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Le casse-tête du déconfinement

Illustration abstraite de personnes qui tiennent des morceaux de casse-tête.

Le casse-tête du déconfinement

Photo : Radio-Canada / Olivia Laperrière-Roy

Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Cinq semaines après avoir été mis « sur pause » par François Legault, le Québec se prépare au déconfinement. Un casse-tête à assembler pour les autorités publiques alors qu’il manque encore de précieuses informations pour prévoir comment l’épidémie de COVID-19 évoluera dans les prochains mois. Une chose est sûre, disent les experts, on ne retrouvera pas de sitôt la vie d’il y a quelques mois.

On ne peut pas demander aux gens de rester chez eux pendant deux ans, a lancé le premier ministre, jeudi, en point de presse, faisant référence au délai potentiel avant qu’un vaccin ne soit développé et accessible. Le ton des dernières semaines venait de changer.

La veille, le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, avait déjà donné son aval à un certain déconfinement. Il faut comprendre que le confinement a des effets pervers sur la santé mentale des gens, sur la violence qui peut être faite aux femmes et aux enfants, sur les dépressions.

Si Québec a perdu le contrôle dans les résidences pour personnes âgées, les hôpitaux, eux, n’ont pas été aussi surchargés qu’anticipé durant cette première vague de COVID-19. Surtout en dehors du Grand Montréal.

François Legault s'adresse aux médias tandis que le Dr Horacio Arruda le regarde.

« La vie va être différente, on va rester à deux mètres pendant plusieurs mois des autres personnes. Mais on a besoin que le Québec renaisse », a dit François Legault, vendredi.

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

L’idée devient maintenant qu’une partie de la population moins à risque développe une immunité naturelle, a expliqué François Legault, en attrapant le virus.

Un calendrier de déconfinement impliquant la réouverture d’écoles et de certains secteurs de l’économie sera présenté cette semaine. On va le faire de façon très graduelle en commençant par les régions où la situation est très stable, a prévenu le premier ministre.

Après des semaines à apprendre à craindre le virus et suivre le compte quotidien des décès, l’idée d’être plus exposé à la COVID-19 peut être angoissante pour plusieurs Québécois.

Il faudra bel et bien apprendre à vivre en société, différemment, avec le virus, s’entendent les experts. La marche à suivre pour le faire sans provoquer une deuxième vague plus mortelle de COVID-19 est toutefois complexe.

Vivre avec le virus

Quand on a tout fermé, ça a été fait très rapidement, mais pour l’ouverture, je crois que ce sera fait avec beaucoup de préparation et de réflexion, débute l'épidémiologiste Nimâ Machouf.

François Legault a beau avoir introduit le concept d’immunité naturelle aux Québécois, l’objectif durant le déconfinement graduel demeurera de maintenir la distanciation sociale le plus possible et d’éviter d’attraper la COVID-19.

Un employé mesure la température d'un client dans un magasin.

En Italie, un gardien de sécurité mesure la température d'un client à son entrée dans un magasin.

Photo : Reuters / Massimo Pinca

Chaque secteur de l’économie doit être repensé en fonction de la prévention des infections, poursuit Dre Machouf. Pour certains, comme les grands événements, ce sera vraisemblablement impossible.

Puis chaque lieu de travail ou d’enseignement devra être examiné individuellement. Un travail de cas par cas colossal.

Une usine qui veut rouvrir, il va falloir envoyer des spécialistes dans la transmission des infections pour comprendre comment fonctionne l’usine et où il faut installer des mesures supplémentaires pour respecter une distance de deux mètres et éviter la transmission, donne en exemple Nimâ Machouf.

Les changements pourraient aller du lavage de mains obligatoire à l’entrée à la prise de température, en passant par un tracé précis à suivre pour se rendre à son poste de travail et l’installation de plexiglas. Sans oublier le port du masque, désormais fortement recommandé par la santé publique dans les lieux publics où les deux mètres de distance ne peuvent être respectés.

La population aura sa part de responsabilités, plaide la Dre Machouf. Il faudra adopter rapidement et massivement de nouveaux comportements.

Un homme portant un masque regarde son cellulaire en compagnie de son petit chien.

Le port du masque est désormais recommandé au Québec dans les lieux publics où une distance de deux mètres ne peut être respectée.

Photo : Radio-Canada / Ben Nelms

Une fois cette réouverture entamée, les ressources pour tester et retracer les contacts des personnes atteintes de la COVID-19 devront être augmentées, préviennent les experts. C’est le plan, a rassuré Dr Arruda.

