Accès aux Îles-de-la-Madeleine : une « solution québécoise » est-elle possible?

Le bateau Zaandam au large de Cap-aux-Meules aux Îles-de-la-Madeleine (archives)
Photo : Tourisme Îles de la Madeleine
Est-ce que les touristes pourront se rendre aux Îles-de-la-Madeleine par bateau cet été? La question demeure entière alors que l’Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick bloquent l’accès aux vacanciers, bien que Québec déconfine le secteur touristique sans être parvenu à une entente avec les provinces maritimes.
Trois semaines après que le député madelinot Joël Arseneau a demandé à Québec de négocier rapidement un « corridor de passage » vers le traversier de Souris, les espoirs d’arriver à une telle entente semblent minces au ministère québécois des Relations canadiennes.
L’Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick ont démontré peu d’ouverture face à un éventuel envahissement de touristes
, confirme l’attachée de la ministre Sonia LeBel, Nicky Cayer.
Les provinces ont une certaine légitimité en ce qui concerne le passage sur leur territoire, poursuit-elle. Le gouvernement du Québec doit respecter cette souveraineté des autres provinces.
À partir de ce moment-là, nous, on commence à plancher sur une solution québécoise. On doit trouver une solution qui doit venir du Québec et qui pourra être mise en œuvre sur le territoire du Québec.
Les ministères du Tourisme, des Transports, des Relations canadiennes et la ministre régionale Marie-Ève Proulx sont engagés dans le processus. Tous ces ministres ont refusé les demandes d’entrevue de Radio-Canada et n'ont pas voulu préciser les scénarios envisagés pour mettre en œuvre cette « solution québécoise ».
Le Parti québécois a déposé, mardi après-midi, une motion pour que lien routier et maritime
vers les Iles soit garanti dans les plus brefs délais
.
Voici la motion du @PartiQuebecois concernant l’accès aux @ilesmadeleine et présentée par le député @Joel_Arseneau. ⛴ #Assnat #PolQc pic.twitter.com/7D3MSiU9II
— Pascal Bérubé (@PascalBerube) June 2, 2020
Lien maritime québécois : la CTMA
sceptiqueLe député Joël Arseneau propose d’établir un lien maritime entre l’archipel madelinot et la Gaspésie pour éviter que les provinces maritimes ne dictent leurs règles aux Madelinots et aux voyageurs.
Toutefois, le directeur général de la Coopérative de transport maritime et aérien (CTMA), Emmanuel Aucoin, considère cette option peu envisageable
, alors que les quais gaspésiens situés les plus près de l’archipel madelinot, ceux de Gaspé et Chandler, ne disposent pas de rampe d’embarquement pour les véhicules.
On n’y croit pas beaucoup ici à la CTMA
!
Le quai de Matane serait l’option la plus proche, mais le voyage vers Cap-aux-Meules prendrait minimalement 20 heures (plutôt que 5 heures en partant de l'Île-du-Prince-Edouard). La traversée pourrait même s’étirer pendant 36 heures si le navire doit ralentir en raison de la présence de baleine noire.
On ne parlerait plus d’une traverse, croit M. Aucoin, mais beaucoup plus d’un contexte de croisière. Et une croisière de 24 heures sans service à bord, confiné à une cabine en raison de la pandémie et des mesures sanitaires, ça ne serait pas très envisageable. Actuellement, je pense que la solution privilégiée est d’assurer un accès par l’Île-du-Prince-Édouard.
Le quai de Chandler serait l'option la plus rapprochée de l'archipel madelinot avec huit heures de navigation, mais Transports Canada l'a fermé en 2016. Les coûts pour le remettre à niveau sont désormais estimés à 60 millions de dollars. Le navire de croisière de la CTMA y a fait escale jusqu'en 2016.
Joël Arseneau croit que l'option du quai de Gaspé est « peut-être la seule solution », bien qu'il ne dispose pas de l'équipement nécessaire pour accueillir un traversier. Il demande à Québec de faire ses devoirs dans les plus brefs délais
et d’analyser si l’installation d’une rampe d’accès pour les véhicules est possible à court terme.
Matane étant trop loin, affirme M. Arseneau, il faut considérer Gaspé. Est-ce que la chose est possible, d’installer une rampe d’urgence, en quelques semaines, d’ici l’été, à quel coût? Est-ce qu’on peut s’entendre sur cette solution-là? Est-ce que c’est la meilleure solution? En fait, il faut faire l’analyse.
C’est une démarche temporaire, rétorque le directeur de la CTMA , qui amène son lot de difficultés majeures pour une période assez courte et un achalandage potentiel très faible.
Voie aérienne : encore des sceptiques
L’autre accès possible pour se rendre aux Îles-de-la-Madeleine à partir du continent est la voie des airs, mais pour le maire des Îles-de-la-Madeleine, Jonathan Lapierre, il ne s’agit pas d’une solution viable à grande échelle.
C’est utopique de penser que deux compagnies aériennes vont être en mesure d’apporter 35 000 visiteurs dans une période de trois mois.
Le transport des touristes par avion n’est, certes, pas adapté aux voyageurs qui souhaitent profiter de leur véhicule pour visiter l’archipel ou faire du camping en véhicule motorisé. Ce mode de transport est aussi beaucoup plus onéreux; les tarifs d’Air Canada dépassant souvent 800 $ pour un aller-retour Montréal–Havre-aux-Maison, la seule liaison offerte cet été par la compagnie.
Les deux transporteurs qui desservent les Îles-de-la-Madeleine, Pascan et Air Canada, disposent conjointement de 865 places par semaine pour entrer et sortir des Îles-de-la-Madeleine, selon les vols prévus pour la saison estivale.
Pascan confirme qu’il n’a eu aucune demande de la part de Québec pour augmenter la capacité aérienne.
Des annulations et des élus insatisfaits
Devant l’incertitude entourant l’accès à l’archipel madelinot, la CTMA
a enregistré, seulement la semaine dernière, plus de 500 annulations de réservation pour son traversier entre Souris et Cap-aux-Meules, soit l'équivalent de 1200 visiteurs.En avouant qu’il n’y avait pas de possibilité pour se rendre aux Îles à court terme, affirme le député Joël Arseneau, le gouvernement a créé une avalanche d’annulations et une inquiétude très très grande. L’hémorragie, il faut la stopper avec des mesures concrètes.
Comme M. Arsenault, le maire des Iles, Jonathan Lapierre, demande au premier ministre François Legault d’intervenir personnellement dans le dossier. Ensemble, ils réclament également l’intervention d’Ottawa pour dénouer l’impasse.
Il me semble que ce n’est pas de la grande diplomatie ou de la diplomatie de haut niveau.
Les élus jugent inconcevable qu’aucune solution ne soit sur la table pour garantir l’accès à l’archipel, alors que le tourisme est lancé ailleurs au Québec.
Il n’y aucune autre communauté au Canada qui accepterait d’être enclavée comme c’est le cas actuellement avec les Îles-de-la-Madeleine.
Ce qu’on demande, explique M. Lapierre, c’est un leadership politique fort. Une rencontre doit avoir lieu entre les différents premiers ministres impliqués et qu’il y ait une solution trouvée le plus rapidement possible, à défaut de quoi, l’autre demande, c’est une compensation financière, pour l’ensemble de l’industrie touristique, et de ses travailleurs. On parle de 1800 employés et plus de 90 millions de dollars de retombées économiques par année.
Les deux élus continuent de croire qu’une solution diplomatique avec les provinces maritimes est possible et que cette voie devrait être privilégiée par Québec.
Avec la collaboration de Martin Toulgoat