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Le gigantesque fonds souverain de la Norvège bannit quatre pétrolières canadiennes

Vue aérienne d'un champ d'exploitation de sables bitumineux aux environs de Fort McMurray, en Alberta, le 10 juillet 2012.

Les pétrolières CNRL, Cenovus, Suncor et Imperial Oil sont montrées du doigt.

Photo : La Presse canadienne / Jeff McIntosh

Radio-Canada

Le fonds souverain de la Norvège, le plus important du monde avec près de 1500 milliards de dollars d’actifs, a placé sur sa liste noire 12 nouveaux groupes, dont 4 géants pétroliers canadiens.

Le conseil d’éthique, organe consultatif qui guide le fonds dans ses placements, a recommandé le bannissement de Canadian Natural Resources (CNRL), de Cenovus Energy, de Suncor Energy et d’Imperial Oil, en raison de leurs émissions inacceptables de gaz à effet de serre.

Le fonds a ajouté sur sa liste noire d’autres grands groupes exploitant des ressources naturelles, dont les minières Glencore et Anglo American, a annoncé la Banque de Norvège mercredi.

L’exclusion de la suisse Glencore et de la britannique Anglo American, mais aussi des producteurs d’électricité allemand RWE, australien AGL Energy et sud-africain Sasol, est motivée par leur présence importante dans le charbon.

Une décision qui enchante les environnementalistes

La décision réjouit le responsable de la campagne Climat-Énergie à Greenpeace Canada, Patrick Bonin.

« L’un des plus grands investisseurs au monde dit que les rois des sables bitumineux sont irresponsables quand il s’agit de lutter contre les changements climatiques et, par conséquent, il les écarte. Le monde change. Nous pouvons soit nous mettre la tête dans le sable dans l’espoir que la crise climatique disparaisse comme par magie soit investir pour que la relance post-pandémie crée des emplois de qualité en s’attaquant à la crise climatique. Seule une relance juste et verte mènera à un avenir sûr et prospère, » dit-il.

Pas seulement une affaire d'environnement

Le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie chez HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau croit que les bas prix actuels du pétrole ont peut-être aussi eu une incidence sur la décision.

C’est certain qu’ils peuvent présenter la décision comme émanant d’une préoccupation environnementale, dit-il, mais le moment actuel est aussi opportun parce que cela devient très clair pour beaucoup d’investisseurs que le secteur des hydrocarbures ne sera pas un secteur porteur pour de nombreuses années, surtout pour des entreprises avec des structures de coûts très élevées.

Même sans raisons environnementales, c’est une décision qui pourrait se prendre naturellement parce que les perspectives à court et moyen terme et probablement même à long terme ne sont pas exaltantes pour les producteurs de pétrole canadien, ajoute Pierre-Olivier Pineau.

Une décision qui fait fit des normes élevées de nos producteurs, dit l'Alberta

La ministre de l’Énergie de l’Alberta Sonya Savage affirme que la décision est « mal informée et très hypocrite ».

Les producteurs d'énergie du Canada ont certaines des normes environnementales, sociales et de gouvernance les plus élevées au monde. Un examen récent de ces normes place le Canada troisième derrière la Norvège et le Danemark, a déclaré Sonya Savage dans un communiqué.

La décision est avant tout une question d'image, a affirmé le président de CENOVUS, Alex Pourbaix également par voie de communiqué.

Retirer les investissements des sables bitumineux et prétendre que c'est pour des raisons de changement climatique relève davantage de la publicité que des faits, a-t-il indiqué par communiqué.

« Cenovus a réduit l'intensité des émissions de GES de nos exploitations de sables bitumineux d'environ 30 % au cours des 15 dernières années. Et nous avons fixé des objectifs ambitieux pour réduire d’encore 30 % l'intensité de nos émissions dans l'ensemble de nos exploitations d'ici 2030. »

Pierre-Olivier Pineau de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie, croit que le secteur est défavorisé.

Ces compagnies sont très conscientes de la question des émissions. Elles font beaucoup de recherche pour s’améliorer et réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et elles vont continuer à le faire, affirme-t-il. C’est évident qu’avec des marges de profits extrêmement limitées, leur capacité à innover va être amoindrie et elles ne pourront pas faire d’énormes progrès dans les années à venir. Ça leur met beaucoup de pression sur les épaules pour convaincre les investisseurs que leurs opérations sont aussi bonnes que celles d’autres producteurs de pétrole, ajoute Pierre-Olivier Pineau.

Il note que si les pétrolières canadiennes émettent plus de GES, elles se démarquent aussi par un meilleur bilan en droit humain.

La nature même du type d’exploitation dans les sables bitumineux fait en sorte que leurs émissions de gaz à effet de serre par baril sont beaucoup plus élevées que la majorité des compagnies sur terre qui exploitent du pétrole conventionnel, souligne-t-il.

Mais il y a plein de critères qui peuvent être utilisés. Si une entreprise exploite au Nigéria, du pétrole extracôtier, dans des conditions gouvernementales et institutionnelles qui sont fort probablement très problématiques, sur ces autres critères sociaux et même environnementaux hormis les GES, il peut y avoir une panoplie de problèmes qui eux sont beaucoup moins bien documentés et comparables et c’est là où les compagnies canadiennes ont une carte à jouer, explique Pierre-Olivier Pineau.

Un impact limité

Malgré tout, il ne croit pas que la décision aura un impact important.

Il y a beaucoup d’appels aux désinvestissements, très médiatisés à sortir des hydrocarbures, mais dans les faits ces entreprises ne voient pas la valeur de leurs actions diminuer d’une manière importante à cause de ce mouvement-là. Sur les marchés, ça n’a presque qu’aucun impact significatif.

Le doyen de la Faculté d’administration de l’Université de l’Alberta renchérit. Joseph Doucet fait valoir que les prévisions actuelles continuent de montrer une croissance de la demande du pétrole dans les années à venir.

Je ne pense pas que la décision du fond norvégien va avoir un impact important sur la situation financière actuelle ou sur les perspectives d’avenir des entreprises. Il y aura suffisamment de demandes pour les actions de ces entreprises-là et que la décision n'aura pas d'impact, soutient-il.

Réchauffement climatique

L’an dernier, le Parlement norvégien a durci les critères d’investissement du fonds pour l’obliger à se désengager davantage des énergies fossiles, responsables du réchauffement climatique.

La brésilienne Vale et l’égyptienne ElSewedy Electric ont également rejoint la liste noire, accusées de dégâts graves sur l’environnement, de même que la compagnie d'électricité brésilienne Eletrobras, à qui il est reproché d’avoir violé des droits de la personne dans la construction de la nouvelle centrale électrique Belo Monte.

En revanche, deux autres sociétés, l’américaine Aecom et Texwinca Holdings, de Hong Kong, ont été réintégrées, la première n’étant plus active dans la construction d’armes nucléaires, la seconde ayant liquidé une filiale accusée de violer les droits des travailleurs.

Un exemple pour les investisseurs

Censé faire fructifier les recettes pétrolières de l’État, le fonds norvégien pesait mercredi près de 10 250 milliards de couronnes (plus de 1400 milliards de dollars canadiens). Avec des investissements dans plus de 9000 entreprises, il contrôle l’équivalent de 1,5 % de la capitalisation boursière mondiale.

Ses décisions d’investissements sont d’autant plus importantes qu’elles sont souvent suivies par d’autres investisseurs.

Avec les informations de Agence France-Presse

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