Contrats annulés : les traiteurs s'accrochent au prêt-à-manger

En pleine crise, le groupe Je Reçois constate une hausse des commandes de plats préparés.
Photo : Radio-Canada / Alexandre DUVAL
Leur agenda était rempli jusqu'à l'été; il est maintenant complètement vide. Impuissants, les services de traiteur voient leurs contrats tomber les uns après les autres en raison de la COVID-19. Certains s'accrochent maintenant à leur seule bouée de sauvetage : le prêt-à-manger.
Événements d'entreprise, réunions de travail, congrès, soirées bénéfices : l'annulation d'innombrables rassemblements au Québec a complètement coupé les vivres des traiteurs, au moins jusqu'en mai.
Ça peut s'approcher du million de dollars [de pertes] juste pour cette période-là
, résume Alexandre Lépine, directeur général du groupe Je Reçois, l'un des plus gros traiteurs de la Capitale-Nationale.
Résultat : les cuisines du Groupe Je Reçois situées dans l'arrondissement Les Rivières, à Québec, sont désertes. En une semaine, 140 employés ont été mis à pied, faute de travail.
Un espoir dans les mets préparés
Un petit miracle s'est néanmoins produit pour sept employés, qui ont été rappelés au travail presque aussi vite qu'ils en ont été chassés. Une quinzaine d'autres pourraient avoir droit au même sort dans les prochains jours.
La raison est que le secteur des plats congelés livrés à domicile semble plus en demande que jamais.
Tout cuit dans le bec, la filiale du groupe Je Reçois qui oeuvre dans le prêt-à-manger, prépare normalement 5000 repas par semaine. Mais la production tourne actuellement autour de 10 000 repas.
Il va falloir qu'on monte à près de 20 000 dans les prochaines semaines
, anticipe M. Lépine, tellement les commandes en ligne sont nombreuses.
J'ai l'impression qu'à la suite des recommandations gouvernementales de rester à domicile, se faire livrer de la nourriture, ça devient intéressant pour les clients d'utiliser vers ce service-là
, analyse-t-il.
Cette idée fait son petit bonhomme de chemin dans la tête d'autres entrepreneurs. Le Quarante 7 vient aussi de s'y mettre, après avoir été contraint de fermer son restaurant et avoir perdu tous ses contrats de traiteur jusqu'en mai.
C'est sûr qu'à court terme, c'est inquiétant. Il faut trouver des solutions. Il faut être proactif parce que les comptes vont continuer à passer. Il y a des ententes qu'on ne peut pas annuler! Les assurances du restaurant, le loyer
, indique le copropriétaire, Yvan Ouellet.
Le Quarante 7 a donc décidé de retrousser ses manches et de créer une boîte gourmande
six services. M. Ouellet espère en vendre entre 300 et 500 par semaine, aussi longtemps que nécessaire.
C'est un volet qui peut nous permettre d'aller chercher des revenus et de gérer le temps que dure la crise
, résume-t-il.
Favoriser les commandes à emporter
Les restaurateurs qui n'ont pas de service de traiteur subissent aussi les contrecoups de la crise. Le groupe Sportscene, qui possède plus de 40 restaurants La Cage au Québec, a déjà fermé plus de la moitié de ses adresses et mis à pied 2200 employés.
Le président et chef de la direction du groupe, Jean Bédard, explique que même dans ses établissements qui demeurent ouverts, il mise sur les commandes à emporter.
On donne même un escompte au gens de 20 % [...] pour vraiment encourager la consommation à domicile.
Sauver la peau, c'est peut-être fort, mais ça nous aide à réduire l'impact financier [du coronavirus] sur notre organisation. Ça nous permet aussi de garder notre monde qui travaille.
Et l'aide fédérale?
Pour l'instant, M. Bédard n'est pas en mesure de dire si le plan d'aide dévoilé cette semaine par le gouvernement fédéral aidera le groupe Sportscene à passer à travers la crise. C'est difficile honnêtement à comprendre et à analyser.
Alexandre Lépine, du groupe Je Reçois, estime que les entrepreneurs ne peuvent pas se fier uniquement à l'aide gouvernementale.
Il faut qu'on trouve des solutions de notre côté pour réduire nos dépenses et pour essayer de passer à travers la crise. Ensuite les aides gouvernementales, ça va être un plus. Ça va nous donner un coup de main pour repartir.
Yvan Ouellet, de Quarante 7, avoue qu'il est dans l'incertitude. Il a récemment investi un demi-million de dollars dans la rénovation de son restaurant. Deux jeunes entrepreneures à qui il envisage de céder le flambeau se sont aussi jointes à la compagnie.
Elles, avec toutes les transformations qu'on venait de faire et l'évolution du chiffre d'affaires, voyaient l'avenir d'un bon œil [...] Pour elles, à court terme, de voir une partie de leurs rêves changer aussi rapidement, je pense que ça, c'est un peu triste.