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Existe-t-il toujours un exode des jeunes des régions éloignées?

Bagages posées sur le sol.

Les jeunes quittent-ils encore les régions pour s'établir dans les grands centres?

Photo : Radio-Canada

Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Le Québec, au début des années 2000, a vu les régions éloignées se vider de ses jeunes. Depuis, de nombreuses mesures ont été mises en place pour contrer l’exode. Analyse comparative des années 2000 à aujourd’hui.

Après des décennies d’exode rural, les régions éloignées ont de plus en plus la cote auprès des jeunes de 15 à 29 ans.

En conséquence, dans les régions éloignées, soit la Côte-Nord, la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, le Bas-Saint-Laurent, le Saguenay–Lac-Saint-Jean et l’Abitibi-Témiscamingue, le déficit entre le nombre de départs et d’entrées est moins important que dans les années 2000.

Or, ces régions éloignées enregistrent toujours des départs parmi les plus importants. Elles se distinguent aussi par leur faible capacité à attirer des jeunes des autres régions pour compenser les sorties.

Mais, de manière générale, les données sur la migration interrégionale diffusées par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) montrent une baisse de la mobilité chez les jeunes Québécois.

Les jeunes seraient moins enclins à quitter leur région d’origine qu’auparavant. Puis, ceux qui partent auraient plus tendance à y revenir, selon la démographe Martine St-Amour, de l'Institut de la statistique du Québec.

« Il existe clairement une amélioration de la situation lorsqu’on regarde le bilan migratoire de ces régions chez les jeunes adultes. »

— Une citation de  Martine St-Amour, démographe ISQ

L’Abitibi-Témiscamingue s’en sort gagnante en fait de rétention des jeunes dans la région. La Côte-Nord, quant à elle, affiche une moins bonne capacité de rétention des jeunes avec un taux élevé de sortie. De son côté, la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine enregistre des pertes importantes chez les 15-24 ans, mais elle s’en sort mieux que les autres pour ce qui est des 25-29 ans.

Au Bas-Saint-Laurent, les pertes nettes se situent autour de 2 % [exprimés en proportion de la population]. Si l’on regarde au début des années 2000, les pertes affichaient un taux de 6 à 7 %. La diminution des pertes est majeure, malgré la situation toujours déficitaire, indique Martine St-Amour.

Pourquoi les pertes sont-elles réduites? Le constat est simple : les jeunes quittent moins les régions qu’avant.

Par contre, ce qu’il faut garder en tête, c’est que dans les années 2000, on a perdu énormément de jeunes en région. Maintenant ça va mieux, mais on est loin de combler tout l’exode rural qu’on a vécu durant les 20 dernières années, souligne le directeur de Place aux jeunes en région, Frédéric Raymond.

Un homme face à un micro des écouteurs aux oreilles.

Jonathan Laterreur, président de la Chambre de commerce Rimouski-Neigette (archives)

Photo : Jean-Pierre Perouma

La question qu’il faut maintenant se poser, dit Jonathan Laterreur, directeur de la Chambre de commerce Rimouski-Neigette, est pourquoi les jeunes quittent encore les régions?

Selon les hypothèses de l’Institut de la statistique du Québec et celles du directeur de l’organisme Place aux jeunes en région, le nerf de la guerre serait l’offre de programmes d’études moins variée en région que dans les grands centres.

Les 15-19

C’est au Bas-Saint-Laurent, en Côte-Nord et en Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine que le nombre de jeunes enregistre le déficit le plus important dans cette tranche d’âge.

Ça peut s’expliquer par toutes sortes de raisons, mais on peut penser à un goût de l’aventure, de changer d’air. Les jeunes ont parfois envie de voir autre chose et de vivre l’effervescence de la ville, commente le directeur de l’organisme Place aux jeunes en région.