Tester en grand nombre permettra à la santé publique de détecter rapidement s’il y a une recrudescence dans la propagation du virus au fur et à mesure du déconfinement.

Pour la gestion quotidienne, il faudra aussi des tests à diagnostic rapide, précise le Dr Guy Boivin, microbiologiste-infectiologue au CHU de Québec, dont l’équipe est engagée dans la course aux traitements pour la COVID-19.

On sait que le gouvernement du Québec a commandé plusieurs centaines de milliers de ces tests qui donnent des résultats en dedans de 60 ou même 30 minutes. Ça va être important de faire passer ces tests-là, par exemple, à tout le monde qui entre dans un centre de soins prolongés.

D’ici à ce que ces tests soient disponibles en quantité, il faudra jouer de prudence, estime Nimâ Machouf. Le confinement pour les personnes qui affichent des symptômes et pour les voyageurs de retour de l’étranger doit rester.

« On ne veut pas que le confinement ait été fait pour rien. Que tout l’effort qu’on a consacré parte en fumée. Les conséquences sont trop lourdes. »

— Une citation de  L'épidémiologiste Nimâ Machouf

Mais il y aura des erreurs, prévient-elle. C’est sûr qu’il va y en avoir avec certaines mesures qu’on décidera ou non d’appliquer. C’est une infection nouvelle et très grave qu’on ne connaît pas encore bien.

Dans les prochains mois, le Québec, comme le reste de la planète, va avancer à tâtons.

La possibilité que les mesures de confinement soient desserrées pour un moment, puis resserrées plus tard, à l’automne par exemple, est bien réelle. Cette idée que l’on devra surfer à tout le moins sur d’autres vaguelettes de l’épidémie était d’ailleurs au cœur de l'influent scénario de l’Imperial College of London publié en mars.

D’un point de vue théorique, à peu près tous les scénarios regardés incorporent la possibilité que, si les données de terrain repartent dans la mauvaise direction, il faudra repenser à établir une certaine forme de confinement, relate le professeur de l’Université de Montréal Jacques Bélair, l’un des nombreux spécialistes de modélisation mathématique qui travaillent sur des projections liées à l’épidémie de COVID-19 avec l’Agence de santé publique du Canada.

Est-ce que ces mesures devront être aussi sévères que présentement? Là est toute la question.

Un ennemi encore méconnu

Le principal défi dans les projections actuelles est que les chercheurs ont encore bien peu de données fiables sur la viralité et la mortalité de la COVID-19. Les six dernières semaines ont beau avoir paru longues, on ne connaît l’existence du SRAS-CoV-2, le virus responsable de la COVID-19, que depuis quelques mois.

Prenez le taux de reproduction du virus, communément appelé R0, qui quantifie le nombre moyen de personnes que contaminera à son tour une personne malade. Tout R0 supérieur à 1 signifie que le virus se propage dans la population de manière exponentielle.

Les chiffres initiaux en provenance de la province de Wuhan suggéraient un R0 entre 2 et 3. Horacio Arruda a mentionné, mercredi, un chiffre estimé plutôt autour de 5. Une étude américaine (Nouvelle fenêtre) a avancé un R0 aussi élevé que 15.

Évidemment, il y a un monde de différences entre un R0 de 2 et de 15. Dans la première phase de la lutte contre la COVID-19, celle du confinement, on pouvait plus facilement se passer du chiffre précis. Les spécialistes pouvaient prévoir, en regard de la situation dans certains pays comme l’Italie, que le pathogène était suffisamment contagieux et mortel pour faire déborder notre système de santé et tuer beaucoup de gens.

Des travailleurs de la santé en tenue de protection font entrer un patient dans un hôpital.

Des travailleurs de la santé en tenue de protection font entrer un patient en soins intensifs dans un hôpital temporaire, en mars, à Rome.

Photo : Getty Images / ANDREAS SOLARO

Quand le nouveau coronavirus est débarqué en force au Québec, l’objectif du confinement était de ramener le R0 sous la barre du 1. Maintenir les mesures jusqu’à ce que la propagation du virus soit en diminution. Le fameux aplatissement de la courbe qui a sauvé de 30 000 à 60 000 vies, selon le Dr. Arruda.

Comment savoir, maintenant, que le R0 est redescendu sous 1 sans même connaître sa valeur initiale? En suivant le nombre d'hospitalisations et de décès, explique Marc Brisson, qui dirige le Groupe de recherche en modélisation mathématique et l’économie de la santé liée aux maladies infectieuses de l’Université Laval.

