Des histoires racontées Au creux de l’oreille par des artistes franco-ontariens

Poésie, théâtre et littérature au téléphone. Une nouvelle façon de briser l’isolement en Ontario français.
Photo : Radio-Canada / Simon Blais
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
« J’ai été tellement bouleversée et émue que je me suis dit que j’aimerais ça que ça existe dans ma communauté », confie la comédienne Danielle Le Saux-Farmer, qui a participé au volet québécois de l’initiative Au creux de l’oreille. La directrice du Théâtre Catapulte a depuis mobilisé ses collègues des quatre coins de l'Ontario français, qui liront à leur tour des textes pour briser l’isolement des gens d'ici, à compter de samedi.
Confinée elle aussi dans son foyer, Danielle Le Saux-Farmer a tout de suite été enchantée par cette idée de réciter poésie, théâtre et littérature au téléphone.
Lorsque le projet Au creux de l’oreille s’est transporté de la France jusqu’au Québec, la comédienne et metteuse en scène s’est inscrite comme lectrice pour retrouver un peu de ce contact avec le public qui s’est perdu depuis le début de la crise.
« Ça m’a fait du bien de faire des lectures comme ça, d’être en contact avec des gens et de vivre un moment de littérature où on ne parlait pas de la pandémie. »
Ce qui m’a étonnée, c’est à quel point c’était vif et facile! Il n’y a pas de gêne, on a ri
, raconte-t-elle en se souvenant de cet appel pour lequel elle avait choisi de livrer un texte humoristique.
Lors d’un autre rendez-vous téléphonique, la dame âgée à qui la comédienne lisait une histoire s’est sentie transportée dans de bons souvenirs lui rappelant le temps où elle cuisinait pour ses enfants. Cette dame était une grande lectrice avant, mais elle a une perte de vision : elle regarde davantage de livres imagés maintenant. Le fait qu’on lui fasse la lecture, elle m’a dit que ça lui a fait du bien
, souligne Danielle Le Saux-Farmer d'une voix animée.
Lorsque les auditeurs la remercient à la fin de la lecture, la femme de théâtre se surprend chaque fois à les remercier elle aussi d’avoir partagé avec elle un moment aussi humain. C’est un peu quétaine, mais les mercis fusent de partout parce que ça fait vraiment du bien au deux, ce contact. C’est un rapport vraiment réciproque
, fait-elle valoir.
Comme elle est également directrice du Théâtre Catapulte, basé à Ottawa, Danielle Le Saux-Farmer a voulu partager les bienfaits du projet avec d’autres artistes de sa communauté franco-ontarienne.
« Ça fait du bien à notre santé mentale, comme artistes, dans cette situation anxiogène. »
Douze jours de littérature téléphonique
À compter de samedi, les francophones de la province pourront tendre l'oreille à des textes de toutes sortes, narrés au téléphone, grâce au volet ontarien du projet Au creux de l’oreille : poésie, nouvelles, extraits de romans, pièces de théâtre et autres oeuvre littéraires seront ainsi offerts gratuitement entre le 2 et le 17 mai prochain.
Du mercredi au dimanche, entre 16 h et 20 h, des artistes de Sudbury, de Toronto et de la grande région d’Ottawa-Gatineau seront jumelés avec des gens qui désirent partager un moment littéraire d’une durée d’environ 15 minutes.
Annie Cloutier a tout de suite répondu à l’appel du Théâtre Catapulte et a hâte de partager des moments d’intimité avec le public, qui lui manque tant.
Les arts vivants ont ce défi d’avoir besoin d’un public, de la rencontre et d’une forme de proximité pour se déployer, donc ça fait en sorte qu’en ce moment, on est un peu limités dans notre geste artistique
, explique la comédienne et auteure.
Cette dernière compte d’ailleurs s’inspirer de « paroles féminines » pour ses rendez-vous téléphoniques. Elle a déjà sélectionné quelques poèmes et extraits de romans écrits par des femmes et compte choisir spontanément sa lecture en fonction de la relation qu’elle établira avec la personne qui se trouvera au bout du fil.
Liens féconds
Dans sa pratique artistique, Annie Cloutier réfléchit continuellement à cette liaison qui existe entre l’artiste et le public, puis cherche à la réinventer. Elle trouve très cocasse qu’une pandémie raccorde finalement le théâtre, l’une des plus vieilles formes d’art au monde, au téléphone.
Par ce moyen simple et presque archaïque aujourd'hui, on réussit à revenir à la base de ce qu’on fait, c’est-à-dire raconter des histoires
, constate-t-elle.
La comédienne croit également que le projet permettra de briser l’isolement - le sien, comme celui de l’auditeur - en plus de stimuler la créativité. Comme l’anxiété est un étouffoir pour les idées, l’artiste compte bien tirer profit des échanges qui se déposeront Au creux de l’oreille.
Il y a des périodes où c’est parfois difficile de créer. En empruntant les mots des autres, ça permet une petite tricherie qui allume un feu, qui allume quelque chose en soi. C’est contagieux ces choses-là!
dit-elle en s’amusant.
« Ça aura un effet bénéfique de se remettre dans le bain de la création. [...] Ça va sûrement pousser des artistes à réfléchir à comment intégrer les nouvelles contraintes [de distanciation] au geste créateur. »
Pour sa part, Danielle Le Saux-Farmer est convaincue que l’initiative aura l’effet d’un baume en attendant de retrouver un semblant de normalité.
Je crois fondamentalement que ça aide à réparer le tissu social quand on consomme la culture, quand on vit une expérience artistique théâtrale et qu’on a ce contact humain
, fait-elle valoir. Parce que pour la directrice du Théâtre Catapulte, il n’y a que dans l’échange que l’art peut rester vivant.
POUR PARTICIPER
Rendez-vous téléphoniques Au creux de l’oreille
Du 2 au 17 mai
Du mercredi au dimanche entre 16 h et 20 h
Pour s’inscrire, il suffit de réserver un appel en remplissant le formulaire sur le site web du Théâtre Catapulte.
Avec la collaboration de Marilou Lamontagne