Des Ontariens dénoncent une discrimination systémique au sein des institutions publiques

Une manifestante tient une pancarte où il est écrit qu'il faut faire cesser la discrimination systémique au sein des institutions publiques.
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Depuis plusieurs semaines, les manifestants à travers le pays dénoncent un racisme systémique. En Ontario, d'anciens travailleurs de la fonction publique demandent au gouvernement de créer un groupe de travail indépendant pour résoudre ce problème au sein de ses institutions.
Devant Queen’s Park vendredi, une dizaine de personnes se sont assises en silence, pancartes à la main reprenant les slogans entendus et lus au cours des manifestations des derniers jours : Black Lives Matter, Covert Racism Must Be Exposed, End of Systemic Racism
.
Cette fois, ce sont principalement des retraités de la fonction publique de l’Ontario, qui disent ne plus avoir peur maintenant
et pouvoir s’exprimer librement sur ce qu’ils ont vécu lorsqu'ils travaillaient dans les institutions publiques de la province.
Même en identifiant les harcèlements vécus et en les dénonçant, on est punis pour s’être exprimés
, assure Cikiah Thomas, l’un des organisateurs du rassemblement.
Lui-même retraité de la fonction publique, il estime que le racisme fait partie de la culture des institutions
.

Cikiah Thomas, retraité de la fonction publique de l’Ontario
Photo : Radio-Canada
Aussi talentueux que vous puissiez l’être, vous ne monterez jamais les échelons aussi vite que les autres.
Des plaintes aux supérieurs qui restent lettre morte, de l’intimidation, et la peur de s’exprimer. Voilà ce qu’est l’expérience de beaucoup d’employés noirs, selon lui.

Quelques personnes s'étaient réunies devant Queen's Park pour dénoncer "un racisme systémique" au sein des institutions publiques.
Photo : Radio-Canada
Un groupe de travail indépendant
Le Réseau des employés noirs de la fonction publique de l’Ontario demande au gouvernement ontarien de mettre sur pied un groupe de travail indépendant spécialisé, avec des experts de la communauté tels que des travailleurs sociaux, qui connaissent le racisme systémique.
Ce groupe serait chargé d’examiner toutes les lois, les programmes et les politiques existantes pour les réformer au besoin. Selon Evalyn Brown, présidente du Réseau, le statu quo ne fonctionne pas
.

La spécialiste des rapports ethniques et professeur à la Faculté d'Éducation à l'UQAM, Maryse Potvin.
Photo : Emilie Tournevache
Ça fait longtemps qu'une telle instance est demandée lors de consultations publiques dans plusieurs provinces. L'idée serait d'avoir une sorte d'instance qui recueille des données de façon périodique pour vérifier que les objectifs en matière d'équité ont été atteints
, indique la spécialiste des rapports ethniques et professeur au Département d'Éducation à l'UQAM, Maryse Potvin.
Selon elle, cela permettrait d'avoir les données à jour, mais aussi le portrait sur l'ensemble des systèmes d'emploi, des promotions, et de recrutement.
Elle se demande aussi si le gouvernement a fait un effort réel pour recruter notamment auprès des minorités visibles.
Un groupe indépendant permettrait davantage de suivre les rapports entre les membres du personnel, les gestionnaires et les employés, insiste-t-elle.

Sur une pancarte une manifestante dénonce un racisme systémique dissimulé, qui doit "être dévoilé au grand jour".
Photo : Radio-Canada
Une discrimination systémique
Selon les données statistiques provenant des sondages faits par la fonction publique de l’Ontario, en 2018, parmi tous les répondants qui disaient avoir vécu une discrimination, près de 30% ont précisé que c’était en raison de leur race.
En 2017, parmi tout le personnel noir, 25% indiquaient avoir subi une discrimination et 23% du personnel autochtone indiquait la même chose, alors qu'à peine 13% du personnel total de la fonction publique de l'Ontario disait avoir subi une discrimination.
Les dernières données du gouvernement, elles, montrent qu'en 2017 et 2018, 23% des employés de la fonction publique se sont déclarés comme étant racialisés
.
À titre comparatif, en 2016 le recensement indiquait qu'un Ontarien sur quatre s'était déclaré comme membre de la population des minorités visibles, soit 29,3 % de l'ensemble de la population de la province.

Une manifestante tient une pancarte où il est écrit " Les vies des Noirs comptent"
Photo : Radio-Canada
Cikiah Thomas demande pour sa part depuis 2005 aux gouvernements successifs de l’Ontario de compiler des données raciales plus précises, pour pouvoir documenter les problèmes récurrents rencontrés par certains groupes.
On le voit pendant la crise de la COVID-19, il est primordial d’avoir des données sur les populations plus ciblées pour résoudre les problèmes auxquels elles font face
, dit-il.
Selon Mme Potvin, des données précises sont utiles pour voir aussi l'évolution entre les différentes générations.
D'avoir des données extrêmement précises avec le plus de variables possible permet de cibler le groupe qui a le plus de besoins ou est le plus victime de mise à l'écart ou l'absence de promotion dans l'emploi, etc.
Un groupe indépendant pourrait analyser de manière précise ces statistiques pour que le gouvernement puisse vraiment saisir ce qui se passe entre ses murs, selon elle.
Le gouvernement promet d'agir
Ce n’est pas la première fois que le racisme systémique est dénoncé dans les institutions publiques en Ontario.
L’automne dernier, la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) avait discuté avec le gouvernement de son action pour lutter contre le racisme systémique à l’endroit des personnes noires dans la fonction publique de l’Ontario.
La CODP se disait alors très inquiète
quant à l’existence d’un racisme systémique au sein de la FPO, notamment à l’égard des personnes noires.
Le gouvernement s’était alors engagé à faire appel à une tierce partie indépendante pour faire examiner la politique de prévention de la discrimination et du harcèlement au travail (PDHT). Il s’est aussi engagé à la diversification des équipes dirigeantes.

Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford
Photo : La Presse canadienne / Nathan Denette
Une porte-parole du gouvernement souligne dans un courriel à Radio-Canada que la fonction publique s'est engagée à créer et soutenir un changement organisationnel pour faire avancer un milieu de travail inclusif.
Il est aussi précisé que des initiatives ont été mises en place pour augmenter le pourcentage de personnes sous-représentées dans les rangs de la haute gestion, y compris les Noirs et les Autochtones. Notamment par le biais de voies de leadership comme le mentorat et les programmes de développement
, est-il indiqué dans le courriel.
L'objectif est d'atteindre la parité avec la représentation dans les rangs des dirigeants de la population active de l'Ontario d'ici 2025
, est-il aussi écrit.