Il y a 55 ans, un Grand Prix automobile sur les plaines d’Abraham

Deux pilotes négocient un virage pendant le Grand Prix Esso des Plaines d'Abraham en 1972.
Photo : Jean Benoît
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Pour la première fois de son histoire, le Carnaval de Québec présentait une course d’autos sur glace directement sur les plaines d’Abraham, le 14 février 1965. Une véritable histoire d'amour naît ce jour-là entre Québec et son Grand Prix. Elle va durer plusieurs décennies. Et connaître bien des rebondissements.
Cette populaire course automobile s’appelle d’abord le Grand Prix Esso. Elle est disputée sur une piste glacée faisant près de deux kilomètres, qui couvre la zone comprise entre le jardin Jeanne-d’Arc et l’arrière du manège militaire.
Les spectateurs profitent de gradins naturels, ceux-là mêmes qui font la joie des habitués du Festival d’été de Québec aujourd’hui.

L'émission «L'Univers des sports» diffuse le Grand Prix pour la première fois en 1965. Pour l'édition suivante, huit caméras sont postées tout le long du circuit pour capter la course.
Photo : Archives Ville de Québec
La première édition, devant une foule évaluée à 25 000 personnes, est entièrement diffusée par Radio-Canada, ce qui permet à tout le pays d’en profiter!
Des débuts prometteurs
Les nombreux amateurs venus assister sur place au premier Grand Prix Esso ont droit à un froid sibérien. Mais le spectacle en vaut la peine. C’est un vrai feu roulant! Sur 24 voitures inscrites, 6 sont disqualifiées. La foule est si enthousiaste que les forces de l’ordre peinent à la garder hors de la piste.
Chauffée par les pneus et la vitesse, la glace finit par manquer, forçant l’annulation d’une épreuve. Peu importe! Cette première édition est considérée comme un succès sur toute la ligne. Certains se mettent même à rêver : pourquoi ne pas tenir un Grand Prix comme celui de Monaco à Québec?
Des pilotes célèbres
Le Grand Prix Esso attire rapidement la crème des pilotes, dont le célèbre chroniqueur automobile Jacques Duval. C’est lui qui remporte l’édition de 1968, au volant de sa Porsche 911.
Plus d’un demi-siècle après les événements, il garde un souvenir amusé des bousculades entre voitures et des méthodes pas toujours catholiques
des pilotes.
« Un de mes trucs, c’était de partir en deuxième vitesse plutôt qu’en première, pour garder de l’adhérence. On pouvait aussi s’appuyer contre les autres voitures pour les faire sortir de piste »
Les conséquences étaient minimes, rappelle-t-il, avant de décrire le vol plané spectaculaire d’un pilote au volant de sa Mini Cooper, cette année-là.
Minimes pour les pilotes, peut-être. Mais sûrement pas pour les voitures.
Pierrette Walsh, elle, conserve deux boîtes remplies de coupures de presse et de photos de l’époque, où son mari remportait le Grands Prix. Ce sera le cas à trois reprises dans les années 1970.
Yvon Walsh, sympathique pilote de la région, faisait la joie des journalistes et des fans. Sa femme reste marquée par l’ambiance euphorique et les paddocks du temps, grouillants de passionnés.
Si on n’était pas mordu des courses en arrivant, c’est sûr qu’on l’était en repartant
, illustre-t-elle.
Les courses sur glace étaient ses préférées. Elles étaient plus divertissantes que dangereuses.
« Les pilotes semblaient toujours sortir d’un nuage, même après les pires carambolages. »
Le souvenir qu'elle garde des courses? Un gros nuage de neige! Souvent, les pilotes en soulevaient tellement qu’on passait plusieurs secondes avant de comprendre ce qui venait d’arriver!
Une pause et de nouveaux sites
En 1977, le Grand Prix Esso effectue son dernier tour de piste sur les Plaines d’Abraham. La Commission des champs de bataille nationaux, qui gère le site, refuse de poursuivre l’aventure.
L’événement est encore populaire, mais plusieurs pilotes sont hésitants pour l'avenir. Les coûts d’entretien des voitures ont grimpé plus vite que le montant des bourses remises aux gagnants, et en 1977, les 6000 $ en jeu ne semblent pas faire le poids.
Puis Esso, le principal commanditaire, quitte le navire.
L’événement changera plusieurs fois de nom par la suite. Après une pause de plusieurs années, les organisateurs tentent un retour au Bassin Louise, dans le port de Québec, en 1984. Puis on dispute la course sur la rivière Saint-Charles jusqu’en 1995.
Mais de l’avis de plusieurs, le Grand Prix du Carnaval n’a jamais retrouvé le souffle de ses débuts, quand on disputait l’épreuve sur les plaines d’Abraham. C’était un site vraiment magique
, conclut Pierrette Walsh.
En 2020, personne ne songerait à organiser une course de voitures sur le vénérable champ de batailles. C’était vraiment une autre époque. Mais le site, lui, demeure toujours aussi magique. Certaines choses ne changent pas.