Il y a bel et bien du racisme systémique dans les rangs de la GRC, admet Lucki

Le reportage de Laurence Martin.
Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Après avoir hésité à reconnaître qu’il y avait du racisme systémique au sein même de la police fédérale, la commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Brenda Lucki, a admis vendredi qu’elle « aurait dû le faire ».
Dans une entrevue accordée plus tôt cette semaine à CBC, la commissaire avait préféré parler de préjugés inconscients
, une déclaration qui lui avait valu d’être rappelée à l’ordre par le premier ministre du Canada, Justin Trudeau.
Le racisme systémique représente un enjeu dans tout le pays, incluant tous les corps de police, y compris la GRC
, avait-il déclaré jeudi.
Brendra Lucki a reconnu avoir eu de la difficulté avec la définition du terme racisme systémique
au cours de différentes entrevues
.
J'ai admis que, dans notre organisation comme dans d'autres, il y avait du racisme, mais je n'ai pas affirmé formellement que le racisme systémique existe à la GRC. J'aurais dû le faire
, a-t-elle déclaré vendredi.
Au cours de notre histoire, nous n'avons pas toujours traité les personnes racisées et les Autochtones de façon équitable, et c'est toujours le cas aujourd'hui.
Le racisme systémique s'inscrit dans les structures organisationnelles teintées de certaines iniquités qui persistent dans notre société. Et il se manifeste dans des politiques, des processus et des pratiques qui peuvent sembler neutres au premier regard, mais qui en réalité désavantagent des personnes ou des groupes racisés
, a-t-elle poursuivi, assurant que son organisation s'efforçait activement de surmonter ce problème
.
La commissaire a ajouté que les agents de la police fédérale qui refuseront d'adhérer aux valeurs fondamentales
de la GRC devront rendre des comptes à cet égard
.
Le commandant de la GRC en Alberta, Curtis Zablocki, a lui aussi fait marche arrière vendredi, presque au même moment que la commissaire Lucki. En début de semaine, M. Zablocki avait déclaré qu'il ne croyait pas à l'existence du racisme systémique au sein de la police en Alberta.
Ces propos ont été mal accueillis, d'autant plus qu'ils ont été formulés après que des images de la violente arrestation du chef de la Première Nation des Chipewyan de l’Athabasca, Allan Adam, par des membres de la GRC en Alberta eurent commencé à circuler. Le chef Adam estime que son arrestation est due au fait qu'il est autochtone, et qu'elle n'aurait donc pas eu lieu s'il avait été blanc.
Après la parole, les actes
Il fallait s’attendre à un changement de discours de la part de la commissaire
, a réagi en entrevue à 24/60 Bernard Richard, ancien ombudsman du Nouveau-Brunswick et conseiller de l'agence Mi'kmaq de services aux enfants et à la famille. Clairement, elle se trompait
, a-t-il ajouté.
En n'adhérant pas au message du premier ministre canadien, Brenda Lucki s'est retrouvée de plus en plus isolée dans sa position
, selon M. Richard. Le racisme systémique au sein de la GRC et de tous les autres corps policiers du Canada est selon lui une évidence
.
S'il est bien de s'entendre sur les termes appropriés à employer, encore faut-il agir, a indiqué M. Richard. Ça prend des actes beaucoup plus que des paroles
, autant pour Mme Lucki que pour M. Trudeau, a-t-il poursuivi.
Après cinq ans au pouvoir, les libéraux n'ont pas su régler les problèmes qui touchent les populations racisées au Canada, en particulier les Autochtones, comme le démontre leur surreprésentation dans le système judiciaire
et dans les établissements correctionnels.
Au-delà du recours aux caméras d'intervention pour les forces de l'ordre, il y a un travail beaucoup plus fondamental à faire aussi, un travail d’éducation
, a expliqué M. Richard.
Les membres des communautés autochtones, a-t-il donné en exemple, entretiennent énormément de méfiance
à l'égard de la police. Et l'ouverture d'enquêtes par des unités spéciales pour faire la lumière sur les violences commises par les forces de l'ordre ne risque pas d'améliorer cette situation, a dit en substance l'ancien ombudsman.
De l'avis de M. Richard, il faut absolument
recourir aux personnes issues des Premières Nations – des juges à la retraite, d'anciens policiers, des avocats – qui agiront de façon indépendante afin d'apporter un point de vue autochtone
à ces enquêtes.
Dans le cas du chef Allan Adam, l'Équipe d'enquête de l'Alberta en cas d'incident grave (ASIRT) a reçu le mandat de mener une enquête indépendante sur les circonstances ayant mené à cette arrestation et le recours à la force par les policiers.
Par ailleurs, la Commission des services juridiques du Nunavut a demandé lundi à ce qu'un examen des méthodes employées par la GRC sur le territoire soit mené, assurant avoir documenté 32 cas allégués de racisme et de mauvais traitements infligés par la police à des femmes inuit.