L’application de traçage du Nouveau-Brunswick va trop loin, selon l’ombudsman

Charles Murray, ombudsman du Nouveau-Brunswick.
Photo : Radio-Canada / Michel Corriveau
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le commissaire à la protection de la vie privée du Nouveau-Brunswick attendait d’en savoir davantage avant de se prononcer sur une potentielle application de géolocalisation pour pister la COVID-19. Après avoir examiné la proposition du gouvernement, Charles Murray émet plusieurs réserves.
Le Nouveau-Brunswick n'est pas la seule province qui jongle avec cette idée. Le gouvernement fédéral examine lui aussi différentes propositions pour la mise en place d’un système de traçage national, mais ce type de technologies soulève plusieurs préoccupations éthiques.
À écouter :
Dans une déclaration commune publiée jeudi, des commissaires canadiens ont formulé des recommandations à l’intention des gouvernements pour ne pas qu’un tel outil empiète sur la vie privée des citoyens.
On comprend que l’objectif d’un gouvernement dans une crise sanitaire comme celle que nous vivons actuellement, c’est de limiter la propagation du virus
, concède Charles Murray. Mais nous, les commissaires, on doit s’assurer que cela se fait sans empiéter sur nos libertés et nos droits, et surtout nos droits à avoir une vie privée.
Ces applications ont déjà fait leurs preuves ailleurs dans le monde pour limiter la contagion de la COVID-19, en Corée du Sud par exemple.

En France, l'application StopCovid sera prête le 2 juin, date où débutera la deuxième phase de son déconfinement.
Photo : iStock / kzenon
L’acceptation sociale d’une technologie de géolocalisation des individus varie énormément d’un pays à l’autre, explique M. Murray. L’ombudsman du Nouveau-Brunswick dit qu’il serait mal à l’aise qu'une application comme celles qui existent en Corée du Sud ou à Taïwan soit implantée dans la province. Ce type d’application informe même les autorités s’il y a trop de gens au même endroit au même moment
, fait-il remarquer.
Si Charles Murray n'est pas en désaccord avec le principe d'une application de géolocalisation, il affirme toutefois que celle proposée par le gouvernement du Nouveau-Brunswick ne fonctionne pas.
Son risque, selon lui, c’est qu’elle soit utilisée pour des motifs autres que ceux pour lesquels elle a été créée initialement.
On commence toujours avec les meilleures intentions. Mais quand on crée une base de données centralisée, il y a toujours un risque.
Certaines propositions faites par d’autres provinces sont plus éthiques, précise-t-il.
Neuf conditions à respecter
Dans la déclaration commune, les commissaires recommandent neuf conditions à respecter.
1. Consentement : L’utilisation des applications doit être volontaire.
2. Conformité à la loi : Les mesures proposées doivent avoir une assise juridique claire et le consentement doit être valable.
3. Nécessité et proportionnalité : Les mesures doivent respecter les principes de nécessité et de proportionnalité, c’est-à-dire être fondées sur la science, être nécessaires pour une fin particulière, adaptées à cette fin et susceptibles d’être efficaces.
On cherche toujours la proportionnalité entre les mesures qui sont fondées sur la science, mais qui ont une fin particulière.
4. Finalité : Les renseignements personnels doivent être utilisés uniquement pour les fins initialement prévues visant la protection de la santé publique et pour aucune autre fin.
5. Dépersonnalisation : Les gouvernements devraient utiliser des données dépersonnalisées ou agrégées dans la mesure du possible.
6. Durée limitée des mesures : Les mesures exceptionnelles devraient être limitées dans le temps.
7. Transparence : Les gouvernements devraient indiquer clairement le fondement et les modalités se rapportant aux mesures exceptionnelles.
8. Responsabilité : Les gouvernements devraient élaborer et rendre public un plan continu de suivi et d’évaluation de l’efficacité de ces initiatives et s’engager à publier le rapport d’évaluation dans un délai déterminé.
9. Garanties : Des mesures de protection juridiques et techniques appropriées doivent être mises en place pour empêcher tout accès non autorisé aux renseignements personnels.
À lire aussi :
L’application pour téléphone intelligent qu'envisage le gouvernement provincial est développée en partenariat avec l'Université du Nouveau-Brunswick. D'après les dires de l'ombudsman, un retour à la table à dessin sera nécessaire pour répondre aux exigences éthiques des commissaires du Canada.