Québec doit rendre le port du masque obligatoire, réclament médecins et experts

Le reportage de Vincent Maisonneuve
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Un groupe de professionnels de la santé demande à Québec de rendre le port du masque obligatoire dans les lieux publics fermés, de même que dans les espaces extérieurs où la distanciation physique est difficile à respecter.
Le port du masque doit devenir généralisé pour être efficace
, soutient Nimâ Machouf, épidémiologiste de la santé.
De concert avec une vingtaine de médecins et d'experts, elle demande au gouvernement du Québec de rendre le masque obligatoire pour les plus de 12 ans dans les lieux publics fermés et dans tout espace public extérieur où la distanciation physique est difficile ou impossible à réaliser
.
En conférence de presse devant le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), jeudi matin, l'épidémiologiste Nimâ Machouf a avancé que le fait de se couvrir le visage est une mesure peu coûteuse, dont l'efficacité a été démontrée pour réduire la propagation de la COVID-19.
En attendant l'élaboration d'un vaccin, le masque est maintenant reconnu comme un outil essentiel pour retrouver le peu de normalité dans nos vies et renouer avec les gens et les activités qu'on aime.
Des chercheurs en modélisation des épidémies affirment que, pour que la mesure soit efficace, 80 % de la population doit porter le masque pour juguler l'épidémie
, a-t-elle souligné.
Mme Machouf affirme qu'à Hong Kong, où ce niveau est largement atteint, on dénombre 1108 cas infectés et 4 décès, pour une population de 7,5 millions d'habitants. Au Québec, pour 8 millions d'habitants, nous avons dépassé les 50 000 cas et 5000 décès
, dit-elle.

Du personnel de la santé a été appelé pour tenir une clinique de dépistage mobile dans le quartier Saint-Michel. (Archives)
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
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« De la pensée magique »
La spécialiste en médecine interne Marie-Michelle Bellon a succédé à Nimâ Machouf au micro. Elle travaille depuis quelques semaines à l'unité COVID de l'Hôpital Notre-Dame et ce qu'elle y voit la bouleverse
.
La Dre Bellon déplore qu'avec le déconfinement, une forme de banalisation
s'est installée au sein de la population, comme si la menace s'était éloignée
.
Je pense que c'est, malheureusement, de la pensée magique, dit-elle. J'étais sur l'unité COVID la semaine dernière, [...] j'ai vu des personnes âgées qui dépérissent parce qu'elles ne peuvent pas recevoir la visite de leurs proches.
Elle cite le cas d'un homme qui a été infecté en prison par le coronavirus ou encore celui d'un migrant qui a, lui, contracté la maladie en travaillant dans un entrepôt.
Et le plus dur de tout : nous avons dû prendre en charge deux conjoints de membres du personnel soignant qui ont présenté une forme sévère de la COVID-19
, affirme Marie-Michelle Bellon.
Il faut que le personnel de soins qui se dévoue et qui met sa santé physique et mentale en danger depuis la mi-mars ait l'impression que tout est mis en oeuvre pour qu'il ne se fasse pas ramasser par une deuxième vague.

Entrevue avec Karl Weiss, président de l'Association des médecins microbiologistes infectiologues du Québec
Photo : Avanti Groupe / Karine Dufour
À l'école aussi
À leurs côtés, l'ex-député solidaire et microbiologiste-infectiologue à l'Hôpital Pierre-Le Gardeur, Amir Khadir, a plaidé que le port du masque devrait être imposé à travers le réseau scolaire, sauf au niveau primaire et dans les services de garde.
Il a noté que, parmi les spécialistes qui appuient cette revendication, figurent Karl Weiss, président de l'Association des médecins microbiologistes infectiologues du Québec; Bernard Mathieu, président de l'Association des médecins d'urgence du Québec; Joanne Liu, ex-présidente de Médecins sans frontières; Alain Vadeboncoeur, chef de l'urgence de l'Institut de cardiologie de Montréal; François de Champlain, chef d'équipe de traumatologie au CUSM; Caroline Quach, microbiologiste-infectiologue et épidémiologiste au CHU Sainte-Justine; et le Dr Stanley Vollant, qui chapeaute la cellule de crise innue pour faire face à la pandémie.
Peut-être obligatoire lors de la deuxième vague
En point de presse, jeudi après-midi, le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, a défendu sa décision de ne pas rendre le couvre-visage obligatoire. Il a rappelé qu'il avait fait le choix de le recommander fortement
, tout comme il suggère aux Québécois de respecter la distanciation et de se laver les mains.
On veut faire [du port du masque] une norme sociale pour que les gens en prennent l’habitude. Quant à le rendre obligatoire, actuellement, je vais attendre les différentes autorités internationales, canadiennes et au Québec, [où] nos experts regardent les pour et les contre.
Tandis que Toronto a annoncé plus tôt dans la journée son intention de rendre le port du masque obligatoire dans les transports en commun à compter du 2 juillet, Québec dit surveiller la situation de près
sur son territoire, évoquant des sondages menés auprès de la population.
Avant de le rendre obligatoire, on va voir jusqu’à quel point on va convaincre les gens [de le porter]
, a indiqué le Dr Arruda.
Le directeur national de santé publique n'exclut toutefois pas d'obliger les Québécois à porter un couvre-visage si une deuxième vague de COVID-19 venait à se produire. À condition d'avoir suffisamment de données ou si les autorités internationales vont dans ce sens-là
, a-t-il précisé.
À ses côtés, le premier ministre du Québec, François Legault, a déclaré : C'est le choix de la santé publique et que j'appuie
.
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Avec les informations de La Presse canadienne