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L’Alberta, berceau d’un nouveau réseau d’énergie?

La province peut produire l'hydrogène le moins cher au monde.

Le symbole de l'hydrogène

L'hydrogène peut être produit à partir des énergies fossiles ou par utilisation d'électricité.

Photo : iStockphoto

Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

S’il s’agit bien des prémisses d’une révolution, elle est née sans tambour ni trompette : un simple communiqué noyé au milieu de dizaines d’autres annonçait la création d’un groupe de travail sur l’hydrogène dans la région d’Edmonton. Mais pour les participants de ce groupe, ce communiqué pourrait bien être l’équivalent d’un faire-part de naissance, soit celui d’un nouveau réseau énergétique au coeur de l’Alberta. 

Tout comme le diésel a dominé les générations passées, l’hydrogène pourrait très bien être la source principale d’énergie des générations futures, rêve Dan Wicklum, qui est le PDG de l’Accélérateur de transition, l’organisme qui chapeaute le groupe de travail. 

« Imaginez le gaz naturel transformé en source d’énergie propre exportée dans tout le pays. L’Alberta devient la solution et non plus le problème. »

— Une citation de  Dan Wicklum, PDG de l'Accélérateur de transition

Qu’est-ce que l’Accélérateur de transition?

Il s’agit d’un organisme à but non lucratif fondé au printemps 2019. Il se propose de trouver de nouvelles solutions pour transformer des régions et des secteurs et répondre aux changements climatiques. 

En plus de l’hydrogène, l’Accélérateur dit aussi travailler sur les questions de transport personnel, d’agroalimentaire et d’électrification. 

L’Accélérateur s’appuie sur trois directeurs de recherche: James Meadowcroft, professeur en sciences politiques à l’Université Carleton, Normand Mousseau, professeur de physique à l’Université de Montréal et David Layzell directeur de l’initiative CESAR à l’Université de Calgary. Son travail le conduit toutefois à s’allier avec des municipalités, des entreprises et des chercheurs. 

L’organisme a été financé au départ par cinq fondations philanthropiques : la fondation Ivey, Jarislowsky, McConnell, la fondation familiale Trottier et la fondation communautaire d’Edmonton.

La ruée vers l’hydrogène

Ce n’est pas la première fois que l’hydrogène est vu comme la poule aux oeufs d’or. L’élément chimique présent en très grande quantité sur Terre n’émet aucun gaz à effet de serre lorsqu’il est utilisé.

Le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’Énergie à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau, croit cependant que les conditions favorisent l’investissement dans cette source d’énergie.

Il y a beaucoup plus de sérieux dans la lutte aux changements climatiques et l'on se rend compte qu’il va falloir pour certaines catégories de transport avoir un carburant alternatif aux produits pétroliers. L'hydrogène est le principal carburant qui pourrait être déployé à plus grande échelle, affirme-t-il.

Une voiture de train sur ses rails, dans une arrière-gare.

En Europe, les trains à hydrogène commencent à faire leur apparition.

Photo : Alstom/Twitter

Camions, trains, avions mais aussi cimenteries et usines sidérurgiques sont autant de secteurs qui pourraient être décarbonisés grâce à l’hydrogène. Cet élément chimique pourrait assouvir de 7 % à 24 % des besoins énergétiques mondiaux d’ici 2050, selon un rapport de BloombergNEF. 

L’hydrogène, moins cher en Alberta

Entre en jeu le groupe de travail sur l’hydrogène de l’Industrial Heartland, la plus grande région industrielle de l’Ouest canadien.

Composé des membres de l’Accélérateur de transition, des cinq municipalités et de représentants des différents niveaux de gouvernement, ce groupe de travail veut que sa région à l'est d'Edmonton se taille une part de lion dans cette demande potentielle.

Vue sur un chantier de construction. Il y a un travailleur avec un casque qui marche.

La région d'Industrial Heartland produit déjà de l'hydrogène, mais celui-ci n'est pas utilisé comme carburant.

