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La pollution semble baisser avec la COVID-19 : est-ce une bonne nouvelle?

Une photo prise en plein jour montre des rues et des trottoirs désertés au milieu de gratte-ciel.

Plus personne ne circule dans les rues de Wuhan pendant la quarantaine.

Photo : Reuters / cnsphoto

Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

En Chine, les quarantaines de masse imposées en réaction au nouveau coronavirus ont forcé les grandes industries à suspendre leurs activités et ont notamment causé l’arrêt des transports. À l’échelle internationale, la COVID-19 provoque aussi l’interruption de liaisons aériennes. Conséquence de cette paralysie partielle : certains niveaux de pollution ont baissé. Mais quelles leçons doit-on en tirer?

L’Observatoire de la terre (Earth Observatory) de la NASA a noté en début d’année (Nouvelle fenêtre) une réduction importante des niveaux de dioxyde d’azote (NO2) en Chine – un gaz polluant toxique émis notamment par les véhicules et certaines industries. Les valeurs de NO2 dans le centre et l’est de la Chine étaient ainsi jusqu’à 30 % inférieures à celles de 2019.

Un récent article du Carbon Brief (Nouvelle fenêtre), un site basé au Royaume-Uni spécialisé dans la recherche sur le climat et l’énergie, a par ailleurs identifié une baisse des activités dans les industries clés en Chine, comme le charbon, pendant la période de quarantaine, et fait donc état d’une réduction de 25 % des émissions de CO2 dans les quatre semaines qui ont suivi la période du Nouvel An lunaire.

Il faut noter que les activités industrielles et la pollution ont tendance à baisser chaque année en Chine autour des festivités du Nouvel An. Mais les chercheurs estiment que la situation est unique cette année.

10 % de vols en moins dans le monde

Les usines reprennent généralement leur production et les travailleurs retrouvent leur emploi après le Nouvel An lunaire, cette année ça n'a pas été le cas pendant une longue période, résume Simon Evans, rédacteur en chef adjoint de Carbon Brief.

À l’échelle mondiale, le coronavirus a aussi un impact sur le transport aérien, un secteur qui contribue aux émissions polluantes. Le site OAG (Official Airline Guide) parle d’une réduction de 10 % du nombre de vols prévus dans le monde, comparativement à la deuxième semaine de mars l’an dernier.

À partir de vendredi, les vols en provenance d'Europe vers les États-Unis (excepté ceux venant du Royaume-Uni), qui font partie des liaisons les plus fréquentées sur la planète, seront également interrompus pendant au moins un mois.

Une réduction temporaire

Miriam Diamond, professeure en sciences de l’environnement à l’Université de Toronto, note que ce n’est pas la première fois qu’on voit des pics de réduction, à court terme, de la pollution de l’air.

Par exemple, il y a eu les Jeux olympiques d’Atlanta : on a restreint l’usage des véhicules. Ou pendant les Jeux olympiques de Beijing où il y a eu des mesures plus strictes qui ont été prises pour améliorer la qualité de l’air. Ce qu’on voit en ce moment n’est peut-être pas similaire, mais c’est certainement cohérent.

Pendant la récession de 2008, on a aussi vu un ralentissement des émissions, de l’utilisation de produits chimiques et de la pollution en général.

Mais ces résultats doivent vraiment être présentés comme temporaires, souligne Simon Evans.

Vue aérienne d'une usine de charbon chinoise

La consommation de charbon dans les centrales en Chine a baissé temporairement de 36 %, selon Carbon Brief

Photo : Reuters / Donald Chan

En fait, selon les plus récentes données qui nous parviennent de Chine, on commence à voir une certaine reprise des activités industrielles et de la production, même si ce n’est pas un retour à la normale, ajoute-t-il.

