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La détresse des travailleurs et étudiants étrangers recensée dans une étude

Une femme de ménage dépose un oreiller sur un lit fraîchement fait. Nous ne pouvons voir le visage de la dame.

L'étude recense les expériences de travailleurs du milieu de l'hôtellerie et de la restauration.

Photo : iStock / Igor Vershinsky

Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Récemment mis à pied, des travailleurs étrangers et des étudiants internationaux sont doublement victimes de la COVID-19. Non seulement se retrouvent-ils sans revenus, comme d'innombrables Canadiens, mais leur statut déjà précaire les plonge dans une incertitude d'autant plus grande.

C'est ce que constate Danièle Bélanger, professeure au Département de géographie de l'Université Laval. Avec deux collègues, elle mène depuis l'été dernier une étude sur les trajectoires migratoires de 23 travailleurs et étudiants étrangers venus d'Europe, d'Afrique ou d'Amérique latine.

Jusqu'à la mi-mars, chacun d'eux travaillait dans le secteur de l'hôtellerie ou de la restauration dans la région de Québec. La COVID-19 est venue bouleverser complètement leur parcours puisqu'ils ont tous perdu leur gagne-pain.

Je sais que beaucoup de gens vivent aujourd'hui beaucoup d'anxiété, dit Mme Bélanger, mais je dirais que quand on se retrouve à vivre cette crise dans un pays où on n'a pas un statut de résident permanent ou de citoyen, c'est encore plus exacerbé.

« Les travailleurs temporaires ont un statut qui est constamment à renouveler, à renégocier avec l'employeur et avec les pouvoirs publics, les instances fédérales et provinciales [...] C'est déjà un statut qui est difficile à maintenir, donc dans la situation actuelle, c'est encore plus difficile.  »

— Une citation de  Danièle Bélanger, professeure au Département de géographie de l'Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les dynamiques migratoires mondiales

Tomber dans les craques des programmes

Mme Bélanger donne l'exemple des étudiants internationaux. Pour survivre, certains pouvaient compter chaque semaine sur quelques heures de travail dans un restaurant ou un hôtel.

Or, s'ils sont arrivés récemment au Canada et qu'ils n'ont pas encore atteint le revenu minimum de 5000 $, ils ne sont pas admissibles à la prestation canadienne d'urgence.

ll y a des sous-groupes comme ça qui vont tomber dans les craques des programmes annoncés et leur situation est extrêmement incertaine, insiste Danièle Bélanger.

Un pavillon de résidences étudiantes de l'Université Laval

Les étudiants internationaux sont encore nombreux à vivre dans les résidences de l'Université Laval.

Photo : Radio-Canada / /Cathy Senay

La professeure rappelle qu'en date du 3 avril, 900 étudiants internationaux habitaient toujours dans les résidences de l'Université Laval.

Même si chacun comprend le bien-fondé des directives de la santé publique, se retrouver seul, loin des siens et avec un stress financier pourrait finir par provoquer de la détresse chez certains, selon la professeure.

Les chambres sont petites, il y a beaucoup de surveillance pour s'assurer que les règles soient respectées. Ceux qui sont restés, ce sont beaucoup d'étudiants étrangers qui n'ont nulle part où aller, et ça, ça peut causer des situations très difficiles, note Mme Bélanger.

Le permis, source de soucis

L'étude de la professeure Bélanger s'est aussi penchée sur le cas des travailleurs étrangers temporaires qui ont un permis fermé, c'est-à-dire qu'ils sont liés à un seul employeur dans l'attente de leur résidence permanente.

Il y a une semaine, Radio-Canada rapportait le triste sort de ces travailleurs qui voudraient aller prêter main-forte auprès d'autres employeurs, comme dans les services essentiels, mais qui sont bloqués par la nature de leur permis.

Selon Mme Bélanger, le gouvernement fédéral a la responsabilité d'agir rapidement pour permettre à ces travailleurs de trouver un nouvel emploi.

