« Une volonté de fer » : Vera Etches est le visage de la lutte d'Ottawa contre la COVID-19
La médecin-chef de Santé publique Ottawa, Vera Etches, est devenue un visage familier des Ottaviens depuis le début de la crise de la COVID-19.
Photo : Radio-Canada / Matthew Kupfer/CBC
Vera Etches est la médecin-chef de Santé publique Ottawa depuis le mois d’avril 2018. Elle est la première femme à tenir ce rôle clé. Depuis le début de la crise de la COVID-19, la docteure est en première ligne et enchaîne les conférences de presse pour informer les Ottaviens. Portrait d’un médecin au parcours fulgurant.
Il est rare que les responsables de la Ville tiennent une conférence de presse un dimanche - et lorsqu'ils le font, ce n'est presque jamais pour annoncer une bonne nouvelle. La conférence de presse du 15 mars n'a pas fait exception.
Ce jour-là, quatre jours à peine après la confirmation du premier cas de COVID-19 à Ottawa, la Dre Vera Etches a déclaré aux journalistes qu'elle pensait qu'il y avait jusqu'à 1000 cas de coronavirus dans la capitale.
Elle a appelé les habitants à faire du télétravail, à annuler les événements de toute taille, à ne sortir que pour l'épicerie et pour des raisons médicales et à retirer leurs enfants de la garderie.
À présent, ce sont tous des conseils familiers. Mais le lendemain de la plaidoirie de la Dre Etches, le médecin hygiéniste en chef de la province n'appelait toujours pas à des mesures aussi strictes. Et lorsqu'on lui a posé des questions sur les projections d'Ottawa, il a argué que les propos de Mme Etches s'appuyaient sur la « modélisation » et non sur des données fermes.
Pourtant, cet après-midi-là, lui aussi recommandait la fermeture des bars, des restaurants et des garderies. Tôt le lendemain matin, l'Ontario déclarait l'état d'urgence.
Le fait que la Dre Etches soit en avance sur la courbe ne surprend personne parmi ceux qui connaissent la médecin de 44 ans. Collègues, professeurs, famille et amis décrivent tous la Dre Etches comme intelligente, collaborative et empathique - et déterminée à faire ce qui est juste.
Derrière cette attitude agréable, il y a une volonté d'acier
, a déclaré le Dr Isra Levy, ancien médecin-chef de Santé publique Ottawa, qui a embauché la Dre Etches en 2009.
Pour sa part, Mme Etches le dit sans ambages : Vous devez dire ce que vous devez dire quand cela est important pour la santé du public. C'est notre principale préoccupation.
Petite, elle apprend à « promouvoir la justice »
Vera Etches est née plus de deux mois prématurément, en 1975, en Nouvelle-Zélande, de Duncan et Nora Etches, deux jeunes médecins y effectuant des résidences médicales.
Lorsque leur sage-femme n'a pas considéré le petit bébé comme « viable », Nora a sauté de la table d'accouchement pour la réanimer. Le nouveau-né a passé des semaines dans un incubateur pendant que sa mère finissait sa résidence.
En 1977, la famille Etches s’est installée dans le village d’Hazelton, en Colombie-Britannique, et les parents travaillaient tous les deux à l'hôpital régional.
Nous avons partagé notre vie avec [les enfants], ils savaient ce que nous faisions. Nous étions très conscients des déterminants sociaux de la santé, de l'influence de la pauvreté, du logement, de l'éducation
, a déclaré son père, Duncan Etches.
Vera Etches estime que sa jeunesse lui a appris qu'il est de la responsabilité de chacun de « promouvoir la justice » et d'avoir le sens de « la façon dont nous devons faire les choses ».
Le Malawi lui ouvre les yeux sur la santé publique
À tout juste 16 ans, la Dre Etches s'est inscrite à l'Université Simon Fraser, avant de rejoindre l'école de médecine de l'Université de la Colombie-Britannique. Son plan était de se lancer en médecine familiale, jusqu'à ce qu'un cours l'emmène en Afrique.
