L’accès à l’information ralenti par la pandémie

La crise de la COVID-19 a des répercussions sur le traitement des demandes d’accès à l’information.
Photo : IS/Nikada
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les ministères et organismes publics n’arrivent plus à traiter les demandes d’accès à l’information à l’intérieur des délais prescrits par la loi en raison de la crise sanitaire. Une situation compréhensible en regard des circonstances, mais qui invite néanmoins à la vigilance, croit un expert.
Les différentes mesures de confinement mises en place pour enrayer la propagation de la COVID-19, comme le télétravail et l’isolement volontaire, ont pour effet de ralentir la machine gouvernementale.
La capacité des organismes publics à traiter les demandes d’accès à l’information s’en trouve considérablement réduite, que ce soit au niveau fédéral, provincial ou municipal. C’est notamment le cas de Transports Canada, qui a suspendu le traitement des demandes.
Notre capacité à traiter les demandes est limitée ainsi que celle des parties impliquées à fournir des documents et/ou des représentations. Cela a un impact sur nos opérations régulières
, indique le Ministère dans un courriel envoyé à Radio-Canada.
Au cours des derniers jours, les commissions responsables de l’application des lois québécoise et canadienne sur l’accès à l’information ont elles-mêmes été contraintes de modifier et de réduire leurs services.
À la Commission d’accès à l’information du Québec, toutes les audiences prévues entre le 16 mars et le 17 avril ont été annulées. De son côté, le Commissaire à l’information du Canada prévient que dans ces circonstances exceptionnelles, les plaignants peuvent s’attendre à certains retards dans la réponse aux plaintes et la tenue de nos enquêtes
.
Au Québec, la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels prévoit que les ministères et organismes publics ont 30 jours pour répondre à une demande. Le délai de réponse est le même pour les entités fédérales assujetties à la Loi sur l’accès à l’information.
Situation d'urgence
En temps de crise, les gouvernements peuvent limiter certains droits et suspendre l’application de lois et règlements en raison de l’urgence qui sévit.
Le principe de base, c’est que l’urgence peut permettre la mise entre parenthèses de plusieurs règles de droit dans notre société, dans la mesure où c’est justifié
, explique Pierre Trudel, professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université de Montréal.
Dans le cas du droit d’accès à l’information, si les gouvernements demandent aux fonctionnaires chargés de son application de rester à la maison sous prétexte qu’ils ne sont pas essentiels, cela aura pour effet de suspendre les délais imposés par la loi, observe le professeur.
Il ajoute que la notion d’urgence est sujette à débat étant donné qu’elle repose en grande partie sur l’interprétation subjective des gouvernements. Autrement dit, l’urgence ouvre la porte à l’arbitraire, d’où l’importance de rester vigilant, insiste Pierre Trudel.
C’est sûr qu’il y a une nécessité de vigilance. Cette vigilance-là ne doit pas se relâcher parce que même en situation d’urgence, il y a des risques d’abus. Il y a des situations qui peuvent se révéler abusives de la part du pouvoir.
« Lorsqu’il est question d’urgence, c’est toujours sujet à une évaluation de raisonnabilité [...] Il faut se poser la question : est-ce que c’est raisonnable de mettre entre parenthèses des droits fondamentaux, de restreindre la transparence des décisions publiques? »
Transparence
Pour conserver leur légitimité, les gouvernements qui demandent de la souplesse dans l’application du droit d’accès à l’information ont tout intérêt à faire preuve de transparence, croit Pierre Trudel.
Selon lui, si l’urgence justifie de suspendre les délais obligatoires pour avoir accès à des documents administratifs, elle peut, à l’inverse, justifier que le gouvernement rende disponibles des informations qui, en temps normal, pourraient faire l’objet de restrictions ou d’exceptions.
On ne peut pas à la fois simplement restreindre les droits des gens, les droits des médias ou les droits des citoyens sans, en contrepartie, devenir plus transparents
, fait valoir le professeur.
À sa connaissance, depuis leur adoption au début des années 1980, les lois québécoise et canadienne sur l’accès à l’information n’ont jamais fait l’objet d’une suspension ou de restrictions, même en temps de crise.