Une application mobile pour s’attaquer à la propagation de la COVID-19 au travail

L'application Ulula permet aux employés de signaler anonymement aux patrons des problèmes dans leur milieu de travail, tels qu'un manque de distanciation physique.
Photo : Ulula
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Alors que de nombreux commerces préparent leur réouverture, une entreprise torontoise leur propose un outil pour recueillir en temps réel des informations de leurs employés sur la santé et la sécurité en milieu de travail.
Par texto, par message vocal ou directement avec l’application Ulula, les usagers peuvent signaler anonymement, entre autres, des problèmes de salubrité, un manque de distanciation physique ou de possibles contacts avec des personnes infectées par la COVID-19.
« Ce qu'on permet, c'est de recueillir cette information et de lancer des alertes de façon sécuritaire et en temps réel. »
Ulula existe depuis cinq ans et compte une trentaine de clients, la plupart des multinationales avec d’importantes chaînes d’approvisionnement, dont la minière Anglo American et la marque de vêtements pour femmes Eileen Fisher.
Le fondateur de la compagnie, Antoine Heuty, constate maintenant un plus grand intérêt des entreprises, alors que de nombreux gouvernements au pays et à l’étranger entament déjà le déconfinement.
Plusieurs provinces, dont l’Ontario et le Québec, ont annoncé des directives de distanciation physique pour la réouverture sécuritaire des entreprises.
L’outil de base Ulula coûte aux clients environ 75 cents par usager durant la pandémie de coronavirus. D’autres produits plus sophistiqués de lancement d’alertes et de diffusion d’information se vendent plus cher.
Surmonter la crainte de dénoncer
Kathryn Marshall, avocate en droit du travail, estime que les employeurs devraient encourager l’utilisation de ce genre de technologie afin de créer un dialogue plus ouvert et transparent avec leurs travailleurs, surtout en pleine crise sanitaire.
Bien qu’il existe déjà des mécanismes pour dénoncer des situations dangereuses, par exemple sur le site web du ministère ontarien du Travail, peu d’employés osent le faire, selon l’avocate.
« Ils ont très peur de s’exprimer, par crainte de représailles. »
Des craintes tout à fait fondées, selon elle, surtout dans des usines, des entrepôts, des centres d’appel ou des fermes, où travaillent bon nombre de travailleurs migrants.
Les employés gagnent souvent le salaire minimum, plusieurs ont un visa de travail, raconte-t-elle. Ils ne connaissent peut-être pas les lois canadiennes et certains parlent à peine anglais
, affirme l'avocate.
C’est pourquoi la plateforme est disponible en plusieurs langues et il n’est pas nécessaire d’avoir un téléphone intelligent pour l’utiliser. Ulula accepte également les communications par SMS et Whatsapp.
Le PDG d’Ulula Antoine Heuty affirme, lui aussi, que les employeurs ont intérêt à solliciter cette rétroaction et à y réagir prestement. On veut évidemment prévenir des cas avant qu'il y ait des fermetures de sites, qui sont beaucoup plus coûteuses, et qui mettent en danger la vie de nombre d'ouvriers
, dit-il.
Il cite l’exemple de la fermeture de l’abattoir de Cargill en Alberta, où plus de 900 travailleurs ont été infectés par le coronavirus, le plus important foyer d’éclosion au pays. L’usine de transformation de viande a repris ses activités cette semaine, malgré l’opposition syndicale.
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Comment protéger la vie privée des employés
Pour sa part, l’ex-commissaire à la protection de la vie privée de l’Ontario, Ann Cavoukian, s'inquiète de la centralisation des données chez Ulula.
« Ça me rend très nerveuse. Ça veut dire que l’organisation derrière la base de données centralisée, comme Ulula, a tout le contrôle. »
Ils pourraient théoriquement utiliser ces données à d’autres fins. Je ne dis pas que c’est ce qu’ils feront, mais la question se pose
, dit-elle.
L’ex-commissaire affirme qu’il est possible de retrouver quelqu'un avec son numéro de téléphone. Elle prône plutôt une collecte de données décentralisée, comme le système de traçage de Google et Apple, qui sera utilisé notamment au Nouveau-Brunswick.
Aucune donnée récoltée n’est identifiable, on ne prend pas de renseignements personnels des individus qui déclarent qu’ils ont la COVID-19 et il n’y a aucune donnée de géolocalisation
, explique Mme Cavoukian.
Ulula, de son côté, affirme que les communications sont cryptées et qu'elle n'utilisera pas les informations des usagers à d'autres fins. Elles sont anonymes par défaut parce que c’est essentiel à la confiance de l’utilisateur
, affirme M. Heuty.
Le PDG ajoute par ailleurs que son entreprise est très vigilante afin d’éviter d’être victime d’une cyberattaque ou de toute brèche à la protection des données.