Le programme fédéral d’échange de seringues en prison jugé constitutionnel

Le programme fédéral d'échange de seringues en prison est constitutionnel, tranche un tribunal ontarien.
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Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Un tribunal ontarien déclare que le programme fédéral d’échange de seringues en prison est bien constitutionnel, même si le refus des autorités carcérales d’octroyer des seringues stériles aux détenus peut brimer leur droit à la sécurité, inscrit dans la Charte canadienne.
D’anciens prisonniers et des groupes de défense de personnes vivant avec le VIH ou l’hépatite étaient à l’origine de ce recours constitutionnel. Le recours avait été déposé en 2012 par Steven Simons, qui a été incarcéré de 1998 à 2010 en Ontario.
Les avocats de Service correctionnel Canada affirmaient lors des audiences, au début du mois de mars, à Toronto, que la présence d'aiguilles en prison menaçait la sécurité des prisonniers et du personnel carcéral.

La cause avait donné lieu à des manifestations d'appui à l'endroit des plaignants devant les tribunaux.
Photo : Radio-Canada / Myriam Eddahia
En vertu de ce programme fédéral d'échange, un détenu peut néanmoins, s'il en fait la demande, recevoir une seringue, dont il serait responsable sous de strictes conditions.
Des défenseurs de prisonniers toxicomanes argumentaient au contraire que le programme était inconstitutionnel, parce que le refus d'accorder un accès à des aiguilles stériles les expose à des risques d'infection graves, voire à des surdoses.

Les plaignants disent qu'un accès à des seringues stériles permettra de réduire la propagation du VIH et de l'hépatite C dans les prisons.
Photo : Getty Images / Peter Macdiarmid
Ils soulignaient en outre que ce programme n'était pas confidentiel, ce qui dissuade les prisonniers d'y participer en les forçant à partager des aiguilles souillées à la place.
La directrice de la recherche au Réseau juridique canadien VIH/sida, Sandra Ka Hon Chu, parle d'un pas en arrière pour les droits des prisonniers. Refuser de donner des seringues propres à des détenus de façon anonyme les met en danger de mort
, dit-elle.

Service correctionnel Canada a instauré un programme d'échange de seringues dans 25 % de ses pénitenciers.
Photo : La Presse canadienne
Mme Ka Hon Chu affirme néanmoins que la lutte n'est pas perdue pour autant et elle dit voir des arguments qui leur sont favorables dans la décision du magistrat.
Nous sommes déçus, mais le juge a malgré tout statué qu'il est irréfutable que l'accès à des seringues propres en détention est un besoin essentiel en matière de soins de santé.
Dans son jugement, le juge Edward Belobaba, de la Cour supérieure de l'Ontario, écrit que le programme ne viole pas les droits des prisonniers. Il est néanmoins prématuré de conclure qu'il est inconstitutionnel, parce qu'il est encore dans son stade initial dans seulement un pénitencier sur quatre au pays.

Le pénitencier d'Abbotsford, en Colombie-Britannique
Photo : La Presse canadienne / Richard Lam
Steve Simons, qui a été infecté par le virus de l'hépatite C durant sa détention, se dit très déçu. Dans un communiqué, il dit regretter que le Service correctionnel du Canada n'ait pas mis en place un programme de réduction des effets nocifs sur la santé relativement à la consommation de drogues en prison.
Je suis très inquiet de cette décision des tribunaux, parce que des détenus vont continuer à s'injecter des substances avec des stylos et des aiguilles et à partager des aiguilles sales.
Le programme fédéral est pour l'heure suspendu à cause de la pandémie de COVID-19, mais le Réseau juridique canadien VIH/sida n'exclut pas un appel devant le plus haut tribunal de l'Ontario. Nous allons voir comment le programme va être implanté et s'il sera modifié à la lumière de ce jugement
, précise Mme Ka Hon Chu.
Le Réseau rappelle que le taux de participation des détenus au programme d'échange du gouvernement fédéral reste très faible, ce qui signifie qu'il est loin d'être parfait, selon lui.