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Environ 20 000 Autochtones n'ont toujours pas accès à de l'eau potable

Une petite fille dans une cuisine où on voit très bien le fameux bidon bleu qui contient 18 litres d'eau.

Quand des avis à long terme sont en vigueur dans une communauté, on doit faire bouillir son eau avant de la consommer ou se rabattre sur l’eau embouteillée.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Dans son bilan de février, Ottawa fait état de 61 avis à long terme qui indiquent aux communautés autochtones de ne pas consommer l’eau du réseau public d’aqueduc. Si c’est 44 de moins qu’à l’arrivée des libéraux au pouvoir en 2015, il n’en demeure pas moins que le problème de l’eau potable est loin d’être endigué au Canada.

L’objectif du gouvernement Trudeau est ambitieux et capte l’attention : lever tous les avis à long terme concernant l’eau potable dans les communautés autochtones d’ici 2021, grâce à un investissement de 2 milliards de dollars. La promesse a été répétée maintes fois durant les campagnes électorales de 2015 et de 2019, mais le sujet, lui, revient périodiquement à la Chambre des communes depuis des décennies.

Le mois dernier, donc, deux avis à court terme ont été levés et trois avis à long terme ont été ajoutés, indique Service aux Autochtones Canada, dont le ministre, Marc Miller, rappelle sa détermination à en finir avec les « avis à long terme sur l’eau potable dans les réserves d’ici le printemps 2021 ».

L'abc de l'avis

Les avis concernant la qualité de l'eau potable passent du court au long terme quand ils sont en vigueur depuis plus d’un an. Les avis à court terme peuvent être émis en raison de la rupture d'une conduite ou d'une panne d'équipement, par exemple. Mais bien souvent, les problèmes qui rendent l’eau impropre à la consommation sont plus profonds. Les avis d'ébullition sont les plus courants, mais il existe aussi des avis de non-consommation, émis dans les situations où l'ébullition ne permet pas de remédier au danger. Dans de nombreuses communautés, les avis sont en vigueur depuis de nombreuses années, sans que l'on puisse y remédier. L'avis le plus ancien en vigueur vise la Première nation Neskantaga, dans le nord de l'Ontario, et date de 1995.

Selon nos calculs, les avis à long terme en vigueur touchent environ 20 000 personnes qui vivent dans 40 communautés, situées en grande majorité en Ontario.

De nombreux projets de construction ou de modernisation d’usines de traitement des eaux sont en cours dans plusieurs de ces communautés grâce aux fonds débloqués par Ottawa.

Mais le problème est plus vaste que celui des réseaux d’aqueducs, car dans les communautés autochtones, les gens s’alimentent bien souvent en eau par l’entremise d’un puits, qui peut être contaminé de multiples façons. Surtout, ces cas ne sont pas comptabilisés par Ottawa, qui ne s’intéresse qu’aux réseaux d’aqueducs.

La menace des changements climatiques

En plus des contaminations connues comme celle au manganèse ou celle au fer, les changements climatiques posent aussi leur lot de problèmes en matière d’eau potable.

Nos recherches ont montré que les événements météorologiques à fort impact sont associés à une augmentation des bactéries dans les sources d'eau potable, explique Sherilee Harper, une professeure agrégée à l’École de santé publique de l’Université de l’Alberta qui a mené de nombreuses recherches sur la santé des Autochtones.

Les fortes pluies et la fonte rapide des neiges sont deux exemples de ce type d’événements météorologiques qui peuvent entraîner une telle contamination.

Nos recherches montrent qu'après ces événements, le taux de visites en clinique pour des maladies transmises par l’eau augmente considérablement, poursuit la chercheuse.

Mme Harper précise que tous les pronostics liés aux changements climatiques établissent que ces événements météorologiques se multiplieront dans l’avenir, ce qui accroît encore le risque de maladies transmises par l’eau.

Évidemment, les changements climatiques vont avoir un impact sur la qualité de l'eau potable dans toutes les communautés– et pas seulement chez les Autochtones. Mais comme de nombreuses communautés autochtones connaissent déjà des difficultés liées aux usines de traitement des eaux, elles sont plus exposées aux augmentations des agents pathogènes d'origine hydrique liées au climat, explique Sherilee Harper.

Et la professeure insiste sur un point : la science démontre clairement l'importance d'un traitement de l'eau potable de haute qualité pour réduire les effets des changements climatiques sur les maladies d'origine hydrique.

L’importance de la formation

Le traitement des eaux, Deon Hassler en fait justement son affaire. Originaire de la Première Nation Carry the Kettle, en Saskatchewan, ce vétéran des Forces armées canadiennes a longtemps été l’opérateur du système d’approvisionnement en eau de sa communauté.

Depuis maintenant sept ans, il est devenu formateur. Onze communautés sous sa responsabilité. L’an dernier, il a même reçu le prix national du leadership des Premières Nations en matière d’eau remis par Services Autochtones Canada.

Son travail consiste à se rendre dans les différentes usines de traitement des eaux. Je rencontre les opérateurs, je les aide de différentes façons : formation en classe en prévision de leurs examens, formations sur l’entretien des équipements, sur le traitement de l'eau, sur la distribution, sur la collecte des eaux usées, sur la distribution des eaux usées, raconte-t-il.

Chacune des 11 communautés de la Saskatchewan dont s’occupe M. Hassler a mis sur un pied un projet de modernisation de son usine de traitement des eaux financé par le fédéral grâce aux fonds investis dans le but de lever les avis à long terme.

C'est une bonne chose, il y a beaucoup d’efforts pour que les usines soient mises à jour. Si nous avions un autre gouvernement, nous serions un peu en retard, croit-il.

Mais reste que le travail est titanesque et que le formateur étoile constate que tout n’est pas parfait.

Beaucoup d’opérateurs n’ont pas de diplôme secondaire et ça peut poser problème lors de leur formation, dit-il. Parfois aussi, les chefs et les conseils prennent des décisions dans le domaine de l'eau, mais sont-ils vraiment formés pour prendre les bonnes décisions concernant les systèmes dont ils ont besoin?

Deon Hassler évoque donc des problèmes qui nécessiteront encore beaucoup de travail. Il y a souvent un manque de communication entre les opérateurs et les conseils, conclut-il.

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