« On a des cuisiniers, par exemple, qui ne demanderaient pas mieux que d'aller travailler en CHSLD ou dans des cafétérias d'hôpitaux. Pourquoi ne pas leur donner cette occasion? On a besoin d'eux. »

— Une citation de  Danièle Bélanger, professeure au Département de géographie de l'Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les dynamiques migratoires mondiales
Un plat de nourriture servi à une personne âgée

Les travailleurs pourraient aller prêter main-forte dans des secteurs essentiels.

Photo : Radio-Canada

Non seulement certains sont-ils arrivés trop récemment au pays pour toucher la prestation canadienne d'urgence, mais ils sont carrément coincés ici.

Pour beaucoup d'entre eux, c'est impossible de retourner [dans leur] pays étant donné les fermetures des frontières, la question des vols et peut-être aussi leur situation financière, illustre-t-elle.

Prolonger la durée des séjours

Les détenteurs de permis vacances-travail et certains détenteurs d'un permis post-diplôme peuvent aussi être dans l'eau chaude, selon Mme Bélanger, si leur permis vient à échéance prochainement.

Comme d'autres l'ont fait avant elle, la professeure invite le gouvernement fédéral à prolonger la durée des permis des travailleurs et des étudiants étrangers pour permettre aux gens de respirer, baisser l'anxiété et ne pas créer des personnes sans statut.

« Si on ne prend pas en compte cette réalité, on va créer une population de personnes qui vont se retrouver sans statut au Canada et ce n'est jamais une bonne chose pour une société. »

— Une citation de  Danièle Bélanger, professeure au Département de géographie de l'Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les dynamiques migratoires mondiales
Danièle Bélanger, professeure au Département de géographie de l'Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les dynamiques migratoires mondiales

Danièle Bélanger, professeure au Département de géographie de l'Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les dynamiques migratoires mondiales

Photo : Radio-Canada

Danièle Bélanger rappelle que cette main-d'oeuvre est cruciale au Canada, et pas seulement dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration. Le Canada ne peut pas se priver de tous ces gens qui présentent beaucoup de volonté de participer à l'intérieur de la société.

Il faut absolument élargir notre vision de cette population au-delà du fait qu'ils ou elles soient temporaires, dit-elle. Ce sont des citoyens en devenir, des travailleurs très actifs sur notre marché du travail.

Au fédéral d'agir

Au cabinet du ministre de l'Immigration du Québec, Simon Jolin-Barrette, on dit comprendre les inquiétudes soulevées par plusieurs personnes avec un statut temporaire dans la province. L'attachée de presse du ministre, Élisabeth Gosselin, indique toutefois que c'est à Ottawa d'agir.

La situation de certains étudiants ainsi que des travailleurs fait partie des enjeux soulevés et portés à l’attention du gouvernement fédéral lors de nombreux échanges et les discussions se poursuivent, indique-t-elle par courriel.

« La question de la durée des permis d’études et des permis de travail fermés a notamment été abordée avec le fédéral. Cela dit, le fédéral est l’unique responsable de l’émission des permis. »

— Une citation de  Élisabeth Gosselin, attachée de presse du ministre de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration

À Ottawa, le cabinet du ministre de l'Immigration, Marco Mendicino, ne s'avance pas sur la possibilité de prolonger la durée des permis ou sur de possibles assouplissements.

L'attaché de presse du ministre, Kevin Lemkay, sous-entend dans son courriel que les procédures habituelles continuent de s'appliquer, même si cela peut facilement prendre plus de trois mois pour obtenir un nouveau permis de travail.

Les visiteurs, les étudiants internationaux et les travailleurs étrangers temporaires au Canada peuvent demander une prolongation de leur séjour, explique M. Lemkay. Si un travailleur ou un étudiant ne travaille plus ou n'étudie plus, il peut demander à modifier son statut.

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