COVID-19 : non, les urgences « vides » ne signifient pas que la crise a été surévaluée
Oui, certaines urgences sont vides, mais cela signifie que le système de santé s'est préparé à affronter la crise, souligne un urgentologue.

Cette vidéo montre une salle d'attente vide à l'urgence de l'hôpital de LaSalle.
Photo : Capture d’écran - Facebook
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
De nombreux internautes partagent des vidéos et des images de salles d'urgence vides. Pour certains, cela démontre qu'on a grandement exagéré l'importance de la crise de la COVID-19. Pourtant, s'il est vrai que le taux d'occupation des urgences est plus bas qu'il ne l'est en temps normal, c'est justement en raison de politiques mises en place pour préparer le système hospitalier à affronter la crise – et parce que la population respecte les consignes de distanciation sociale.
Le parking est vide. L'hôpital est vide. Y'a pas un estie de chat
, lance un homme dans une vidéo qu'il a publiée sur sa page Facebook. La séquence, tournée à l'hôpital de LaSalle, montre en effet une salle d'urgence dépourvue de patients.
De nombreux internautes ont fait parvenir aux Décrypteurs des vidéos, des images et des publications semblables qui montrent des salles d'attente d'urgences montréalaises vides ou peu achalandées. De l'avis de plusieurs, cela prouve que les médias et le gouvernement exagèrent l'ampleur de la crise de la COVID-19.
On a même créé des groupes Facebook et des mots-clics pour inviter la population à aller « enquêter » et filmer sur le terrain afin de « prouver » que les urgences sont vides, malgré ce que vous racontent les médias
.
Néanmoins, le Dr Gilbert Boucher, président de l'Association des spécialistes en médecine d'urgence du Québec (ASMUQ) et urgentologue à l’Institut de cardiologie de Montréal, voit ces vidéos d'un tout autre œil.
C’est une bonne nouvelle, dans le sens qu’on a eu le temps pour se préparer
, lance-t-il.
Un taux d'occupation relativement bas
Il est vrai que le taux d'occupation des salles d'urgence est plus bas qu'à l'habitude, reconnaît-il d'emblée. Effectivement, les taux d’occupation depuis le 20 mars sont à peu près à 60 % sur l’île de Montréal. Ça fait changement du 100 % ou 110 % habituel.
« C’est ce qu’on voulait. On ne veut pas perdre aucun patient malade de la COVID-19 parce qu’on manque de ressources. C’est contre ça qu’on se bat. »
Toutefois, cette situation découle de politiques mises en place par le gouvernement du Québec. Selon le Dr Boucher, on a demandé aux centres hospitaliers de libérer le maximum de ressources afin d'accueillir une vague de patients atteints de la COVID-19, qui nécessitent souvent des soins aigus.
Pour faire de la place aux soins aigus, il faut que les urgences soient vides, parce que ce sont des patients qui prennent beaucoup de ressources, beaucoup de matériel, beaucoup de personnel
, explique-t-il.
Ainsi, certaines mesures ont été mises en place pour libérer les urgences. Les médecins essaient de faire des consultations par télémédecine, par exemple. Ça nous montre qu’il y a moyen d’aider le système sans nécessairement amener les patients à l’urgence. C’est sûr qu’on ne pourrait pas faire ça pendant deux ans, mais en ce moment, c’est très utile.
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De plus, il se peut qu'on demande à des patients potentiellement atteints de la COVID-19, mais qui ne présentent pas de symptômes graves, de retourner à la maison et de revenir seulement si les symptômes s'aggravent. Le Dr Boucher explique que le but est d'empêcher la contamination d'autres patients et du personnel de santé.
D'ailleurs, selon des projections du gouvernement du Québec dévoilées mardi, la province pourrait connaître un plateau d'hospitalisations à la mi-avril.
Des mesures pour éviter le pire
Toutes ces mesures ont été mises en place pour éviter que la situation ne devienne critique comme à New York ou en Italie, précise le Dr Boucher. Quand les patients meurent, c’est parce qu’on n’a pas pu s’en occuper. Ils arrivent, on essaie de leur faire une place, on les met sur une civière, et avant qu’on puisse s’en occuper, ils décèdent. C’est ça qui se passe dans d’autres pays, et ce qu’on essaie d’éviter.
« Si on en a trop fait, on va être les plus heureux au monde. Ça va dire qu’on n’aura perdu aucun patient, qu’on aura pu protéger notre personnel médical et qu’on aura réussi à s’occuper de tout le monde. »
Le Dr Boucher salue aussi la population québécoise. Les gens suivent bien les consignes. Les petits rhumes qui venaient à l’urgence, les gens ont compris qu’on ne voulait pas les voir là. Ils restent à la maison et on les en remercie beaucoup.
Certaines personnes évitent aussi d'aller à l'urgence, de peur d'être contaminées.
Le Dr Boucher souligne aussi que le confinement fait en sorte qu'il y a beaucoup moins de visites à l'urgence pour des crises cardiaques, par exemple.
Effectivement, le changement de mode de vie des gens semble se refléter dans le fait qu’il y a moins de pathologies à traiter à l’urgence
, soutient-il.
Tout cela ne veut pas dire pour autant que toutes les salles d'urgence du Québec sont vides. Certains hôpitaux, comme l'Hôpital général juif ou Sacré-Cœur, vivent une période assez chargée, affirme le Dr Boucher.