De déchirants adieux à distance au temps de la pandémie

Une médecin au chevet d'un patient âgé.
Photo : iStock
Faire le deuil d'un être cher n'est jamais facile. Encore moins dans un contexte de pandémie de COVID-19.
Il y a à peine deux semaines, Louise Tessier a serré dans ses bras son père Serge, qui souffre du cancer. Depuis, la vague de COVID-19 a déferlé sur le Québec, bouleversant sa vie et celle de sa famille sur son passage.
Mon père est hospitalisé à l’Hôtel-Dieu de Saint-Hyacinthe. Au début, on pouvait aller le visiter une personne à la fois. Maintenant, les visites sont interdites. Il vit beaucoup de solitude, il est tout seul
, déplore-t-elle, impuissante.
Le 31 mars dernier, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec a demandé à tous les hôpitaux et aux établissements qui offrent des soins palliatifs dans la province d’interrompre les visites régulières des patients en fin de vie.
Dans le cas d’une mort imminente, c'est-à-dire au cours des dernières 48 heures de vie d’un patient, une ou deux personnes peuvent se rendre au chevet du mourant à condition de ne pas présenter de symptôme de la COVID-19.
Une situation que Louise Tessier qualifie « d’injuste » et d’« inhumaine ».
« On pourrait mettre un masque. On pourrait se laver les mains et aller lui rendre visite d'une façon sécuritaire. Mon père ne mérite pas de mourir seul. »
Pour déjouer la solitude, Louise, ses deux frères et sœurs et sa mère Gisèle font des vidéoconférences avec l’homme de 72 ans.
Mais, ce n’est pas pareil
, lance-t-elle. Le toucher est un sens très important en fin de vie. Mes parents allaient célébrer 50 ans de mariage cet été. Ils sont encore très amoureux. Ils se donnaient des câlins, ils se faisaient des bisous. C’est difficile en ce moment
.
Les contacts humains
La Maison Saint-Raphaël, qui offre des soins palliatifs à Montréal, a mis une tablette ou un téléphone intelligent à la disposition de tous ses patients pour leur offrir un maximum de contacts humains.
Il faut assurer leur sécurité psychologique. On a des bénévoles qui travaillent virtuellement. Nos infirmières et notre personnel en général ont un très grand dévouement envers les patients. Je pense qu’ils se sentent malgré tout accompagnés
, explique la directrice générale de l’établissement, Olivia Lévêque.
Elle ajoute que ces mesures, bien que très douloureuses, sont essentielles dans le contexte actuel.
« C'est très déchirant, mais en même temps, il faut qu’il y ait un équilibre. On veut la sécurité de nos employés et de tous nos patients. »
La professeure de psychologie à l'UQAM spécialisée dans le deuil, Valérie Bourgeois-Guérin, prévient que cette situation créera de la détresse psychologique chez plusieurs personnes.
On va faire face à une vague de personnes qui vont avoir vécu un deuil dans un contexte particulier et inattendu, auquel s’ajoutent l’isolement et la solitude du confinement. Elles peuvent être déjà très anxieuses, et donc le deuil sera encore plus difficile
, souligne-t-elle.
Mme Bourgeois-Guérin conseille à ceux qui ne pourront pas faire leurs adieux en personne à leur être cher de le faire autrement.
Ils peuvent utiliser une tablette ou même le téléphone qui se trouve dans les chambres d’hôpital. Ils peuvent écrire une lettre qu’un autre proche ou un membre du personnel soignant pourra lire à la personne qu’on aime
, explique-t-elle en précisant que cette méthode peut être grandement libératrice.
Quant à Louise Tessier, elle s’accroche à l’espoir de pouvoir tenir la main de son père lorsqu’il rendra son dernier souffle.
C’est la seule chose que l’on souhaite en ce moment. Que mon père résiste jusqu’à ce que tout ça soit fini
, espère-t-elle.
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