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COVID-19 : l’application de traçage du Mila mise au placard par Ottawa

Une femme coiffée d'une tuque en laine et le visage recouvert d'un masque médical est penchée sur son téléphone cellulaire.

Les applications de traçage sont perçues comme un outil important pour lutter contre la COVID-19, mais elles suscitent aussi des inquiétudes.

Photo : Reuters / Dylan Martinez

Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

L’application COVI, développée depuis plusieurs semaines par l’Institut québécois d’intelligence artificielle (Mila) sous la direction de Yoshua Bengio, n’a pas retenu les faveurs du gouvernement fédéral. Déçue, l’équipe du Mila espère toutefois obtenir l’aval du gouvernement provincial pour que son application voie le jour, au moins au Québec.

L’équipe du Mila était en discussion régulière avec le gouvernement fédéral pour travailler au développement de son application COVI. Mais c’est devenu apparent qu’au-delà de la phase de développement, qui était sur le point de se conclure avec la livraison d’un prototype, on n'irait pas vers un déploiement au niveau canadien, explique Valérie Pisano, la présidente et chef de la direction du Mila.

Toutefois, Mme Pisano se dit fière du travail réalisé par l’équipe du Mila et des experts impliqués pour mettre de l’avant quelque chose de novateur.

Pour autant, le projet n’est pas enterré, car le gouvernement provincial du Québec – ou d’une autre province – peut encore donner un avis favorable au lancement de l’application COVI.

On embarquerait sans hésitation. Toutefois, plusieurs personnes pensent que ce serait plus favorable d’essayer d’avoir une technologie nationale pour favoriser les déplacements entre les provinces lorsqu'ils seront permis, indique Mme Pisano.

Au Québec, le cabinet du ministre délégué à la Transformation numérique gouvernementale, rattaché au Secrétariat du Conseil du Trésor, indique qu’aucune décision n’a été prise pour le moment concernant le soutien ou non au projet du Mila.

Pour qu’une application de traçage réservée à la lutte contre la propagation du virus soit disponible sur les téléphones des citoyens, Apple Store et Google Play exigent qu'elle soit validée par un gouvernement ou une instance de santé reconnue.

Shopify en bonne position?

D'après Le Devoir, l'application Covid Shield, développée bénévolement par des employés de l'entreprise de commerce en ligne Shopify, aurait obtenu les faveurs du gouvernement fédéral pour se déployer. Sur son site Internet, il est mentionné que Covid Shield est basée sur une technologie de notification d’exposition fournie par Apple et Google, dont l’approche scrupuleuse en matière de confidentialité n’a pas d’équivalent sur le marché actuel. Comme celle du Mila, l'application de Shopify utilise le Bluetooth, une technologie toutefois critiquée par plusieurs experts.

Covid Shield est une application de notification, à la différence de celle développée par le Mila qui était plutôt une application de prédiction.

Je sais qu'elle est considérée, qu'elle est robuste et qu'elle est développée à partir du protocole Apple et Google, ce qui n’était pas le cas de COVI, indique Valérie Pisano, du Mila, qui n’a pas pu confirmer le soutien du gouvernement à Shopify.

Elle ajoute : C’était des approches très différentes, et pour ce qui est de la structure de gouvernance de Shopify, j’ose croire que ce ne sera pas l'entreprise privée elle-même qui va diriger le projet.

Shopify, tout comme Santé Canada, n'avait pas répondu à une demande d'entrevue au moment d'écrire ces lignes.

L'entreprise Shopify a-t-elle bel et bien obtenu le soutien du gouvernement? Alexander Jagric, conseiller en gestion des enjeux et attaché de presse du ministère de l'Innovation, a indiqué que Québec n'a pas fait d'annonce à propos d'une application, mais que plus de détails devraient être dévoilés dans les semaines à venir.

D'autres entreprises planchent aussi sur le développement d'applications de traçage, comme les jeunes pousses Cinchy et Mappedin.

Le protocole Google et Apple

L'un des grands enjeux du développement de toutes ces applications était la capacité des téléphones à communiquer entre eux grâce au Bluetooth. Apple et Google se sont donc mis d'accord pour régler ce problème, en apportant entre autres un changement à leur interface de programmation. Les développeurs d'application comme Covid Shield ou COVI peuvent ensuite utiliser ce protocole pour s'assurer que leur application va bien fonctionner sur tous les téléphones.

Un débat public à tenir

En ne soutenant pas le Mila sans en expliquer les raisons, le gouvernement canadien a manqué l'opportunité de tenir un débat public sur les questions que soulèvent ces applications, estime Anne-Sophie Letellier, experte en cybersécurité chez Crypto-Québec. Faire tout ça dans l’ombre du débat démocratique, ça ne va pas aider une adoption en bonne et due forme de l’application [par les citoyens].

Avec beaucoup de retenue, elle tente d’expliquer la décision du gouvernement fédéral de ne pas vouloir opter pour COVI. Contrairement à Shopify, le Mila a décidé de récolter beaucoup de données de santé et de données démographiques. Je pense que c’est ça qui a rendu le gouvernement plus frileux, conclut-elle.

De son côté, Valérie Pisano déplore qu'une certaine méconnaissance de ce qu'est l'intelligence artificielle, entre autres, ainsi qu'une forme de désinformation aient fait mal au Mila. Et pas seulement. L’ensemble de la démarche, qui est de voir comment la science peut nous amener à innover rapidement, en a souffert. On est en train d'étouffer cette conversation. On veut que le débat ait lieu, mais ça doit être un débat honnête basé sur des faits et pas de fausses informations.

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