La mort d'un deuxième Autochtone aux mains de la police en 10 jours fait monter la colère

Rodney Levi est mort lors d'une intervention policière de la GRC, près de Miramichi au Nouveau-Brunswick
Photo : Contribution
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La grogne monte après la mort d'un deuxième Autochtone sous les balles d'un policier au Nouveau-Brunswick. Des représentants autochtones et des élus demandent que des comptes soient rendus et que le racisme systémique qu'ils dénoncent soit enfin combattu dans la province.
Rodney Levi, 48 ans, a été tué lors d'une intervention policière de la GRC à Miramichi vendredi. Sa mort survient un peu plus d'une semaine après celle de Chantel Moore, morte le 4 juin sous les balles d'un agent de la Force policière d'Edmundston.
Le chef Bill Ward de la Première Nation micmaque Metepenagiag, aussi appelée Red Bank, exige des réponses à la suite de ce drame dans sa communauté.

Rodney Levi, 48 ans, a été tué par un agent de la GRC, près de Miramichi, au Nouveau-Brunswick.
Photo : Contribution
Je ne peux pas me l'expliquer. Je ne peux pas
, lance le chef Bill Ward en essuyant ses larmes, lors d'une déclaration vidéo faite par l'entremise de Facebook live, samedi.
C'est difficile pour moi de croire la police. Je ne veux pas lancer de division ou de rébellion, mais j'ai beaucoup de difficulté à y croire, surtout avec toutes ces histoires où des Autochtones sont tués et où on ne connaîtra pas les détails avant plusieurs années.
Il ajoute être inquiet quand il pense au sort qui pourrait être réservé à d'autres membres de sa communauté. « J'ai peur pour les prochains », dit-il.
Que s'est-il passé?
La GRC de Sunny Corner a reçu un appel vers 19 h 40 vendredi soir demandant de se rendre à un domicile près de la Première Nation. L’appel concernait une personne « dont la présence n'était pas voulue sur les lieux », selon des informations de la GRC au Nouveau-Brunswick.
Lorsque les policiers sont arrivés, ils ont fait face à un homme armé de couteaux.
Une arme à impulsions électriques a été utilisée à plusieurs reprises, mais sans succès. Un policier a ensuite utilisé une arme à feu pour maîtriser l’homme.
Toujours selon la GRC, l'homme a été soigné sur place, puis il a été emmené à l'hôpital, où il est décédé de ses blessures vers 21 h.

L'incident s'est produit dans un domicile situé sur la route 425 à Boom Road, près de la Première Nation de Metepenagiag. La route était fermée à la circulation samedi.
Photo : Radio-Canada / Michele Brideau
Craintes de débordements
Le chef régional de l'Assemblée des Premières Nations au Nouveau-Brunswick, Roger Augustine, souligne que l'incident a eu lieu à la veille de marches de la guérison prévues samedi en l'honneur de Chantel Moore.
L’impact est catastrophique pour nous tous. C’est beaucoup. Je me sens mal pour les jeunes
, dit M. Augustine.
Le chef dit que la colère gronde dans les communautés micmaques. Selon lui, il est important de mettre l’accent sur la guérison. Il redoute que la situation ne s’enflamme et lance un appel au calme. Des discussions ont lieu actuellement et pourraient mener au blocage de ponts et de routes, s'inquiète-t-il.

Le chef régional de l'Assemblée des Premières Nations au Nouveau-Brunswick, Roger Augustine, lance un appel au calme après la mort de Rodney Levi.
Photo : Radio-Canada
La colère monte
L’une des organisatrices de la marche à la mémoire de Chantel Moore, Imelda Perley, d’Edmundston, a aussi réagi à la mort de Rodney Levi.
Elle explique que les marches de la guérison de samedi devaient être des marches silencieuses pour représenter le silence imposé aux peuples autochtones, mais qu’il est peut-être temps de monter le ton.
C’est très perturbant. Alors que nous pensions réagir à ces injustices en silence, je ne peux m’empêcher de me demander si nous devrions plutôt laisser nos voix rugir.

Imelda Perley, de la Première Nation Tobique, au Nouveau-Brunswick
Photo : Radio-Canada / Logan Perley/CBC
Le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Canada, Perry Bellegarde, a lui aussi réagi à la nouvelle, samedi matin.
C'est catastrophique pour les Premières nations du Canada. Nous exigeons des réponses. Je me joins à la famille pour demander une enquête indépendante complète sur le meurtre de Rodney Levi
, a-t-il écrit.

Perry Bellegarde, chef de l'Assemblée des Premières Nations, lors de l'Assemblée spéciale des chefs de l'APN à Ottawa, le mercredi 4 décembre 2019.
Photo : The Canadian Press / Adrian Wyld
Des élus dénoncent le racisme systémique
Le ministre des Affaires autochtones du Nouveau-Brunswick, Jake Stewart, s'est adressé aux médias pour dénoncer le racisme systémique lors de la marche à Edmundston.
Il existe un racisme systémique et de lourds préjugés dans la province. Je ne parle pas seulement de la perspective des élus, mais à travers le gouvernement et le système judiciaire.

Le ministre des Affaires autochtones du Nouveau-Brunswick, Jake Stewart, dénonce le racisme systémique dans la province.
Photo : Radio-Canada
Le député du Parti vert du Nouveau-Brunswick, Kevin Arseneau, s'est pour sa part dit frustré que le premier ministre Blaine Higgs ait refusé « toute la semaine lors de discussions » d'admettre qu'il existe un racisme systémique au Nouveau-Brunswick.
On le sait depuis longtemps qu'il existe un biais envers les premières nations. On le sait depuis longtemps qu'il existe un racisme systémique. Je suis choqué – triste pour la famille et la communauté – qu'on soit encore là.
Blaine Higgs a offert ses condoléances sur Twitter.
Marcia et moi offrons nos plus sincères condoléances à toutes les personnes concernées, y compris aux familles, aux amis et aux collectivités éprouvés par cette perte.
— Blaine Higgs (@BlaineHiggs) June 13, 2020
Une enquête sur les événements
Le Bureau des enquêtes indépendantes du Québec (BEI) mènera une enquête sur les événements, à la demande de la GRC.
L'enquête du BEI permettra notamment de déterminer si les informations fournies par le corps policier sont exactes.
Huit enquêteurs ont été chargés de déterminer les circonstances de l'événement. Ils seront assistés par deux techniciens en identité judiciaire de la Sûreté du Québec.
Le Bureau des enquêtes indépendantes est mis à contribution lorsqu'un membre du public meurt, subit une blessure grave ou est blessée par une arme à feu utilisée par un policier lors d'une intervention policière.
Au terme de son enquête, le BEI remettra son rapport au coroner responsable de cette enquête au Nouveau-Brunswick, ainsi qu’au Service des poursuites publiques du Nouveau-Brunswick qui déterminera s’il y a lieu de déposer des poursuites criminelles contre les policiers impliqués.
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Avec les informations de CBC et La Presse canadienne