Photo : CBC

Surtout que l’Alberta a de nombreux avantages pour bien se positionner dans ce nouveau marché. Grâce à son expérience dans la pétrochimie et les hydrocarbures, elle peut produire l’hydrogène le moins cher au monde.

Sa géographie lui permet aussi de stocker le carbone résultant du processus d’extraction de l’hydrogène du gaz naturel.

La mairesse du comté de Sturgeon, Alanna Hnatiw, est optimiste.

« Le Canada doit trouver un point commun et je pense que c’est l’hydrogène.  »

— Une citation de  Alanna Hnatiw, mairesse du comté de Sturgeon

Le pays doit pouvoir accomplir des projets d’infrastructures d’envergure pour signaler au monde que nous sommes là, que nous pouvons prendre des décisions et atteindre nos objectifs, croit-elle.

La poule et l'oeuf

Mais avant de crier victoire, le groupe de travail doit d’abord résoudre un problème important : celui de la poule et de l’oeuf. 

Il n’y a pas de système de distribution de l’hydrogène parce qu’il n’y a pas de flotte de camions à l’hydrogène. Et il n’y a pas de flottes de camions à l’hydrogène parce qu’il n’y a pas de stations à hydrogène, résume M. Wicklum.

Le groupe cartographie toutes les demandes potentielles d’hydrogène de la région, du déplacement des autobus municipaux au système de chauffage d’Edmonton en passant par les compagnies privées de transport. En colligeant toutes ces demandes potentielles d’hydrogène, vous obtenez une masse critique qui rend profitable sa fabrication, explique le PDG de l’Accélérateur de transition.

Le potentiel attire d’autres entreprises. Dans un communiqué, le vice-président exécutif et directeur général aux services publics d’ATCO, George Lidgett, affirme que sa compagnie évalue en ce moment des projets.

Entre l’Alberta et la Saskatchewan, Proton Technologies développe quant à elle un hydrogène vert qui pourrait être extrait des hydrocarbures tout en laissant le CO2 en terre. L’entreprise croit pouvoir commercialiser sa production d’ici l’automne. Nous projetons de fournir 10 % de la demande d’énergie mondiale d’ici 2040, affirme son président, Grant Strem.

Le Canada à la traîne

La course à l’hydrogène n’est toutefois pas seulement canadienne, mais mondiale. Et pour l’instant, le pays est à la traîne selon M. Strem. Le Canada est 5 ans en retard, estime-t-il. 

Aucune stratégie nationale sur l’hydrogène n'est encore en place alors qu’une vingtaine de pays dans le monde s’en sont dotés d’une. M. Strem aimerait qu'Ottawa impose un seuil d’hydrogène dans les gazoducs et un quota de stations de ravitaillement à hydrogène dans les stations au pays.

Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal.

Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal

Photo : Radio-Canada

Le professeur Pierre-Olivier Pineau estime nécessaires des politiques environnementales plus strictes pour stimuler l’investissement privé.

« Au niveau canadien, on a une très grande inertie dans les systèmes énergétiques. »

— Une citation de  Pierre-Olivier Pineau, HEC Montréal

On a de très grands lobbies qui ne cherchent pas particulièrement à diversifier et à renouveler leur activité parce qu'ils veulent préserver leur rentabilité à court terme. [...] La structure de la fédération canadienne effectivement ralentit le développement de ces filières-là, croit-il.

L'Alberta ne sera peut-être pas le meilleur endroit pour développer l'hydrogène au Canada, ajoute-t-il. La province a peut-être l'avantage économique, mais pas celui environnemental. Le procédé utilisé pour produire de l'hydrogène en Alberta génère du CO2 qui doit ensuite être capturé et stocké. La technique est bien connue, mais elle est encore coûteuse et sujette aux critiques selon M. Pineau. Le Québec et la Colombie-Britannique pourraient produire un hydrogène plus vert.

Pour vaincre les détracteurs, l’Accélérateur de transition et la région d’Industrial Heartland veulent arriver avec un plan d’affaires tellement convaincant qu’il ne pourra pas être ignoré. Leur rapport est attendu au mois de juillet.

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