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Non, le coronavirus n’infecte pas la bactérie Prevotella

Capture d'écran d'un lien partagé avec le titre « Covid-19 : Une découverte majeure ». Le mot FAUX est superposé sur l'image.

Il n’existe aucune preuve que la bactérie « Prevotella » est responsable des décès liés à la COVID-19.

Photo : Capture d'écran

Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Des publications virales sur les réseaux sociaux affirment que des équipes de recherche de plusieurs pays ont découvert que le virus SRAS-CoV-2 infecte une bactérie intestinale nommée Prevotella, et que cette bactérie serait responsable des décès liés à la COVID-19. Or, il n’existe aucune preuve validant cette théorie, et le média à l'origine de cette fausse nouvelle se dit « incapable » d'en retrouver la source.

Plusieurs équipes dans plusieurs pays (notamment en Chine, en France – à Lille –, aux USA), ont fait une découverte majeure qui offre un grand espoir de traitement du covid-19. Le virus Covid-19, en effet, ne tuerait pas directement, mais par l’intermédiaire d’une bactérie intestinale qu’il infecterait, la Prevotella… et c’est cette bactérie infectée qui, devenant virulente, déclencherait l’hyper-réaction immunitaire qui délabre les poumons et tue le malade!, peut-on lire dans les publications virales en question.

Plusieurs lecteurs nous ont signalé avoir vu passer ce message sur Facebook. L’article, un copier-coller du site Israël Magazine, a été partagé plus de 12 000 fois.

Capture d'écran de l'article "Covid-19 : une découverte majeure" du site Israël Magazine.
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Cet article d'« Israël Magazine » a été partagé plus de 12 000 fois.

Photo :  Capture d’écran

L’article tire ensuite plusieurs conclusions à partir de cette découverte non fondée. On avance notamment que c’est en raison de leurs taux de Prevotella respectifs que les personnes âgées et les enfants sont les groupes les plus et les moins touchés par le virus, et que cette caractéristique du virus explique pourquoi le traitement à l’antibiotique azithromycine du controversé docteur Didier Raoult « fonctionne ».

On conclut finalement qu’il est clair que cette piste thérapeutique ultra-prometteuse bon marché rendrait alors caduque l’utilisation d’un vaccin.

Le virus ne peut pas infecter des bactéries

Le hic, c’est que la prémisse de cet article ne tient pas la route : le virus SRAS-CoV-2 ne peut pas infecter des bactéries. Des scientifiques qui ont étudié la structure et la composition du virus ont conclu que celui-ci infecte les cellules humaines à l’aide d’une protéine nommée protéine S (pour spicule, ou spike, en anglais).

Les seuls virus qui infectent des bactéries sont des bactériophages. Le coronavirus n’infecte pas les bactéries, tranche la professeure au Département de médecine de l’Université McGill Anne Gatignol, dans un courriel.

Le virologiste et professeur au Département des sciences biologiques à l'UQAM Benoît Barbeau ajoute que le virus SRAS-CoV-2 a tout ce qu’il faut dans son matériel génétique pour s’attaquer aux cellules humaines, et non aux bactéries.

Les bactéries ont une composition complètement différente, une paroi différente et se reproduisent d’une manière totalement différente que les cellules animales ou végétales. L’environnement cellulaire est complètement différent pour une bactérie, explique-t-il.

Aucune source

Bien que l’article d’Israël Magazine mentionne que des équipes de recherche dans plusieurs pays ont trouvé des liens entre le virus SRAS-CoV-2 et la bactérie Prevotella, il ne dévoile jamais l'identité des équipes en question.

Le magazine Libération a contacté Israël Magazine (Nouvelle fenêtre) pour avoir davantage de détails. Voici la réponse du rédacteur en chef du site :

Ce qui s’est passé – c’est un truc absolument extraordinaire –, c’est que l’un de mes journalistes m’a envoyé l’article. Ce n’est pas lui qui l’a fait, mais il m’a semblé bien fait, bien rédigé. Le problème, c’est que je demande depuis ce matin la source à mon journaliste, et il est incapable de la retrouver. Il me dit que ça vient de Grèce, que c’est ensuite passé en Suisse, etc. Je n’arrive pas à mettre la main dessus. Mais ça ne m’avait semblé pas du tout "fake news", et [c'est] super bien expliqué.

Il semblerait donc que l’article d’Israël Magazine n’ait pas de source, et que même si un article de Libération a mis au jour cette absence de source le 22 avril, l'article demeure inchangé. Nous avons contacté Israël Magazine pour avoir une mise à jour de la situation, mais nos courriels sont demeurés sans réponse.

Aucune recherche crédible

S’il nous a été impossible de trouver quelles étaient les équipes de recherche dans plusieurs pays ayant découvert que le coronavirus infecte la bactérie Prevotella, il existe une lettre de recherche (Nouvelle fenêtre) signée par Sandeep Chakraborty qui affirmait en février que « l’épidémie 2019 de Wuhan est causée par la bactérie Prevotella ».

Capture d'écran d'un document de recherche.
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Cette première version de la lettre de recherche de Sandeep Chakraborty affirmait que « l’épidémie 2019 de Wuhan est causée par la bactérie "Prevotella" ».

Photo : Capture d'écran

Mise à jour à six reprises depuis sa date de publication initiale, la lettre ne ressemble plus du tout à sa version originale. L’auteur dit maintenant qu'il s'agit d'une « colonisation » des poumons de personnes infectées par certaines bactéries, dont la Prevotella, et écarte ainsi l’hypothèse de base.

Capture d'écran d'une lettre de recherche.
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La nouvelle version de la lettre de recherche de Sandeep Chakraborty indique qu'il s'agit de « colonisation » des poumons de personnes infectées par certaines bactéries, dont la « Prevotella », et écarte ainsi l’hypothèse de base.

Photo : Capture d'écran

Qu’importe, ces lettres de recherche n’ont aucune valeur scientifique, explique Anne Gatignol.

Il n’y a aucune preuve, juste des spéculations. [...] De nos jours, n’importe qui peut publier n’importe quoi. Le phénomène s’est amplifié depuis le début de l’épidémie. Fiez-vous à des sources sûres avec des articles publiés par des revues qui ont un processus de révision par les pairs. La spéculation ne fait pas avancer la science, dit-elle.

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