Laurence Marquis, copropriétaire du Capitaine homard, à Sainte-Flavie, explique son départ du Bas-Saint-Laurent par le manque de programmes d’études à Rimouski. Elle décide alors de faire le saut à Montréal à 19 ans pour étudier dans un programme de mode, puis de marketing. Laurence Marquis y a habité durant quelques années, puisque les perspectives de travail abondaient.

Désormais âgée de 26 ans, Laurence Marquis fait partie des jeunes de 25-29 ans qui reviennent habiter la région. Je suis revenue quand mon projet d’entreprise a commencé. C’est plus facile pour moi de starter ma business ici qu’à Montréal, même s’il y a plus de possibilités de développement, ici, il y a moins de concurrence.

Deux jeunes entrepreneurs posent devant le restaurant Capitaine homard.

Nicolas Horth et Laurence Marquis, copropriétaires de Capitaine homard (archives)

Photo : Radio-Canada / Jean-Luc Blanchet

La copropriétaire du Capitaine homard apprécie toujours autant Montréal. Ce que j’aimais, c’était de pouvoir sortir un lundi soir et essayer un nouveau restaurant. Ici, c’est plus tranquille.

Toutefois, l’appel de l’espace, de la nature, de la qualité de vie, et surtout, un projet entrepreneurial l’ont ramenée à Rimouski. Je pense qu’au profond de moi-même, je savais que j’allais revenir ici. Je ne savais juste pas quand. Écoute, l’opportunité est arrivée plus vite que prévu.

Le directeur de la Chambre de commerce de Rimouski-Neigette (CCRN), Jonathan Laterreur, abonde en ce sens. Il confirme que le travail est un incitatif pour les jeunes de revenir ou de migrer en région. Il suffit que les entreprises répondent aux besoins des jeunes.

Les 20-24

La situation demeure déficitaire, spécialement pour les jeunes de 20 à 24 ans, parmi lesquels les pertes se concentrent.

Pour comprendre ce déficit, l’hypothèse la plus plausible serait que les jeunes quittent la région pour des perspectives d’emploi ou pour faire des études universitaires, indique la démographe Martine St-Amour.

Ça va aller avec la diversité de programme. Ce ne sont pas tous les programmes qui sont disponibles en région, donc les jeunes partent s’ils veulent étudier dans un domaine spécifique, décrit le directeur de Place aux jeunes en région.

Alice Ricard est étudiante à la maîtrise en orthopédagogie à l’Université de Montréal. Elle s’est installée en ville après ses études à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. L’UQAT n’offrait pas le programme dans lequel je voulais étudier. Puis j’avais envie de connaître d’autres visions de l’enseignement, d’autres façons de faire.

Alice Ricard aime sa vie d’étudiante à Montréal, mais son cœur est en région. Tous mes amis sont restés, revenus ou désirent revenir. Moi, étant donné la pénurie d’enseignants, je peux aller un peu partout, mais je décide quand même de revenir en Abitibi-Témiscamingue.

Une jeune femme sourit sur un banc de parc.

Alice Ricard a choisi de revenir en Abitibi-Témiscamingue après ses études.

Photo : gracieuseté

Par ailleurs, dans cette catégorie d’âge, l’Abitibi-Témiscamingue affiche une perte de ses jeunes un peu moins élevée que les autres régions éloignées.

L’Abitibi-Témiscamingue a un système migratoire propre à elle-même. C’est une région qui est très éloignée de Montréal, alors que les autres régions sont un peu plus proches d’un autre grand centre, soit Québec. C’est ce qui explique peut-être entre autres pourquoi les jeunes restent dans la région, mentionne Martine St-Amour.

Quant à elles, les régions de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine et du Saguenay–Lac-Saint-Jean traînent de la patte.

Mais il faut savoir qu’au Saguenay, ça s’est amélioré. Autrefois, la région était beaucoup associée à l’image d’un autobus par semaine rempli de jeunes qui quittaient la région. Maintenant, on n’est plus du tout dans cette situation-là, les jeunes y restent plus, dit Martine St-Amour en s’esclaffant.

