« Bombes à retardement » : des victimes d'infarctus et d'AVC évitent les urgences
C'est l'angle mort de la crise du coronavirus, mais ses effets pourraient être aussi dévastateurs, selon les médecins spécialistes.

Chaque jour, 173 Canadiens sont victimes d'un infarctus aigu du myocarde.
Photo : iStock
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les consultations pour crise cardiaque aiguë sont en baisse de plus de 40 % au pays, a appris Radio-Canada. La diminution atteint même 80 % au Québec pour certains accidents vasculaires cérébraux (AVC).
Par peur d'attraper la COVID-19, de nombreux patients restent à la maison malgré leurs douleurs et leurs symptômes. Ils n'imaginent pas les risques qu'ils prennent.
Ce sont des bombes à retardement. On va avoir une vague de défaillants cardiaques
, s'inquiète le cardiologue du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), Reda Salem. Ces dernières semaines, il ne voit presque plus
de visites pour infarctus, alors que les gens continuent d'en faire
.
Chaque jour, 173 Canadiens sont victimes d'un infarctus aigu du myocarde.
L'Association des cardiologues du Québec a sondé ses membres partout dans la province. La diminution des consultations pour crise cardiaque aiguë est de 40 % à 60 %. À l'échelle canadienne, les cardiologues évaluent la baisse à 40 %.
Les gens ont peur de se présenter à l’hôpital, de contracter le coronavirus
, explique Reda Salem.
« Ils prennent un risque majeur. »
Pour n’importe quel événement vasculaire, les minutes comptent. Plus la victime se présente tôt, plus on peut diminuer les dommages
, explique le Dr Basmadjian, également cardiologue à l'Institut de cardiologie de Montréal.
Or, ces dernières semaines, les cardiologues remarquent des gens qui se présentent quelques jours ou quelques semaines après les symptômes, avec un état beaucoup plus grave que s’ils avaient consulté d’emblée.
Des situations semblables ont été rapportées en Italie, en France, en Espagne, en Écosse, en Suisse et aux États-Unis.
Le problème avec les infarctus, c'est que, quand on n'est pas victime de mort subite, la douleur, rarement insupportable, finit par s'estomper au bout de quelques heures.
Dès que le muscle est complètement mort, on n’a plus mal. Donc les gens sont contents, la douleur est passée
, explique Reda Salem. Mais ils vont devenir défaillants cardiaques, ils auront des difficultés respiratoires chroniques, de l'eau dans les poumons, etc.
Les neurologues sonnent l'alarme
Neurologue au CHU de Sherbrooke, Isabelle Beaulieu-Boire vit des situations inédites
, ces derniers jours, à cause de la peur du virus
.
Dans une lettre adressée à ses collègues neurologues, elle écrit : J'ai vu des patients victimes d’AVC se présenter hors délai pour les traitements aigus qui auraient pu changer leur devenir, parce qu’ils espéraient que les symptômes rentreraient spontanément dans l'ordre, et ainsi éviter une visite à l’urgence.
« [Ils] se sont présentés à l’urgence une fois que le déficit s’était installé de façon irréversible. Et encore, ce n’est probablement que la pointe de l’iceberg… »
L'Association des neurologues du Québec a interrogé ses membres dans la province. Résultat : une baisse de 70 % à 80 % des visites à l'urgence pour des AVC mineurs ou des accidents ischémiques transitoires (AIT).
Ça nous préoccupe énormément, parce qu'un AIT ou un AVC mineur qui n’est pas diagnostiqué peut se transformer en AVC majeur dans les semaines qui suivent
, explique le chef du service de neurologie du CIUSSS de l’Estrie et président de l’Association des neurologues du Québec, François Evoy.
Selon lui, le phénomène est exacerbé par le fait que les maladies cardiovasculaires frappent davantage les personnes âgées, qui sont « en ce moment terrorisées » par la COVID-19.
Alors que les taux d'occupation sur civière dépassent régulièrement les 100 % au Québec, la moyenne provinciale était de 53 % en date du 12 avril.
Une urgentologue nous a signalé voir moins de cas d'appendicites que d'habitude, mais plus de péritonites. C'est l’aggravation qui découle de l'appendicite quand les victimes attendent trop longtemps avant de se rendre à l'urgence.
Symptômes d'un infarctus :
- douleur thoracique
- douleur qui irradie jusque dans la mâchoire ou dans les bras
- difficultés respiratoires
- jambes enflées
- essoufflement, sueurs et fatigue inhabituelle sans faire d'effort
- nausée, vomissement, faire une indigestion
Symptômes courants d'AVC :
visage affaissé
incapacité à lever les bras
trouble de la parole
Consultez notre dossier en ligne sur la COVID-19 : Tout sur la pandémie
Suivez l'évolution de la situation en regardant le signal débrouillé de la chaîne d'information RDI
Suivez le nombre de cas en temps réel au Canada et dans le monde