La Terre respire, mais pour combien de temps?

Les voitures ont déserté certaines artères de Vancouver en plein mois d'avril.
Photo : Radio-Canada / Ben Nelms (CBC)
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les environnementalistes observent plusieurs phénomènes qui profitent à la Terre en cette période de pandémie sanitaire, mais ils ne sont pas certains que les sociétés conserveront les actions adoptées qui ont eu, entre autres, pour effet de réduire l’impact humain sur l’environnement.
La crise de la Covid-19 ne peut refermer un aspect positif
alors qu’elle décime des populations aux quatre coins du monde, affirme Pierre Lussier, directeur du Jour de la Terre Canada. Cependant, il y a des répercussions positives sur la planète d’une situation extrêmement tragique
, explique-t-il.
Il prend la métaphore d’une société qui se trouve au bord du monde et qui doit reculer pour revenir en son centre. Et comme il y aura un nouveau monde après COVID-19
, M. Lussier espère que celui-ci sera plus juste et plus écologique
.
Je pense que cette pandémie remettra les pendules à l'heure. Les lobbies de l’environnement et les lobbies du pétrole, je pense qu’on est plus à armes égales.
Plus que jamais, ce 50e Jour de la Terre a une raison d’être et a du sens, affirme le défenseur de l’environnement. C’est pourquoi il était important de ne pas annuler les évènements en lien avec la célébration du Jour de la Terre et conserver son message qui est d’engager les gens pour qu’ils posent des actions contribuant à réduire leur empreinte écologique.

Les activités des Britanno-Colombiens sont pour la puplart à l'arrêt durant la pandémie de COVID-19, comme le Mont Seymour à North Vancouver
Photo : Radio-Canada / Maggie MacPherson (CBC)
La planète en pause forcée
Il est indéniable que le ralentissement imposé par la pandémie révèle déjà des effets sur la nature. Diego Creimer, responsable des communications et affaires publiques à la Fondation David Suzuki, dit que d’un point de vue environnemental, on observe tout à coup que la qualité de l’air s’améliore, moins de pollution dans certains endroits, y compris dans l’eau.
Dans de nombreuses grandes villes, explique-t-il, il y a une réduction observable sur plusieurs jours du nombre de particules fines en suspension dans l’air. Un bon signe, selon des chercheurs de l’Université Harvard, qui remarquent un lien de causalité entre la qualité de l’air et le taux de mortalité lié au coronavirus.
Une meilleure qualité de l’air sauve des vies en toute circonstance, avec ou sans épidémie.
Par ailleurs, M. Creimer souligne que tout ralentissement sera apprécié par la nature et que la biodiversité, avec sa force énorme, prendra toutes les opportunités qu’on lui donne de se rétablir
. Il suffit de lever la tête et de tendre l’oreille pour remarquer que les oiseaux paraissent plus nombreux qu’avant. Mais il y a aussi un retour de poissons dans les eaux qui sont aujourd’hui moins troubles, souligne-t-il.

En ce qui concerne les leçons à tirer de la COVID-19, Diego Creimer de la Fondation David Suzuki explique « qu'après un incendie, une catastrophe naturelle, on ne rebâtit pas à l'identique, on essaie de rebâtir mieux pour que ce soit plus résistant la prochaine fois ».
Photo : Courtoisie de Diego Creimer
Et si l’on arrêtait l’utilisation des pesticides, on aurait la visite de tellement d’espèces de papillons et d'insectes qui ont un effet bénéfique sur la biodiversité
, lance le militant écologique.
On vit une situation exceptionnelle qui nous rappelle la force de la nature et la gravité des crises planétaires qui requièrent une réponse de l’humanité dans son ensemble.Les crises finissent par nous unir.
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Naissance de nouvelles habitudes?
On n’est pas sûr que ces nouvelles habitudes saines vont rester
, mais c’est à souhaiter, affirme Diego Creimer. Selon lui, il faut prendre le temps de réfléchir à ce que nous sommes en train d’améliorer et de l’apprécier à sa juste valeur.
Personne ne voulait être confiné à la maison, mais ça nous a peut-être donné le temps de nous rendre compte que nous avions, par exemple, des déplacements qui n’étaient pas essentiels.
Il ajoute que nous avons aujourd’hui le temps de nous parler plus en longueur et de ralentir, mais aussi que le rythme effréné et chaotique de la vie que nous menions n’était peut-être pas le meilleur
. Pour le porte-parole de la Fondation David Suzuki, la valeur et la qualité qu’on donne à ces choses constituent la seule garantie que ces nouvelles habitudes vont perdurer après la crise
.
Je pense qu’il y aura des habitudes qui pourront s’imposer, mais il faudra travailler très fort
, déclare Pierre Lussier. Il ajoute que la crise sanitaire donne une occasion à saisir. Mais il faut faire attention parce que l’habitude de l’Homme, c’est de revenir à l’habitude de l’Homme
, prévient-il.

