisinerait 1 %. Une étude de l’Université de Washington l’estime à 1,3 %.
Un taux de létalité autour de 1 % est probablement beaucoup plus proche de la réalité que le taux de près de 15 % en Italie, mais ça reste à confirmer. Une chose est certaine, disent les experts : avec un taux de létalité de 1 % ou plus, la COVID-19 serait au moins 10 fois plus meurtrière que la grippe saisonnière.
3. Connaissons-nous tous les symptômes liés à la COVID-19?
Au début de la pandémie, l’OMS indiquait que les symptômes les plus fréquents étaient la toux, la fièvre et des difficultés respiratoires. Mais au cours des derniers mois, cette liste a beaucoup changé.
Le CDC a ajouté ces symptômes à leur liste à la fin avril :
Douleurs musculaires
Irritation de la gorge
Perte de goût ou d'odorat inexpliquée
Diarrhée
Mal de tête
Selon une analyse du Kings College, la perte d’odorat et de goût (anosmie) serait un meilleur indicateur d’infection que la fièvre. Une étude en Europe estime que plus de 85 % des personnes infectées perdent leur odorat et leur goût.
Des éruptions cutanées ont également été observées et nombre d'enfants ont développé une éruption cutanée sur les orteils ou sur les doigts qui ressemble à une engelure.
On a aussi constaté des cas inexpliqués d’AVC chez de jeunes patients, des défaillances d’organes (reins, foie, cœur), et de petits caillots de sang qui peuvent se retrouver partout dans le corps.
Certaines personnes souffrent d’hypoxie silencieuse – lorsqu’un patient a un niveau d’oxygène sanguin dangereusement bas, mais semble bien respirer.
Par ailleurs, des recherches sont également en cours pour établir s’il y a un lien entre la COVID-19 et la maladie de Kawasaki, un syndrome inflammatoire touchant les enfants.
Cette gamme de symptômes soulève bien des questions. Est-ce que tous ces symptômes sont directement causés par la COVID-19? Ou s’agit-il de complications? Difficile de le dire.
4. Qui est le plus à risque?
Bien que les personnes âgées et celles qui ont des problèmes de santé sous-jacents semblent plus à risque de subir des complications liées à la COVID-19, il est encore difficile d’expliquer pourquoi certaines personnes sont gravement malades et d’autres non.
Au début de la pandémie, on a observé que les personnes ayant une fragilité pulmonaire sont les plus à risque de développer des symptômes sévères. Puis on a ajouté les maladies cardiaques, le diabète et l'hypertension artérielle à la liste des maladies chroniques susceptibles d’aggraver la maladie.
Pour une raison qui demeure inconnue, les enfants développent peu de symptômes lorsqu’ils sont infectés.
Les hommes présentent plus de risques de développer la maladie et d’en mourir que les femmes, mais la raison est encore floue.
Une étude européenne (Nouvelle fenêtre) a découvert que les personnes infectées par la COVID-19 qui ont du sang de type A ont 50 % plus de risque d’avoir besoin d’oxygène ou d’être intubées. Mais personne ne sait encore pourquoi.
Des différences génétiques pourraient expliquer pourquoi certaines familles entières sont décédées de la COVID-19, tandis que d’autres sont complètement rétablies, et pourquoi certaines personnes ont des symptômes extrêmement sévères. Des études pour confirmer cette hypothèse sont en cours.
5. Quels sont les effets à long terme sur la santé d’une personne infectée?
Les médecins ne savent pas encore si la guérison diffère des autres types d'infections. Généralement, il semble que les cas légers et modérés peuvent bien récupérer.
Le temps moyen de récupération est de 14 jours, mais selon le King’s College de Londres, environ 1 personne infectée sur 10 a des symptômes (fatigue, fièvre, maux de tête, perte d’appétit, d’odorat et de mémoire, essoufflement) qui persistent plus de trois semaines après l’apparition des premiers symptômes.
Et étrangement, il semble que les personnes qui avaient des symptômes légers soient plus susceptibles d'avoir une variété de symptômes étranges qui disparaissent et qui reviennent sur une longue période
, écrit le professeur Tim Spector dans son étude sur la COVID-19, en ajoutant qu’il n’y a pas suffisamment d’information pour tirer des conclusions quant aux effets à long terme de la maladie.
6. Existe-t-il des traitements?
Pour l’instant, il n’y a aucun médicament ni traitement spécifique recommandé par l’OMS.
Vous avez peut-être entendu parler d’études qui affirment que le remdesivir (un médicament antiviral expérimental développé contre l’Ebola) ou même la dexaméthasone (un médicament de la famille des stéroïdes) pourraient aider à traiter les personnes infectées. Par contre, ces études – et de nombreuses autres – sont encore préliminaires.
Les chercheurs affirment qu’il faut être prudent avec ces possibles traitements, puisqu'ils n’ont pas encore été testés à grande échelle.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a d’ailleurs suspendu les essais cliniques avec l’hydroxychloroquine. Aucune grande étude rigoureuse n'a montré que ce médicament était sécuritaire ou bénéfique.
7. Combien de personnes sont asymptomatiques?
L’OMS affirme qu’il est encore difficile de savoir exactement combien de personnes sont asymptomatiques ou présymptomatiques (une personne infectée, mais qui n’a pas encore présenté de symptômes).
Une étude (Nouvelle fenêtre) estime que 40 % à 45 % des cas pourraient être asymptomatiques, tandis que d’autres études estiment ce chiffre à moins de 20 %.