Garder ce R0 sous 1 est d’ailleurs l’objectif constant dans la prévention des épidémies. Ce sera le défi en rouvrant graduellement les écoles et certains secteurs de l’économie, puis pour l’année à venir.

Pour conserver ce délicat équilibre, qui déterminera si oui ou non il y aura une deuxième ou même troisième vague à l’épidémie, le gouvernement se base sur des modèles mathématiques comme ceux sur lesquels travaillent Marc Brisson et Jacques Bélair.

Or, bien difficile de faire des projections précises tant que les taux de reproduction et de mortalité du virus - les gouvernements comptabilisent les décès de manières trop différentes - ne sont pas connus. Il manque de valeurs actuelles et fiables à insérer dans les modèles, admet Jacques Bélair.

Le chiffre attendu le plus impatiemment par les chercheurs est le pourcentage de la population québécoise ayant été infectée, y compris les nombreux cas asymptomatiques.

C’est, à ce jour, la grande inconnue. La réponse viendra avec des études séro-épidémiologiques pour détecter la présence d’anticorps dans le sang, révélant si une personne a été infectée par le passé .

Une personne présente un outil blanc.

Un test sérologique de la COVID-19 présenté par un travailleur de la santé à Jena, en Allemagne.

Photo : Associated Press

Il existe déjà des tests sérologiques de nature commerciale, explique Guy Boivin. Ces derniers pourraient nous permettre de commencer certaines études dans des échantillons représentatifs de groupes d’âge et de régions dans les prochaines semaines. Les tests sérologiques qui pourront être produits massivement et relativement rapidement sont cependant encore en développement dans les laboratoires, dont le sien, à l’Université Laval.

Une certaine patience est donc de mise et, d’ici là, c’est un large éventail de scénarios allant du plus pessimiste au plus optimiste que les modélisateurs présentent à la santé publique et au premier ministre. On doit ensuite prendre les délicates décisions d’aller de l’avant ou non avec certaines mesures, en sous-pesant les facteurs économiques et autres qui entrent en ligne de compte.

Ce n’est pas tout à fait de l’essai-erreur. Surtout que nous avons le luxe de pouvoir observer l’effet de certaines de ces mesures dans des pays où l’épidémie a frappé plus tôt, note Nimâ Machouf. La Chine et la Corée, par exemple.

N’empêche, on est encore loin d’une science exacte.

L’immunité collective sans vaccin, un objectif atteignable?

Le directeur de la santé publique, Horacio Arruda, estime que de 5 à 10 % des Québécois ont contracté le virus et développé une immunité contre la COVID-19. Encore une fois, cela sera précisé par les études séro-épidémiologiques.

Reste que les experts semblent s’entendre que le chiffre sera sous les 10 %. C’est donc dire que la vaste majorité de la population québécoise est encore aussi vulnérable qu’il y a cinq semaines.

Toujours selon le Dr Arruda, pour parvenir à complètement maîtriser le virus, il faudra que 60 % à 80 % de la population soit immunisée.

Sans vaccin ou traitement, l’idée d’obtenir naturellement cette immunité collective, aussi appelée immunité grégaire, paraît dangereuse. Les 1446 décès actuels, au Québec, seraient multipliés.

Un cadavre est évacué du CHSLD Sainte-Dorothée, à Laval.

Un cadavre est évacué du CHSLD Sainte-Dorothée, à Laval.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Si vous parlez de 70 % des Québécois qui doivent être infectés et qu’on pense que 1 % en décéderont, faites le calcul, ça devient un chiffre assez astronomique, a expliqué le virologue et professeur à l’Université de Montréal Benoit Barbeau, à l’émission Première heure, jeudi.

C’est sans compter qu’on ne connaît pas encore l’efficacité et la durée de l’immunité que procurent les anticorps développés après avoir contracté la maladie. En fait, même les différentes manières dont le virus peut attaquer une personne infectée ne sont pas claires. Des données récentes, bien que minimes, suggèrent que la COVID-19 pourrait non seulement créer une détresse respiratoire aiguë, mais aussi avoir un effet sur la coagulation du sang, menant à des crises cardiaques (Nouvelle fenêtre) chez une population plus jeune.

La Suède est l'un des rares pays qui a tout de même choisi de viser cette immunité collective par infection naturelle. Certaines mesures de distanciation sociale ont été adoptées, mais sans confinement. Les écoles sont demeurées ouvertes.

