Le pari risqué de l’immunité grégaire
Sans vaccin ni médicament, les plus vulnérables risquent d’y laisser leur peau.

Une travailleuse porte un masque à l'heure de pointe.
Photo : Reuters / Toby Melville
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
[ANALYSE] Lorsqu’une épidémie frappe, un des défis des épidémiologistes est de calculer quelle proportion de la population doit être immunisée pour freiner la transmission de la maladie.
Plus une maladie est contagieuse, plus cette proportion augmente.
Dans le cas de la COVID-19, pour le Canada, cette proportion pourrait atteindre un peu plus de 50 % (Nouvelle fenêtre). Et même jusqu’à 70 %, selon l'épidémiologiste Gaston De Serres de l’Institut national de santé publique du Québec.
Pour freiner la propagation de la COVID-19, au moins la moitié de la population doit donc avoir développé une forme d’immunité.
En attendant un vaccin, l’immunité passe par l’exposition au virus et la production d’anticorps en réaction à cette exposition. Du moins en théorie. Et c’est ici que l’immunité de groupe - aussi appelée immunité grégaire - devient un pari risqué.
Selon les données et les modèles publiés le 9 avril par l’Agence de la santé publique du Canada, (Nouvelle fenêtre) si 50 % de la population canadienne est infectée, le nombre de décès pourrait atteindre 200 000 au cours de la pandémie.
À titre de comparaison, selon Statistique Canada, 283 706 personnes sont mortes au Canada en 2018, un record.
Certes, dans la réalité, le taux de mortalité clinique pourrait être inférieur à celui qui est anticipé par le gouvernement fédéral. Surtout dans la mesure où des organisations, comme les Centers for disease control and prevention aux États-Unis, estiment que jusqu’à 25 % des personnes infectées pourraient ne pas éprouver de symptômes (Nouvelle fenêtre).
Sur le bateau de croisière Diamond Princess, la proportion a même atteint près de 50 %. (Nouvelle fenêtre)
La prise en compte de ces malades asymptomatiques ferait donc baisser le taux de mortalité.
Mais il n’en demeure pas moins qu’un scénario qui tablerait exclusivement sur l’immunité de groupe sacrifierait les personnes âgées de plus de 60 ans, parmi lesquelles surviennent plus de 90 % des décès. (Nouvelle fenêtre)
Par ailleurs, connaître le degré d’immunité dans la population fait néanmoins partie de la solution pour baliser le déconfinement.
Reste à savoir dans quelle mesure les anticorps sont la clef de l’immunité.
Or, dans l’état actuel des connaissances, les immunologues et les virologues ne savent pas jusqu'à quel point la présence d’anticorps permet de neutraliser le virus et de protéger contre la maladie.
Les tests sérologiques, qui mesurent la présence d’anticorps dans le sang, vont fournir des indices. Ces tests commencent à arriver en grand nombre sur le marché, mais dans la plupart des cas sans homologation par les autorités sanitaires.
La prudence est de mise, car certains de ces tests ont connu des ratés, entre autres en Grande-Bretagne.
La course est donc lancée pour valider la sensibilité et la spécificité de ces tests qui jouent un rôle clef pour déceler les immunoglobulines IgG et IgM, des anticorps potentiellement protecteurs contre la COVID-19.
Ces tests devront ensuite être disponibles en nombre suffisant pour les utiliser à vaste échelle afin de mieux évaluer la proportion de la population qui a été exposée à la maladie.
Une analyse de Chantal Srivastava dans l’émission Les années lumière.
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