Or, ce n’est pas le cas pour cette jeune femme originaire du Lac-Saint-Jean.

Lauraine Villeneuve-Fortin révèle qu’une fois au cégep, elle a choisi un programme de sciences humaines profil psychologie comme toutes ses amies. Déjà, elle note le manque de choix de programmes d’études. Pour ses études universitaires, elle quitte la région pour Trois-Rivières, où elle réalise qu’elle n’a pas choisi le bon champ d’études.

Une jeune femme sourit à la caméra lors d'une séance photo.

Pour Lauraine Villeneuve-Fortin, il est clair qu'elle ne retournera pas s'établir au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Photo : gracieuseté

Je me suis laissée mener par le fait qu’ici, au Lac, il n’y a pas de demande pour d’autres métiers que par exemple la psychologie ou l’éducation. Une fois à Trois-Rivières, alors qu’elle est déjà loin de sa famille, elle décide de partir à Montréal pour suivre ses vrais rêves.

Planifie-t-elle revenir? C’est un non catégorique. Montréal offre une diversité d’activités, de mentalités, d’emplois, dit-elle. Même si j’avais un emploi en région, je refuserais. Il manque de développement en région, de nouveauté, de ressources.

Il y a en effet un dynamisme plus modéré, ce qui peut ne pas plaire à tout le monde, renchérit le directeur de Place aux jeunes en région. Mais le problème, c’est qu’on arrive mal à faire connaître les opportunités en région, indique-t-il.

Selon Jonathan Laterreur, ce dynamisme est le résultat d’une compétition déloyale avec les grands centres. Le gouvernement investit massivement dans les grands centres, mais si les entreprises recevaient un peu plus d’argent, les régions iraient mieux, ajoute-t-il.

Les 25-29 ans

L’âge moyen de retour en région des jeunes se situe entre 25 et 29 ans, selon Frédéric Raymond. Un des facteurs qui expliquerait ce gain d’intérêt envers les régions est notamment le travail. Si on veut se partir une entreprise ou en reprendre une, parfois, c’est plus facile en région.

Or, la situation n’est pas parfaite, selon Jonathan Laterreur, directeur de la Chambre de commerce de Rimouski-Neigette.

Il observe un changement chez les jeunes lorsque ceux-ci choisissent un travail. Les jeunes veulent un emploi selon notamment les conditions et la personnalisation du travail, d'après Jonathan Laterreur. Il remarque qu’ils sont attirés vers les nouvelles technologies. Et dans les grands centres, le directeur de la Chambre de commerce souligne qu’il y aurait un souci plus marqué en ce qui a trait à l’intégration des nouvelles technologies en entreprise.

C’est à travers ces technologies-là que les entreprises vont réussir à se démarquer et aussi à attirer de jeunes employés et de potentiels repreneurs, dit-il.

« Il nous faut l’appui financier pour veiller à ce qu’on reste dans la course et pour qu’on soit intéressant pour de jeunes familles au niveau du travail. »

— Une citation de  Jonathan Laterreur, directeur de la CCRN

La Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine est la grande gagnante dans cette tranche d’âge. Elle réussit à accueillir plus de jeunes qu’elle n'en perd.

On remarque qu’à l’âge de fonder une famille, les jeunes ont envie de se rapprocher de leurs racines et de leur propre famille. Ils ont plus envie d’espace et de tranquillité. Les maisons coûtent aussi moins cher en région, ajoute le directeur de Place aux jeunes en région.

Il indique que ses agents de migration observent un nouveau phénomène. Des jeunes de ces âges-là qui proviennent des grands centres ont envie de venir s’installer en région après leurs études.

La démographe Martine St-Amour rappelle que le phénomène des migrations des jeunes n'est pas un phénomène nouveau ni un phénomène à craindre.

Elle mentionne qu'il existe des migrations interrégionales partout ailleurs et que ces migrations participent notamment à l'évolution des jeunes.

Ce qui est plus inquiétant, c'est lorsqu'il y a plus de sorties que d'entrées.

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