Pierre Lussier, directeur de Jour de la Terre Canada, et son équipe soulignent le 50e anniversaire de cet évènement avec le thème « à la maison » et non nécessairement en ligne.
Photo : Jérôme Guibord
J’y crois, je ne suis pas fataliste. Je crois que les Canadiens sont capables. On a une relation avec la nature, on a une compassion entre nous.
Cette pandémie a révélé notre dépendance aux autres
, notamment en matière d’approvisionnement. Pour Diego Creimer, il faut rétablir des systèmes locaux en construisant notre propre garde à manger afin de ne pas dépendre des aliments et de marchandises qui viennent de loin. Il faut bâtir notre propre résilience locale
.

Avec les restaurants qui sont fermés, de nombreux Britanno-Colombiens se concoctent leurs repas eux-mêmes.
Photo : Radio-Canada / Noémie Moukanda
Par ailleurs, la plupart des entreprises ont dû s’adapter et mettre en place le télétravail. Cette méthode de travail est sans conteste une habitude qu’il ne faudra pas perdre tant elle profite à tous, croit l’environnementaliste. Il rappelle que nous devons parvenir à réduire nos émissions de gaz à effet de serre de presque de moitié d’ici 2030.
Si vous voyagez vers le centre-ville en auto, cinq fois par semaine, et que vous réduisez vos déplacements à deux fois par semaine, vous venez de faire une réduction de 60 % de votre consommation si vous n’utilisez pas votre voiture pendant trois jours et que vous travaillez de la maison. C’est énorme l’impact qu’on peut avoir avec un changement d’attitude comme ça.
En outre, au-delà de l’écologie, la santé des gens en sort bénéfique aussi, selon Diego Cremer. Il souligne le fait qu'en cuisinant leurs propres repas, les gens mangent des aliments de meilleure qualité, car ils consomment moins d’aliments industriels.
Les changements climatiques, une notion qui se matérialise
Pierre Lussier croit que la crise du nouveau coronavirus permet de mieux comprendre la notion de changement climatique qui a été longtemps abstraite dans l’imaginaire collectif.
La COVID, c’est du concret. On est à la maison. Ça a un impact. Mais c’est quelque chose qui est invisible, comme les changements climatiques. Donc, j’ai l’impression que ça va mieux nous faire comprendre la notion de changement climatique. Et le Jour de la Terre agit aussi comme ce marqueur, comme quelque chose qui humanise la lutte pour un meilleur environnement et une meilleure planète
, affirme-t-il.

Un canard se faufile sur le lac Deer à Burnaby, en Colombie-Britannique
Photo : Radio-Canada / Noémie Moukanda
Il n’y a plus de circulation. On entend les oiseaux, on voit la nature réapparaître. On revient à des choses qui nous émerveillent. On regarde les autos qui ne bougent pas, mais on est capable de survivre.
Pierre Luissier estime qu’il ne faut pas pointer du doigt par rapport aux erreurs du passé, mais qu’avec le Jour de la Terre, il faut regarder à l’horizon.
Si on est capable d’aller au-dessus de la COVID, alors on est capable d’aller au-dessus des changements climatiques et de s’engager pour un monde plus écologique.