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Revoir son fils après trois mois de confinement

Yanny et Jacques Mignault, qui porte un masque, se tiennent à distance, sur le trottoir d'un quartier résidentiel.

Yanny a pu revoir son père, Jacques Mignault, le temps d’une marche dans le quartier près de la résidence.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Depuis le début de la phase de déconfinement, des familles commencent à revoir leur enfant hébergé dans une ressource pour personnes ayant une déficience intellectuelle. Mais dans certains cas, elles se butent à des contraintes frustrantes dès qu'un autre usager présente des problèmes de santé qui le mettent à risque.

Dimanche après-midi, c’était jour de retrouvailles pour Gladys Adrien et son fils, Yanny. Âgé de 21 ans, ce dernier habite dans une petite ressource d’hébergement pour personnes ayant une déficience intellectuelle, à Laval.

Ça faisait 13 semaines que je ne l’avais pas vu, ça a été très émouvant, raconte sa mère. Nous avons pris une petite marche autour, je lui ai offert des gâteries.

Le lendemain, c’était au tour du père de Yanny de le revoir, le temps d’une promenade dans le quartier résidentiel où habite son fils. On aurait souhaité pouvoir le recevoir à notre domicile chacun notre tour, sa mère et moi, pendant 5-6 heures comme avant, tout en respectant les mesures de sécurité, regrette Jacques Mignault. Le couple est séparé et a un autre garçon plus jeune.

Une directive du ministère de la Santé permet depuis le 21 mai les sorties, mais à certaines conditions.

Gladys Adrien sourit devant un arbre en fleurs.

Gladys Adrien n'avait pas vu son fils depuis 13 semaines en raison de la pandémie.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Comme l’explique Geneviève Hémond, adjointe à la direction des programmes en DI-TSA-DP (déficience intellectuelle - trouble du spectre de l’autisme - déficience physique)au CISSS de Laval, de manière générale, en l’absence de COVID-19 ou de symptômes, les promenades sont autorisées. Les visites au domicile familial le sont aussi, avec ou sans nuitée, pour un week-end par exemple.

Par contre, si dans une ressource on a des personnes qui ont 70 ans ou des facteurs de risque comme le cancer, le diabète, un déficit immunitaire ou des maladies chroniques [...] c’est certain que, présentement, selon la directive, la seule sortie qui est permise, c’est à proximité du milieu, explique Mme Hémond.

Cela veut dire de s’asseoir dans la cour, de s'asseoir sur le patio. Ça peut être d’aller prendre une marche aux alentours de la ressource pour pouvoir permettre ce contact entre la famille et les usagers, détaille-t-elle. D’autres mesures peuvent s’appliquer.

Geneviève Hémond reconnaît que la situation n’a pas été facile pour les familles depuis le 13 mars. On est très empathique envers leur situation, on est toujours pris dans l’équilibre entre faire attention aux personnes dont on a la responsabilité dans les ressources versus les possibilités de visite, les nuitées au domicile, explique-t-elle.

Un homme portant la barbe et des lunettes regarde droit devant lui.

Jacques Mignault aurait souhaité pouvoir recevoir son fils chez lui.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Jacques Mignault se demande s’il serait possible de trouver, le temps de la COVID-19, un site d’hébergement pour ceux qui ont une santé vulnérable. En attendant, on se retrouve avec une personne qui pénalise les cinq autres dans leurs activités, indique-t-il. Il dit toutefois reconnaître l’importance d’assurer la sécurité de tous.

Au CISSS de Laval, on répond qu’il n’y a actuellement pas de site pour héberger des résidents à la santé vulnérable issus des milieux pour DI-TSA. Il y a cependant un site pour regrouper ceux qui ont la COVID-19 au Centre Marcelle et Jean Coutu, le temps de leur rétablissement.

COVID-19 ou pas, Yanny a rappelé à son père son anniversaire prochain à quelques reprises durant la promenade. C’est ma fête bientôt, hein, c’est ma fête bientôt!

Et son père de lui répondre : Quand la grippe sera terminée, on ira manger une pizza! Yanny a un âge mental de 5 à 8 ans.

Yanny Mignault sourit à la caméra.

Yanny Mignault habite dans une petite ressource d’hébergement pour personnes ayant une déficience intellectuelle à Laval.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

On compte à Laval près de 450 places en hébergement pour la clientèle DI-TSA-DP, que ce soit dans des ressources intermédiaires (RI) ou des ressources de type familial (RTF).

La tablette ne suffit pas

La famille Hamel-Trépanier, de Montréal, vit une situation similaire.

Infirmière de profession, Sylvie Trépanier a vu chez son fils des signes de sentiment d’abandon au fil des semaines en communiquant avec lui par tablette.

Leur fils Benjamin, 25 ans, est hébergé depuis un an dans une RAC (ressource à assistance continue) pour jeunes adultes ayant une déficience intellectuelle dans l’ouest de Montréal. Benjamin a un diagnostic de trisomie 21, de trouble de comportement, avec un âge mental de 6 ans.

Un début de déconfinement à la fin du mois de mai avait permis à sa mère de le revoir.

La semaine passée, j’ai eu un appel pour nous dire que, parce qu’il y a une personne à la RAC de mon fils avec des problèmes de santé, on ne pouvait plus amener Benjamin à notre domicile; seulement prendre une marche, déplore Mme Trépanier.

« J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. On garde notre fils prisonnier pour que cette personne-là soit protégée! »

— Une citation de  Sylvie Trépanier

On va faire ça combien de temps? Quand les plateaux de travail vont recommencer, que va-t-il arriver pour notre fils? Il ne fera plus rien pendant un an ou deux?, s’insurge Mme Trépanier.

La coordonnatrice du Comité régional pour l’autisme et la déficience intellectuelle (CRADI), Ghislaine Goulet, est bien au fait de la situation vécue par la famille Hamel-Trépanier ainsi que d’autres familles à Montréal.

Il y a deux visions de parents : d’un côté, des gens qui disent que ça n’a pas de sens que des résidents puissent sortir, que cela met en péril la santé des autres, dit-elle.

Et de l’autre, des parents qui se disent capables d’être prudents, qui ne peuvent s’imaginer qu’on pénalise tout un groupe dès qu'un des usagers de la ressource présente des conditions qui le mettent à risque, ajoute Mme Goulet.

On peut les comprendre. Il ne faut pas qu’on oublie la santé mentale des parents, des familles. Je ne serais pas d’accord de déménager une personne fragilisée, mais pensons solution à l’intérieur du milieu d’hébergement.

Delphine Ragon, coordonnatrice de l’organisme Parents pour la déficience intellectuelle (PARDI), ajoute de son côté que le manque de personnel complique aussi le déconfinement dans les ressources qui ont peu de moyens pour faire preuve de flexibilité.

Avec la PCU [Prestation canadienne d'urgence] et le programme d'embauche de préposés dans les CHSLD, il y a des départs qui font que c'est encore plus compliqué de gérer une situation déjà complexe.

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