« 25 % de réduction pendant un mois ou deux mois, c’est certes significatif à l’échelle mondiale. Mais si on regarde l’impact dans le temps, c’est seulement quelques pour cent pour la Chine et encore moins pour le monde. Donc vraiment, la grande question c’est : comment le gouvernement chinois va répondre à ça. Et quand on pense à la crise financière mondiale par exemple, on a vu qu’après une réduction de l’activité industrielle, le gouvernement central en Chine a injecté des sommes colossales d’argent dans l’économie, pour les infrastructures, intensivement. La chute a donc été plus que compensée par un regain dans les années qui ont suivi. »

— Une citation de  Simon Evans, rédacteur en chef adjoint de Carbon Brief

Miriam Diamond s’attend aussi à un rebond des émissions, et ce récent pic à la baisse en Chine n'est en aucun cas le signe d'une tendance selon elle. Et globalement, on continue de voir la demande pour les énergies fossiles augmenter, rappelle-t-elle.

Impact sur la santé?

À court terme, la baisse de la pollution de l’air peut aussi avoir un impact positif sur la santé, mais Jill Baumgartner, épidémiologiste en environnement à l’Université McGill, pense qu’il n’y a pas lieu de se réjouir.

Il faut bien remettre les choses en perspective. L’impact du coronavirus en tant que tel sur le système de santé et les gens qui sont touchés : tout ça va avoir des conséquences beaucoup plus larges que n’importe quelle courte amélioration de la qualité de l’air.

Deux officiers masqués montent la garde devant une gare de train.

Les gares et les aéroports, fermés, sont sous la surveillance de troupes paramilitaires en Chine pendant les quarantaines.

Photo : Reuters / China Daily

Elle rappelle que les quarantaines de masses peuvent aussi avoir, en contrepartie, un impact sur la pollution intérieure.

En Chine par exemple, où il y a un taux élevé de fumeurs, chez les hommes en particulier, c’est possible que le fait de forcer tout le monde à rester à l’intérieur puisse augmenter l’exposition à la fumée et le tabac. Il y a aussi une proportion importante de la population qui utilise encore des fours à combustible solide, des poêles à bois, à l’intérieur. On est donc exposé à la pollution à l'extérieur comme à l’intérieur de chez soi.

Susciter la réflexion

Malgré tout, Miriam Diamond pense que ces données observées récemment peuvent susciter une certaine réflexion, plus large, sur nos habitudes de production et de consommation.

J’espère vraiment que la crise du coronavirus sera bientôt réglée. Mais je souhaite aussi que cette pandémie puisse avoir comme conséquence des changements à long terme, comme la baisse des voyages à l'international, plus de fabrication et de production à l’échelle locale, l’amélioration de nos économies locales, manifeste-t-elle.

« On pointe du doigt la Chine pour l’ampleur de ses émissions, mais il ne faut pas oublier que la Chine est l’atelier du monde, on importe tellement de la Chine, on en dépend sérieusement pour l’économie mondiale. Une crise comme ça, ça montre le besoin de réduire notre consommation. »

— Une citation de  Miriam Diamond, professeure en sciences de l’environnement à l’Université de Toronto
Un travailleur vêtu d'équipement de protection répand du désinfectant devant un tableau d'indices boursiers.

Des crises comme celle du coronavirus pourraient nous amener à repenser nos habitudes de consommation et de transport à plus long terme.

Photo : Reuters / Aly Song

Et on voit en ce moment que nos agences publiques, gouvernements, organismes internationaux sont capables d’une réponse coordonnée et efficace. C’est de ça qu’on aurait besoin pour les changements climatiques aussi. On en parle souvent comme un enjeu environnemental, mais c’est un enjeu de durabilité, de viabilité de la société. La COVID-19 est un enjeu de santé humaine, mais on parle aussi beaucoup de son impact sur l’économie, et j’aimerais voir le même type de discussion autour des changements climatiques, conclut-elle.

Les bénéfices les plus considérables viennent des réductions soutenues, à long terme, de la pollution de l’air, et c’est vraiment là-dessus que les politiques devraient se concentrer – pas le genre de courtes réductions de deux semaines ou deux mois, renchérit Jill Baumgartner.

Simon Evans estime que crise climatique et crise du coronavirus sont, de nature, différentes et qu'il n'est pas évident d'établir un parallèle entre la réponse des gouvernements dans les deux cas. Il propose une analogie.

Les changements climatiques, c’est un peu comme le diabète : c’est plus comme une maladie chronique et ça fait en sorte que c’est plus difficile, psychologiquement, de s’y attaquer. Mais le coronavirus c’est un peu comme un appel au 911, et ça fait donc appel à une tout autre sorte de réaction.

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