« C’est le pari qu’ils ont pris, et on va savoir dans quelques années si c’est eux ou les autres pays qui avaient raison. Mais quand on ne connaît pas vraiment le taux de mortalité, c’est une chance qu’on prend sur la vie des gens. »

— Une citation de  Jacques Bélair

Cela ne veut pas dire que le Québec ne doit pas tenter d'augmenter l’immunité naturelle dans certains sous-groupes très peu à risque de développer des complications, comme les enfants. C’est ce scénario qu’a avancé François Legault, jeudi.

En pratique toutefois, les enfants n’interagissent pas seulement avec d’autres enfants. On a une grande partie de la population qui est vulnérable. On est dans une situation très fragile. Toutes les décisions vont devoir être très pensées, décrit Marc Brisson, qui travaille actuellement avec le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Le danger d’une hécatombe chez les aînés demeure. Malheureusement, je ne conseille pas aux gens de plus de 60 ans de serrer leurs petits-enfants dans leurs bras encore pour un certain temps, a lui-même dit François Legault, vendredi.

L’arrivée de traitements efficaces contre la COVID-19 pourrait toutefois faciliter la décision d’exposer une partie de la population au virus, estime Nimâ Machouf. Ça deviendrait une maladie qu’on traite dès qu’on la détecte comme d’autres maladies, mais on ne fermerait pas la société pour éviter que certains l’attrapent.

La course aux traitements

Étant au coeur de cette course aux traitements, à l’Université Laval, Guy Boivin explique les différents scénarios.

Si un nouveau traitement doit être élaboré de toutes pièces, ce ne sera pas pour les prochains mois. Le processus implique des essais précliniques chez l’animal, puis trois phases d’essais cliniques, comme pour un vaccin.

Si ce nouveau traitement utilise une molécule déjà connue, on évitera les essais précliniques et la première phase clinique. Encore là, toutefois, on est encore loin d’un médicament largement accessible en quelques mois.

L’espoir est donc que des médicaments déjà sur le marché pour traiter d’autres maladies, dont on connaît la toxicité, le dosage et les effets secondaires, s'avèrent efficaces pour traiter la COVID-19. C’est ce qu’on appelle du repositionnement thérapeutique.

Dr Guy Boivin, microbiologiste et infectiologue au CHU de Québec.

Dr Guy Boivin, microbiologiste et infectiologue au CHU de Québec.

Photo : Radio-Canada

Les chercheurs se penchent simultanément sur deux types de médicaments déjà existants. Les antiviraux, qui limiteraient la multiplication de la COVID-19 dans le corps du patient, et les anti-inflammatoires, qui éviteraient aux gens infectés la tempête inflammatoire qui semble mener aux décès. On pourrait combiner les deux dans les traitements, ajoute le Dr Boivin.

Dans ces deux catégories, la plupart des médicaments seraient destinés à traiter les patients lorsqu’ils sont hospitalisés, voire aux soins intensifs. Certains, comme la colchicine, pourraient toutefois être administrés dès la réception d’un diagnostic pour éviter l’hospitalisation.

De nombreuses études sont déjà en cours et devraient être terminées d’ici deux mois, annonce le Dr Boivin. La tentation peut être forte de ne pas attendre les conclusions de ces études et de commencer à utiliser certains médicaments, mais une règle fondamentale de la médecine est de ne pas nuire à la santé.

Aux États-Unis, la Food and Drugs Administration (FDA) a dû mettre en garde la population sur les risques pour le cœur de la prise d’hydroxychloroquine, un médicament proposé à de nombreuses reprises par le président Donald Trump, sans encadrement médical.

Le tout alors qu’une étude préliminaire suggère que le médicament n'améliore pas le sort des malades. Comble de malheur, l’hydroxychloroquine commence à manquer pour les patients atteints de lupus, une maladie chronique auto-immune, et de polyarthrite rhumatoïde. Ceux à qui le médicament est destiné.

Un paquet de Plaquenil qui contient de l’hydroxychloroquine.

Un paquet de Plaquenil qui contient de l’hydroxychloroquine, un traitement actuellement étudié pour soigner la COVID-19.

Photo : afp via getty images / GERARD JULIEN

La prudence et la patience sont donc de mise. Dans tous les cas, les traitements ne remplaceront pas un vaccin, prévient Guy Boivin. Au mieux, la baisse du taux de mortalité et des hospitalisations permettront d'accélérer le déconfinement.

