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Le programme fédéral d'échange de seringues est-il inconstitutionnel?

Un homme tient les barreaux d'une cellule de prison.

Des défenseurs de prisonniers soutiennent que le programme fédéral d'échange de seringues viole leurs droits.

Photo : Shutterstock

Jean-Philippe Nadeau (Trois-Rivières)
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Des groupes de défense des prisonniers et de personnes vivant avec l'hépatite ou le VIH affirment devant les tribunaux que le programme fédéral d'échange de seringues en détention est inconstitutionnel. Selon eux, le programme est un frein à la santé des toxicomanes en prison.

Leurs avocats soutiennent que le fait d'empêcher des toxicomanes d'avoir accès à des aiguilles stériles en prison enfreint leurs droits inscrits à la charte et les expose à des risques d'infection graves.

En vertu de ce programme, un détenu incarcéré dans un pénitencier peut, s'il en fait la demande, recevoir une seringue dont il serait responsable sous certaines conditions.

Steven Simons, qui a été infecté par le virus de l'hépatite C durant sa détention dans un pénitencier du pays, est à l'origine de ce recours constitutionnel.

À 50 ans, il milite depuis sa sortie de prison pour que ses anciens co-détenus toxicomanes puissent avoir accès en tout temps à des seringues propres, parce que le programme actuel comporte selon lui de nombreuses failles.

On voit Steve Simons au tribunal.

Steven Simons à sa sortie du tribunal vendredi après l'audition de sa cause.

Photo : La Presse canadienne / Colin Perkel

Les avocats de M. Simons demandent que cette initiative soit carrément supprimée, à défaut de l'améliorer, parce qu'elle viole les articles 7 et 15 de la Charte relativement à la sécurité de la personne et à la discrimination contre certains groupes de la société.

Ils rappellent premièrement que l'accès à des seringues propres est un droit essentiel en matière de santé publique et que des aiguilles souillées mettent en danger la vie des toxicomanes en détention.

Les avocats font ensuite valoir que les prisonniers appartiennent à la communauté et qu'ils devraient avoir les mêmes droits que les toxicomanes dans la société, puisque ces derniers ont accès à des dispensaires sécuritaires pour s'injecter des drogues ou, à tout le moins, se procurer des seringues propres auprès des intervenants de la santé.

Un détenu regarde par une fenêtre avec des barreaux dans une prison.

Les plaignants disent qu'un accès à des seringues stériles permettra de réduire la propagation du VIH et de l'hépatite C dans les prisons.

Photo : Getty Images / Peter Macdiarmid

Ils soulignent d'ailleurs que les seringues propres devraient être données par des médecins ou des infirmières et non des gardiens de prison. Selon eux, le gouvernement fédéral a l'obligation de promouvoir des pratiques de santé publique sécuritaires dans les pénitenciers.

L'accès actuel au programme n'est pas par ailleurs confidentiel, ce qui dissuade les prisonniers d'y adhérer dans les pénitenciers où il a été implanté.

Un groupe de personnes tenant une bannière et des pancartes.

Des manifestants étaient venus appuyer M. Simons dans son recours en novembre dernier devant la Cour supérieure de l'Ontario à Toronto.

Photo : Radio-Canada / Myriam Eddahia

La directrice de recherches Sandra Ka Hon Chu, qui représente le Réseau juridique canadien VIH/sida dans cette cause, affirme que l'anonymat devrait être une composante essentielle de ce programme.

« À l'heure actuelle, les toxicomanes fabriquent des seringues à partir de stylos et ils se les partagent à plusieurs entre eux, parce qu'on ne leur offre pas de seringues stériles pour leur usage individuel. »

— Une citation de  Sandra Ka Hon Chu, Réseau juridique canadien VIH/sida

M. Simons ajoute que le programme d'échange doit absolument être confidentiel.Les détenus n'y participent pas, parce que leur toxicomanie sera connue de tous et leur consommation de drogue par intraveineuse pourrait se retourner contre eux lorsque viendra leur audience sur la libération conditionnelle, précise-t-il à la sortie du tribunal.

Le pénitencier de Donnacona

Le pénitencier de Donnacona au Québec.

Photo : Radio-Canada / Radio-Canada/Marc-Antoine Lavoie

Les avocats du gouvernement affirment que l'usage de seringues en détention représente une menace à la sécurité des détenus et du personnel carcéral, parce qu’elles peuvent être utilisées comme une arme.

Ils ajoutent que le programme est en voie d'être implanté dans tous les pénitenciers après le lancement de sa version pilote en 2018.

Les intervenants répliquent toutefois qu'il ne sert à rien d'étendre à d'autres institutions au pays une mesure qui ne fonctionne tout simplement pas.

Le juge Edward Belobaba de la Cour supérieure de l'Ontario rendra son jugement à la fin avril. S'il estime que le programme est anticonstitutionnel, le gouvernement fédéral devra le modifier ou alors porter la décision du magistrat en appel.

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