La crise sanitaire menace l’accès à l'avortement au Canada, selon des organismes

Des États américains souhaitent fermer les cliniques d'avortement durant la pandémie de coronavirus sous prétexte qu'il ne s'agit pas d'une procédure médicale essentielle.
Photo : Reuters / Liliana Engelbrecht
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La pandémie de coronavirus a des répercussions sur l’accès à l'avortement au pays. Des associations pro-choix exhortent les gouvernements et les collèges des médecins à tout mettre en œuvre pour que les soins relatifs à la santé sexuelle demeurent des services de santé essentiels tout au long de la crise sanitaire.
Les mesures de distanciation sociale, les restrictions de déplacements et les fermetures de centres de santé sexuelle sont autant de facteurs découlant de la pandémie de COVID-19 qui ont une incidence sur l’accès aux services d’interruption volontaire de grossesse (IVG
).La directrice en promotion de la santé chez Action Canada pour la santé et les droits sexuels, Frédérique Chabot, mentionne que les mesures visant à endiguer la propagation de la maladie obligent le personnel soignant à voir moins de patients.
Les services sont adaptés, justement, pour essayer de garder tout le monde en sécurité, mais ça veut dire que les cliniques doivent réduire le nombre de rendez-vous qui sont offerts
, explique-t-elle.
La diminution des consultations a un impact sur les soins d’IVG
, mais aussi sur les services de contraception et le dépistage des ITSS .Des organismes venant en aide aux femmes enceintes ont également dû modifier leurs activités.
Par mesure de prévention, le service de rencontre dans nos locaux est en pause pendant une période indéterminée
, indique sur sa page Facebook S.O.S. Grossesse, qui maintient toutefois ses services d'écoute téléphonique et de clavardage.
Accès inégal
Frédérique Chabot rappelle que l’accès à l'avortement varie grandement d’une province à l’autre au Canada. Si le Québec compte à lui seul plus de la moitié des points de services, d’autres n’en comptent qu’un ou deux, voire aucun.
Situées majoritairement en milieu urbain, les cliniques d’avortement sont difficilement accessibles aux femmes vivant en régions éloignées. Une situation aggravée par les récentes restrictions imposées aux déplacements.
« Une patiente qui est à Kelowna et qui doit se rendre à Victoria pour une procédure [peut difficilement aller à son rendez-vous] puisque la plupart des transports qui connectent les communautés sont suspendus. »
Autre élément problématique : au Canada, les établissements médicaux ne sont pas équipés pour réaliser des IVG
après la 24e semaine de grossesse. En temps normal, on envoie les patientes se faire soigner aux États-Unis, où cela est possible.À la merci des douaniers
Or, l’annulation de nombreux vols commerciaux et la fermeture partielle de la frontière canado-américaine empêchent des femmes de se rendre chez nos voisins du sud pour un avortement.
Traverser la frontière est compliqué. Si on passe avec une lettre qui dit : "La personne voyage pour une raison médicale essentielle", mais qui indique que c’est un avortement, un agent frontalier anti-choix peut arrêter cette personne-là et [l’obliger à] tourner de bord
, soutient Frédérique Chabot.
Elle fait remarquer que des États américains ont tenté de fermer les cliniques d'avortement durant la pandémie de coronavirus sous prétexte qu'il ne s'agit pas d'une procédure médicale essentielle.
Au Canada, les gouvernements des provinces ont l’intention de maintenir les soins d’avortement tout au long de la crise. C’est notamment le cas du Québec.
L'accès à l'avortement est maintenu pour toute femme qui en fait la demande. Il n'est pas planifié d'interrompre ces services
, indique Robert Maranda, porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux, dans un courriel à Radio-Canada.
Mentionnons également que l'option de la pilule abortive peut être offerte aux femmes qui souhaitent interrompre une grossesse
, ajoute-t-il.
Télémédecine
La pilule abortive est d’ailleurs une avenue préconisée par des organisations comme Action Canada pour la santé et les droits sexuels et la Fédération nationale de l’avortement du Canada durant la pandémie.
Ces organisations incitent les gouvernements et les collèges des médecins de recourir davantage à la télémédecine.
Les pouvoirs publics sont notamment invités à prolonger à 12 semaines (84 jours) la période limite pour prescrire la pilule abortive et à établir des codes de facturation de télémédecine pour l’avortement médical.
Malgré les nombreux défis posés par la pandémie de COVID-19, les fournisseurs de soins de santé du Canada ont su s’adapter jusqu’ici, note Frédérique Chabot.
Les médecins, les infirmières et le système de santé en général ont été absolument extraordinaires dans les deux dernières semaines à recréer des protocoles en deux temps, trois mouvements, en s’assurant que tout le monde pouvait être en sécurité et toujours avoir accès à ces soins
, se réjouit-elle.
Mme Chabot demande aux pouvoirs publics de soutenir les efforts des professionnels de la santé en garantissant l’accès aux soins d'avortement durant la pandémie.