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Un Canadien au front contre la COVID-19 en Afrique

Le Dr Michel Yao dirige les opérations d'urgence de l'Organisation mondiale de la santé en Afrique pour contrer la COVID-19.

Une affiche informe les gens sur la COVID-19 à Nairobi, au Kenya.

Une affiche informe les gens sur la COVID-19 à Nairobi, au Kenya.

Photo : Reuters / Baz Ratner

Alors que la COVID-19 a déjà mis à l'arrêt une partie de la planète, l'Afrique, qui semblait dans un premier temps être épargnée, voit avec inquiétude ce nouveau coronavirus se répandre sur le continent. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) est au front pour endiguer la propagation. Entrevue avec le Dr Michel Yao, un médecin canadien responsable des opérations d'urgence de l'OMS en Afrique. Nous l'avons joint à Brazzaville, au Congo.

Quel est votre niveau d'inquiétude en ce moment?

Michel Yao - Je suis de plus en plus inquiet. Si rien n'est fait, ce sera une vraie bombe. Mais si des mesures sont prises maintenant, si on approvisionne en tests de diagnostic pour permettre rapidement de détecter les cas le plus tôt possible, si on permet d'augmenter la capacité, si on permet de donner des besoins supplémentaires humanitaires pour des mesures de confinement, on pourrait limiter les dégâts.

Ça c'est encore possible, mais la fenêtre se referme et c'est une histoire de jours, voire de semaines.

Il y a un mois à peine, il n'y avait que quelques dizaines de cas dans quelques pays. Nous avons de plus en plus de cas par jour et l'épidémie touche au moins 46 des 54 pays du continent. Les transmissions locales se répandent de plus en plus.

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Une représentation du coronavirus.

Plusieurs pays africains ont connu d'autres épidémies : Ebola, choléra, VIH. Quelles leçons en ont-ils tirées et en quoi cela peut les aider aujourd'hui?

M.Y. - Il y a eu beaucoup de leçons apprises. L'une des leçons, c'est vraiment l'implication active des communautés.

La plupart des épidémies ont été vaincues par un mécanisme de surveillance à base communautaire que même certains pays développés n'ont pas, parce qu'ils n'en ont jamais eu l'expérience, de ces épidémies.

Une expertise en santé publique s'est développée au fil des ans pour ce genre de problèmes.

Aussi, la circulation de l'information est limitée en milieu rural en Afrique. Là où il n'y a pas de télévision ou de postes de radio, il est très difficile de transmettre de l'information par l'entremise des médias. Nous savons comment bien utiliser les « réseaux sociaux ». Comme les chefs traditionnels, les chefs religieux, ces leaders-là reçoivent l'information et la transmettent aux communautés.

Le médecin regarde la caméra.

Le Dr Michel Yao, responsable des opérations d'urgence de l'OMS en Afrique.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Lacelle

Qu'en est-il de la disponibilité des équipements médicaux?

M.Y. - C'est très difficile pour les gouvernements. La demande est très forte sur le marché, les pays qui ont la capacité de production fabriquent maintenant pour eux-mêmes.

L'Afrique dépend des importations. Et c'est là où nous en appelons à une certaine solidarité. Ce qu'on dit, c'est que c'est une épidémie mondiale. Si elle n'est pas contrôlée en Afrique, le virus continuera de circuler.

Mais on ne peut pas laisser les pays fermés pendant si longtemps, donc il est important que cette solidarité se manifeste, pour un contrôle global de l'épidémie.

Les villes sont souvent denses, les logements petits, les transports bondés. Les mesures de distanciation physique seront probablement difficiles à mettre en place, non?

M.Y. Bien sûr. C'est vraiment une des difficultés en Afrique.

Pour plusieurs responsables politiques, c'est une décision déchirante. Mais une décision nécessaire. Ce qu'il faut, ce sont des mesures d'accompagnement pour les petits commerçants, pour ces gens qui vivent au jour le jour avec une petite activité commerciale qu'ils ne peuvent pas laisser. Il faut absolument leur venir en aide.

Il faut qu'il y ait aussi de l'aide humanitaire pour prendre en charge les plus vulnérables, ceux qui vont le plus souffrir des mesures de distanciation.

Ce sont des mesures déchirantes à prendre parce qu'elles accentuent la vulnérabilité d'une couche de la population pour laquelle il faut des mesures exceptionnelles pour répondre aux exigences de la santé publique.

Le nouveau coronavirus se propage aussi dans certains pays en guerre comme le Mali ou la Libye. Vous plaidez pour l'établissement de couloirs humanitaires.

M.Y. - Pour le couloir humanitaire, c'est s'assurer que des personnes et des biens puissent se déplacer pour répondre à cette épidémie. Et donc en termes de personnel, ce qu'on essaie de faire, c'est de rassurer les pays que les personnes qu'on va déployer ne sont pas des personnes déjà contaminées.

Donc ce sont des personnes qui vont être testées pour pouvoir venir dans des pays qui ont moins d'experts techniques pour organiser cette réponse-là pour les aider. Et puis, au cas où un pays venait à être débordé, pour pouvoir déployer du personnel médical et autre.

Quel est le risque que vous perdiez le contrôle?

M.Y. - C'est notre principale inquiétude. Qu'il y ait une augmentation massive qui entraînerait un débordement des services de santé. On voit ce qu'il se passe en Europe où le système de santé est bien nanti. Mais ce n'est pas le cas en Afrique, et ça pourrait être une véritable catastrophe.

Si on perd le contrôle, on aura des cas massifs. En ce moment dans certains pays, on a une centaine de cas par jour, mais cela pourrait se multiplier par dix. Cela veut dire qu'on aura des besoins importants pour des services de réanimation et pour l'hospitalisation des cas sévères.

Ça peut être très compliqué à gérer avec la capacité actuelle des services de santé.

Est-ce que vous craignez le pire?

Je dirais que je crains le pire. De ce qu'on observe en Italie, en France, en Espagne, je crains le pire. Parce que si cette situation venait à arriver à l'Afrique, ça sera compliqué.

Il est vraiment important pour l'Afrique de s'assurer qu'on n'ait pas ce scénario. La fenêtre est encore là. On peut faire quelque chose. Mais on a besoin d'être aidés. Si on reste statiques, je crains que le pire puisse arriver.

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