Selon certaines études préliminaires, les personnes seraient les plus contagieuses dans les jours précédant l’apparition des symptômes.
La majorité de la transmission du virus semble être causée par des personnes qui présentent des symptômes, mais il n’est pas encore clair pourquoi certaines personnes sont asymptomatiques et comment elles peuvent propager le virus.
8. Une personne rétablie est-elle immunisée?
L’OMS précise qu’à l’heure actuelle, aucune preuve scientifique n’indique que les personnes qui ont vaincu la COVID-19 et qui ont des anticorps sont immunisées contre une deuxième infection.
Quelques études ont démontré que ceux qui se sont remis de la COVID-19 ont développé des anticorps contre le virus.
On ne sait pas encore si les anticorps protégeront ces personnes contre des infections subséquentes. Et si une personne est immunisée, pendant combien de temps le sera-t-elle? Un mois? Un an? Pour toute sa vie?
En Corée du Sud, quelques centaines de personnes qui étaient rétablies ont de nouveau été déclarées positives pour la COVID-19 plusieurs semaines plus tard. Les autorités croient plutôt qu’il s’agit de faux positifs
– que les tests de dépistage ont détecté des cellules mortes expulsées par les poumons.
9. Peut-on se fier aux tests sérologiques?
De plus en plus de pays, dont le Canada, commencent à utiliser les tests sérologiques dans le but de dépister les personnes qui ont eu la maladie sans le savoir dans le passé et qui ont développé des anticorps.
Ces tests aideront les chercheurs à mieux comprendre l'ampleur des cas asymptomatiques et à avoir un meilleur portrait de la propagation du virus.
Mais ces tests ne sont pas tous fiables. Selon des études préliminaires, ils peuvent être défectueux, facilement mal interprétés et ont le potentiel de donner de faux positifs. Et comme expliqué plus tôt, puisqu’on ne sait pas encore si une personne rétablie peut être réinfectée, un test sérologique positif pourrait donner un faux sentiment de sécurité.
Par ailleurs, dans une nouvelle étude, les chercheurs de Johns Hopkins ont montré qu’un dépistage trop tôt au cours de l'infection entraînerait probablement un test faussement négatif, même si la personne peut par la suite être déclarée positive pour le virus.
10. Où est apparu le virus pour la première fois?
Si l’une des premières importantes éclosions a été détectée dans la région de Wuhan, en Chine, il n’est pas encore clair où l’épidémie a réellement commencé et à quel moment.
Une étude de l’Université Harvard suggère que la maladie était présente en Chine dès le mois d’août. Une étude du Broad Institute démontre que la COVID-19 était déjà adaptée à la transmission humaine lorsqu'il a été identifié à Wuhan en décembre, suggérant que le virus était déjà en circulation depuis un moment et qu’il ne provenait probablement pas du marché des fruits de mer de Huanan.
De plus, une autre étude montre qu’une des variantes du virus détectée aux États-Unis était une version plus primitive que celle trouvée en Chine, soulevant la théorie que le virus aurait possiblement émergé ailleurs qu'en Chine.
Une étude publiée le mois dernier suggère qu'un Français avait été infecté dès le 27 décembre et des chercheurs italiens soupçonnent que le nombre plus élevé que d'habitude de cas de pneumonie grave et de grippe à la fin de 2019 montre que le virus est arrivé plus tôt que prévu.
Une chose est certaine : le SRAS-CoV-2 a une source zoonotique, possiblement une hybridation entre un coronavirus de pangolin et un de chauve-souris. Et, non, la COVID-19 n’aurait pas été concoctée dans un laboratoire.
11. Quand aurons-nous un vaccin?
Historiquement, seuls 6 % des potentiels vaccins réussissent à percer le marché et le processus peut prendre plusieurs années.
L’espoir est de trouver un vaccin, de le tester et de le rendre disponible en 12 à 18 mois. Une centaine de vaccins sont à l'étude à travers le monde, mais seulement une dizaine sont à l’étape des essais sur des humains. C’est souvent lors de cette étape que le vaccin échoue.
12. Qui aura accès au vaccin en premier?
Lors de la pandémie de la grippe H1N1 en 2009, les pays plus riches ont monopolisé les réserves de vaccins. Sous pression de l’OMS, ces pays ont finalement partagé 10 % – moins de 77 millions de doses – de leurs réserves avec les pays les plus pauvres.
Le secrétaire général de l'ONU souhaite que ce futur vaccin soit considéré comme un bien public mondial
, accessible à tous.
Mais déjà, certains pays ont placé leurs pions : les États-Unis ont signé un contrat avec le groupe pharmaceutique AstraZeneca afin de mettre la main sur 300 millions de doses. La France, l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas ont eux aussi signé avec AstraZenaca pour obtenir entre 300 et 400 millions de doses. Israël a signé un contrat avec la compagnie Moderna. Le Canada a signé un contrat pour obtenir 37 millions de seringues avec la compagnie Becton Dickinson.
La course au vaccin profitera-t-elle encore à certains pays? Et qui sera vacciné en premier? Les travailleurs de la santé? Les travailleurs essentiels? Les aînés? Les militaires? Toutes ces questions demeurent et la façon dont un futur vaccin sera distribué causera certainement de nombreuses controverses.
Selon l'OMS, il y a présentement près de 6000 études scientifiques qui sont en cours. Les prochains mois apporteront peut-être plus de réponses à toutes ces questions.