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Le survivalisme au temps du coronavirus

Des survivalistes québécois en forêt.

Des survivalistes québécois en forêt

Photo : Claude Survivaliste

Depuis une semaine, les groupes survivalistes canadiens sont en réelle explosion sur les réseaux sociaux; ils ont accueilli des centaines de nouveaux membres. Tapis chez eux, avec assez de denrées pour pouvoir durer des années, ils ont aujourd’hui le sentiment d’avoir vu venir la crise avant tout le monde.

On m’a traitée de paranoïaque, de chasseur de zombies et de weirdo, parfois dans ma propre famille, dit Christine, administratrice de Survivaliste du Canada sur Facebook. Depuis le début de la pandémie de COVID-19, le nombre de membres de son groupe privé a doublé. Ils sont aujourd’hui plus de 3000.

Là, ça frappe la population en plein visage et le monde a peur, ajoute la femme dans la cinquantaine, bien encabanée dans sa maison de la région de l’Estrie. Elle affirme avoir assez de nourriture pour durer trois ans sans aide extérieure. Des provisions qui sont réparties en six endroits, dont certaines caches qui doivent demeurer secrètes.

Une des réserves de nourriture de celui qui se fait appeler Claude Survivaliste.

Une des réserves de nourriture de celui qui se fait appeler Claude Survivaliste

Photo : Claude Survivaliste

Les gens autour de moi ne font plus les malins, se félicite Dave L’Ours, lui aussi administrateur de la page Survivaliste Canada. Je ne me fais plus traiter de Rambo, on vient plutôt me poser des questions. Aujourd’hui, même le gouvernement demande d'être capable d'être autonome pendant 72 heures.

COVID-19 : tout sur la pandémie

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Une représentation du coronavirus.

Toutefois, malgré la ruée des derniers jours dans les magasins, notamment pour acheter du papier de toilette,il n'y a pas de pénurie de denrées à prévoir au Québec.

Un phénomène en croissance

Le mouvement survivaliste, ou prepper, prend de l’ampleur en Amérique du Nord, selon le Journal of Marketing Management (Nouvelle fenêtre).

Une étude publiée l'an dernier démontre qu’à l’ère des changements climatiques, le survivalisme n'est pas une sous-culture marginale, mais un phénomène de plus en plus courant, motivé non par une certitude délirante, mais par une réponse de précaution à une anxiété généralisée que les gens ont autour d'une crise permanente.

Selon le créateur de la page Québec Preppers, Mathieu Montaroux, plus de 10 000 personnes dans la province auraient adopté ce mode de vie. Ils accumulent des denrées, construisent des abris et apprennent les rudiments des armes à feu et de la chasse. Certains collectionnent même les lingots d’or et d’argent.

Pas confiance dans l’État

Les survivalistes ne comptent sur personne d’autre que leur cellule familiale pour subvenir à leurs besoins. Ils ne font donc généralement pas confiance dans l’État. En cas de catastrophe, le gouvernement va avoir d’autres choses à gérer à son niveau avant de venir nous aider, avance M. Montaroux, qui, ironiquement, travaille pour le ministère des Transports du Québec. Avant de compter sur l’État ou ses voisins, il faut savoir compter sur soi.

Pour se préparer à toute éventualité, de nombreux survivalistes possèdent des armes à feu pour se défendre, mais aussi pour chasser. On n’est pas là encore avec le coronavirus, mais au besoin, j’ai un pistolet Glock 17, un Walther P22, des carabines, des fusils, une arbalète et un arc pour défendre les quatre lignes de feu de mon domaine, dit Claude Survivaliste, un des membres les plus actifs de la communauté.

Claude Survivaliste sur son domaine.

Claude Survivaliste sur son domaine

Photo : Claude Survivaliste

Certains survivalistes estiment même qu’en cas de crise, ceux qui ont accumulé des provisions pourraient devenir des cibles privilégiées.

On n’a pas une milice préparée, mais s’il y avait un bris de normalité important, on serait capable de se défendre, affirme Dave L’Ours. On a des armes, des munitions, des gilets pare-balles. Là, il y a un début de pandémie et le monde capote pour du papier de toilette. Le jour où la santé des enfants deviendra un enjeu, les gens vont tout faire pour subvenir à leurs besoins.

Extrême droite

Certains groupes vont même jusqu’à arborer une tenue militaire. C’est le cas des III %, une formation fondée en 2008 aux États-Unis, dont il existe quelques sections au Canada, dont au Québec. Associés à l’extrême droite, ses membres se considèrent comme une vigile survivaliste et comme des gardiens du territoire. Pour en faire partie, ils doivent absolument avoir un permis de possession et d'acquisition d'arme à feu.

Photo de quatre membres prenant la pose avec leurs armes.

Des membres présumés de la milice III %, lors d'un entrainement allégué en Nouvelle-Écosse.

Photo : Facebook/Tirée de la page III% Maritimes

En juin 2018, lors d’une manifestation au chemin Roxham contre l’immigration irrégulière à la frontière canado-américaine, ils étaient une dizaine de membres affectés à la sécurité de Faith Goldy, une militante de la droite nationaliste ontarienne. La plupart étaient masqués et flanqués d’habits de camouflage.

On est des civils, on s’entraîne et on fait de la survie extrême dans le bois principalement, m’avait dit Gagnon en 2018, le leader de la section de Montréal et ses environs. On fait aussi la sécurité pour des manifestations.

Selon le blogueur et vidéaste Vic Survivaliste, la philosophie prepper est d’emblée associée à la droite politique. Dans un entretien réalisé par la Fédération des Québécois de souche (Nouvelle fenêtre), un groupe d'extrême droite, il avance que la famille est à peu près la seule unité de base valable sur laquelle on peut édifier un plan survivaliste conséquent et durable. [...] La gauche n’a que le mot "droit" en bouche. Ça n’existe pas, des droits, en survivalisme, ni dans la réalité. Il n’y a pas de "droit" à la survie.

Mais le mouvement survivaliste n’est pas monolithique.

L'administratrice du groupe Survivaliste du Québec Patricia Paquette se considère plutôt comme une centriste. Il y a peut-être un peu plus de monde de la droite dans nos groupes, mais à l’image de notre société, on rejoint toutes sortes de monde, dit-elle. Au Québec, on n’est pas centrés sur nous-mêmes comme c’est le cas aux États-Unis.

La femme de la région des Laurentides est fin prête pour affronter la pandémie. Elle se félicite de voir que la crise fait aujourd’hui gonfler les rangs des groupes de survivalistes.

On essaie de surfer sur la vague, admet-elle. À l’époque, le verglas et le déluge au Saguenay ont su convaincre certaines personnes de réévaluer leurs priorités. Aux yeux de la population, les survivalistes sont passés d’individus bizarres à spécialistes en survie internationale. C’est comme si on avait été diplômés de l’université en trois jours.

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