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Un pneumologue dénonce le confinement obligatoire dans des résidences pour aînés

Dr Christian Allard

Le Dr Christian Allard est pneumologue à Saguenay

Photo : Radio-Canada

Radio-Canada

Beaucoup se demandent si les mesures de prévention contre le coronavirus imposées par le gouvernement du Québec vont trop loin. Le pneumologue de Saguenay, Christian Allard, est d’avis que oui, particulièrement celles qui touchent les personnes en résidences privées pour aînés.

Il croit qu’enfermer les aînés ne représente pas la meilleure solution pour préserver leur santé, alors que l’isolement, la solitude et le manque d’exercice physique sont des maux qui peuvent avoir des conséquences tout aussi désastreuses.

Le père de Christian Allard a 89 ans. Il est autonome et vit dans une résidence privée pour personnes âgées. Catherine Paradis a rencontré le pneumologue.


Dr Allard, qu’est-ce qui vous dérange dans la situation actuelle?

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Une représentation du coronavirus.

Ce qui me dérange, c’est qu’on puisse soustraire tous les droits fondamentaux aux personnes âgées. On ne leur demande pas de suivre les consignes et que s’ils les suivent, ils peuvent vivre comme les autres, c’est-à-dire sortir dehors marcher en respectant toutes les consignes imposées à toute la population. On leur dit non, vous êtes âgés, vous n’avez même plus le droit de sortir de votre appartement, vous êtes enfermés là, vous ne pouvez rencontrer personne, toutes les libertés fondamentales sont suspendues. Vous avez le droit de sortir de là si vous êtes malade ou mort. C’est tout. C’est la seule chose qu’on leur laisse. Moi je trouve que ces personnes-là ne méritent pas ça.

Vous trouvez que c’est exagéré?

Je trouve que c’est exagéré. On a mis des consignes publiques, on a fermé plein de choses, on a dit il y a des règles de distanciation sociale, il n’y a plus d’attroupements, mais si elles sont respectées ces règles-là, pourquoi en plus imposer un isolement complet à des personnes âgées qui en général n’ont plus rien que ça à faire de se promener dehors. S’ils ne sont pas capables, s’ils n’ont pas le goût, c’est correct. Personne ne va les forcer. Mais si c’est la seule façon de s’évader un peu, de sortir et de se garder en santé aussi. Parce qu’à 89 ans comme mon père qui est un homme très en forme, sa forme physique va disparaître dans quelques jours.

Mais vous êtes conscients que les mesures sont en place justement pour protéger leur santé? Vous êtes pneumologue, vous connaissez les risques.

Absolument, je suis tout à fait d’accord avec les mesures appliquées, mais je ne comprends pas pourquoi quelqu’un de 89 ans qui est capable d’aller marcher dehors tout seul sans exposer personne ni s’exposer lui-même au danger ne puisse pas le faire. Vous savez, ça ne s’attrape pas l’âge!

En plus, il y a tous ces gens qui se sentent le droit d’insulter les personnes âgées qui elles ne sont pas en résidence et qui ont le droit de sortir. Personnellement, je trouve que c’est un manque incroyable aux droits fondamentaux humains. Je pense que l’être humain est un être social et en faisant ça, en imposant des mesures qui ne sont pas nécessaires, on impose à des gens un isolement et un déconditionnement qui vont les emporter.

Le gouvernement vous répondrait peut-être que c’est temporaire et que l’impact de ce que vous décrivez est moins grand que l’impact de contracter le coronavirus?

Ça me ferait plaisir de parler avec Horacio Arruda, qui est mon collègue de classe d’ailleurs, et de lui dire écoute Horacio, si quelqu’un respecte les consignes de distanciation sociale, qu’est-ce qui l’empêche d’aller dehors quand il fait une belle journée comme aujourd’hui? Qui met-il en danger? Je suis d’accord avec toutes les mesures, mais je ne vois pas pourquoi on en impose encore plus à des gens qui sont capables de s’occuper d’eux-mêmes et qui sont capables d’aller dehors.

On tombe aussi dans le phénomène où ce ne sont peut-être pas tous les résidents d’un centre d’hébergement qui vont être aussi à l’écoute des consignes de distanciation sociale. Ça été mis en place parce qu’il y a des personnes qui ne les respectaient pas et qui continuaient d’aller faire des courses, par exemple.

De quel droit peut-on infantiliser toute une population sous prétexte qu’il y a quelqu’un, quelques-uns ou plusieurs qui ne soient pas capables de suivre les consignes? Je peux vous dire que là où est mon père, tout le monde suit les consignes. Elles sont précises et elles sont respectées. Et je peux vous dire que mon père n’a aucun problème avec ça. Mais de l’empêcher de sortir de la maison ou de rencontrer quelqu’un ou de parler à quelqu’un, je trouve ça extrêmement cruel.

Est-ce que c’est plus risqué pour sa santé en ce moment que de s’exposer?

On en court tous des risques! Je suis un professionnel de la santé et il ne faut pas penser que parce que je suis un peu plus jeune que mon père je ne suis pas exposé. Des médecins dans le monde qui sont morts parce qu’ils ont eu la COVID-19, il y en a de tous les âges, mais je le fais mon travail et je prends les précautions et on me dit que si je suis les précautions, je fais tout ce qui est dit depuis des années, je devrais être capable de travailler. Moi je pense que quelqu’un qui est en santé, qui a 89 ans, qui est lucide et qui prend toutes les précautions devrait être capable de sortir dehors.

Comment fait-on pour démêler le cas par cas du bien-être collectif?

Il y a des peuples, les Suédois par exemple, qui ont fait le choix du bien-être collectif et de la responsabilité personnelle. Je pense qu’on doit un peu s’inspirer de ça.  On ne peut pas imposer à tous la même chose.  On ne peut pas dire que toute une population parce qu’elle est âgée est infantile et doit être traitée comme telle et suspendre tous leurs droits.

Par contre, la Suède est en train de revoir sa position ces jours-ci?

Un moment donné, il va falloir qu’on prenne en considération aussi les libertés individuelles. À moins qu’on devienne dans un régime totalitaire, mais ce n’est pas le cas. Moi je pense que si on impose des consignes, si on recommande aux gens de respecter des consignes de sécurité elles peuvent s’appliquer à tout le monde qui est capable de les suivre et non pas juste à ceux qui sont assez jeunes pour en profiter, alors que toutes les personnes âgées, il y en a beaucoup dans ça qui sont capables de les assumer ces consignes-là et qui peuvent les suivre aussi. 

Quels sont les risques pour une personne comme votre père qui contracterait le coronavirus? 

On est tous en train d’apprendre des choses. On a eu des cas de patients de 99 ans qui ont survécu. J’ai plein de patients qui ont des maladies pulmonaires obstructives chroniques qui me demandent s’ils passeraient au travers, mais il y a des gens qui sont passés au travers. On ne peut pas en juger. Le risque est plus grand. On sait que dans l’âge de mon père, c’est 14 % de décès à peu près. Je ne souhaite pas que mon père meure, mais j’aimerais ça qu’il ne soit pas enfermé comme un prisonnier parce que présentement, les criminels en prison ont plus de droits. Ils peuvent sortir tous les jours.

Vous ne pensez pas que cette situation-là elle est comprise ou entendue de la part des autorités publiques?

Je pense qu’elle doit être prise en considération. Je pense qu’un moment donné, si quelqu’un est capable de suivre les consignes et le fait de manière rigoureuse, il devrait avoir les droits qui sont accordés à ceux qui suivent les consignes de manière rigoureuse.

D'après l'entrevue réalisée par Catherine Paradis

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