Même avec des traitements efficaces, les spécialistes voient difficilement comment l’immunité collective pourrait être atteinte naturellement dans les 18 prochains mois sans que les décès se multiplient. La vaccination demeure la ligne d’arrivée, l’horizon probable pour un retour à une vie similaire à celle d’il y a quelques mois.

Reste à voir, maintenant, à quelle vitesse nous aurons un vaccin.

En attendant la vaccination

Depuis mars, on parle généralement d’un délai de 12 à 18 mois avant qu’un vaccin contre la COVID-19 n'arrive sur le marché.

Dans un article paru dans le New York Times (Nouvelle fenêtre) la semaine dernière, plusieurs experts américains rappellent toutefois que ce scénario demeure optimiste. On y souligne notamment qu’aux États-Unis, le record pour la fabrication d’un vaccin et son homologation est de quatre ans. Celui contre les oreillons dans les années 50.

Mais justement, la science a énormément évolué depuis, argue Guy Boivin, qui préfère se montrer optimiste. Déjà une quinzaine de vaccins sont en phase 1 des essais cliniques à travers le monde, pointe-t-il. Il y a des méthodes pour développer des vaccins qui n’existaient pas même il y a dix ans, lors de la grippe H1N1. Des vaccins à base d’ADN, donc d’autres virus qui ne sont pas dangereux pour l’être humain et qui vont porter une protéine, explique-t-il.

Cette méthode où l’on déguise en quelque sorte un virus en un autre pour provoquer la production d’anticorps, utilisée par Gary Kobinger pour développer le vaccin contre l’Ebola, a effectivement été une petite révolution dans le monde biomédical. Ce même Dr Kobinger qui tente présentement de répéter l’exploit avec la COVID-19, pour laquelle il espère développer un vaccin en moins de douze mois, à partir de son laboratoire de l’Université Laval.

Un scientifique en combinaison de protection au laboratoire VIDO-InterVac de Saskatoon

Un chercheur au travail au laboratoire VIDO-InterVac de Saskatoon.

Photo : VIDO-InterVac

Durant cette course au vaccin, il faudra décider si nous sommes prêts à accélérer des parties du processus clinique, admet Guy Boivin.

Lors de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, on a utilisé un vaccin qui n’était même pas complètement homologué. Parce qu’on considérait que le risque d’effet secondaire du vaccin était acceptable étant donné que la maladie tuait 50 % des gens qui étaient infectés. Ici, avec la COVID-19, on parle davantage d’un taux de mortalité de 2 à 4 %, donc la décision va être moins facile à prendre.

N’empêche, il a bon espoir qu’un vaccin soit prêt d’ici 8 à 12 mois. Restera ensuite la production massive de ce vaccin, ou ces vaccins, car il pourrait y en avoir plusieurs, que tous les pays vont s’arracher. Le défi sera de le rendre accessible à tous ceux qui en ont besoin.

Même si on avait un vaccin demain matin, ça prendrait du temps pour le produire, admet la Dre Nimâ Machouf. D’où le fameux un ou deux ans évoqué par le premier ministre François Legault cette semaine.

D’ici là, il faudra apprendre à vivre avec le virus.

Si on est chanceux, ajoute tout de même Guy Boivin, le virus nous facilitera lui-même la vie. Les températures chaudes, cet été, pourraient réduire la transmission communautaire. Cela avait été le cas avec la grippe H1N1, en 2009, avant une reprise à l’automne.

Une molécule du SRAS-CoV-2.

L'illustration d’une molécule de la COVID-19 des Centres américains de contrôle des maladies.

Photo : Centres américains de contrôle des maladies

Ou encore le virus, dans ses mutations, pourrait devenir moins virulent. Si c’est le cas, il deviendrait probablement aussi plus contagieux, mais dans une forme moins mortelle. En fait, les mutations peuvent mener à une sévérité accrue ou diminuée, précise le microbiologiste.

Après cinq semaines de confinement, concentrons-nous toutefois sur le plus encourageant. Après tout, la première épidémie de SRAS, en 2003, s’était éteinte naturellement avant qu’on ait le temps de trouver un vaccin, a rappelé Horacio Arruda en conférence de presse, cette semaine.

Si le virus peut collaborer, peut-être que tous nos problèmes vont se régler, conclut le spécialiste de la modélisation Jacques Bélair. Ce serait vraiment le scénario idéal, donc ce n’est pas celui sur lequel nous travaillons.

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