Je ne connaissais pas la santé publique en tant que carrière jusqu'à ce que je fasse un stage au Malawi. J'ai vu le travail des infirmières de la santé publique là-bas, et j'ai été vraiment impressionnée par la façon dont elles affrontaient ces grands problèmes du sida, de la pauvreté et de la faim
, a-t-elle déclaré.
Elle ajoute : Et ils ne désespéraient pas. Ils connaissaient leurs communautés, ils étaient positifs, influençaient les gens et empêchaient des résultats plus négatifs. Je me suis dit : "C'est le genre de personnes avec qui j'aimerais travailler”
.
Elle a ensuite effectué sa résidence en santé publique à l'Université de Toronto.
La pandémie de H1N1 : son premier test de leadership
Alors qu’elle travaillait au bureau de santé publique de Sudbury, en 2005, le Dr Isra Levy, alors médecin-chef adjoint à Santé publique Ottawa, l’a rencontrée par le biais d'un organisme provincial de recherche en santé publique. Elle lui a fait forte impression et est devenue par la suite son associée, lorsque le Dr Levy a été promu médecin-chef.
La Dre Etches a commencé son nouveau travail en février 2009. En avril, la virus H1N1 apparaît au Mexique et la souche grippale mortelle est déclarée pandémie en juin.
En Ontario, 128 personnes sont décédées, dont une fillette de 10 ans au CHEO
à la fin du mois d’octobre, quelques jours seulement après l'approbation d'un vaccin par Santé Canada.L'épidémie de H1N1 a permis pour la première fois à la Dre Etches de démontrer son style de leadership au sein de Santé publique Ottawa, selon le Dr Levy.
Sa gestion personnelle de la crise du coronavirus
C'est désormais la crise de la COVID-19 qui met Vera Etches en première ligne.
En ce qui concerne son propre bien-être mental et physique, la Dre Etches vise l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée - du mieux qu’elle peut. Elle fait du jogging tôt le matin plusieurs fois par semaine et encourage ceux qui y sont autorisés à sortir tous les jours.
With strong #SocialDistancing to decrease COVID-19 transmission, tensions may run high in the home. #PhysicalActivity can help. What ideas do you have for in-home or outdoor-2metre-apart activities? I just went for my first run of the year. pic.twitter.com/t95VzP4CyK
— Dr. Vera Etches (@VeraEtches) March 18, 2020
Elle a même pris quelques jours de congé, après avoir remarqué qu'elle avait été « moins patiente » avec les gens.
« Personne n'est indispensable. Si nous ne prenons pas soin de nous, nous ne pouvons pas prendre soin des autres. »
Vera Etches affirme qu'elle ne pourrait pas faire son travail sans le soutien de son partenaire, qui a assumé la plupart des responsabilités de garde pour leurs deux jeunes garçons. Elle les voit à l'heure du souper la plupart des soirs avant de retourner répondre à ses courriels, bien qu'elle admette s'endormir parfois en mettant son enfant de quatre ans au lit.
Dernièrement, elle est restée éveillée par les questions qui lui sont posées sur Twitter.
Je me sens vraiment mal de ne pas pouvoir répondre à tout, parce que je vois beaucoup de désinformation ou d'interprétation erronée. C'est tout simplement trop difficile. Je ne peux pas entrer en contact avec chaque individu
, a regretté la Dre Etches.
Se concentrer sur ce qui peut être fait
Cette semaine, elle annoncera à nouveau inévitablement une mauvaise nouvelle lors de sa conférence téléphonique quotidienne avec des journalistes. Plus de 50 nouveaux cas de COVID-19 ont été confirmés à Ottawa au cours de la fin de semaine, ainsi que le quatrième décès de la ville attribuable à la maladie.
La modélisation provinciale, quant à elle, suggère que de3 000 à 15 000 Ontariens pourraient mourir de la COVID-19.
La Dre Etches dit cependant qu'elle n'est pas prête à laisser la sombre réalité avoir le dernier mot. Elle tire sa force des histoires de personnes qui interviennent pour aider leurs voisins, et veut remercier les gens de faire leur part d'efforts.
J'essaie toujours de me concentrer sur ce que nous pouvons faire, ce qui fonctionne
, conclut-elle.
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Avec les informations de Joanne Chianello