Une première grève anticipée des enseignants franco-ontariens en plus de 20 ans

En 1997, les membres de l'AEFO manifestaient contre les réformes du gouvernement de Mike Harris.
Photo : Fournie par l'AEFO
L’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO) s’apprête à faire une grève générale d'un jour le 13 février, plus de 20 ans après le mouvement de protestation de 1997.
À partir du 27 octobre 1997, environ 6000 membres de l'AEFO ont manifesté contre les réformes en éducation du gouvernement de Mike Harris.
Tous les syndicats d’enseignants, ce qui représentait 126 000 enseignants des écoles publiques et catholiques, anglophones et francophones, avaient déclenché une grève à l'échelle de la province.
Il s'agissait de la plus grande mobilisation syndicale des enseignants de l'histoire en Amérique du Nord.
Ça revient aux enseignants et aux enseignantes d'être la dernière ligne de défense [pour protéger l'avenir de l'éducation publique en Ontario]. C'est ce qu'on fait en ce moment et c'est ce qu'on a fait en 1997.
Ils étaient contre la loi 160, qui a complètement réformé le système d’éducation depuis.
Ces coupes dans le secteur de l'éducation sont estimées à des centaines de millions de dollars.
Le gouvernement Harris voulait complètement reprendre le contrôle de l'éducation en le centralisant
, dit le professeur en relations industrielles à l'Université Laurentienne, Louis Durand.
Selon lui, le pouvoir de décision des conseils scolaires a été diminué au profit du ministère de l'Éducation.
Rémi Sabourin travaille dans l'enseignement depuis 1992. Il y a 23 ans, il était professeur à l'école élémentaire catholique René-Lamoureux.
Il a participé au débrayage devant l'école où il enseignait, mais aussi devant Queen's Park.
Neuf jours sans salaire. [...] C'était difficile, mais on était prêts et solidaires.
L'ancien président de l'unité locale du conseil scolaire de langue française d'Ottawa-Carleton, Alain Lamoureux, se rappelle aussi des deux semaines intenses
qu'il a vécues. On se bat depuis toujours et on continue à se battre
, lance-t-il.
Selon M. Sabourin, le ton du gouvernement Harris et Ford se ressemble : réduire les ressources aux élèves et aux enseignants à travers la province, en augmentant la taille des classes, notamment.
C'est un peu du déjà vu pour les enseignants qui étaient là [en 1997]. [...] C'est un gouvernement conservateur, le gouvernement Ford [qui nous a poussés vers cette grève], ça c'est certain.
Ce qui a été perdu par l'AEFO en 1997
, croit Louis Durand, c'est le droit de parole, la possibilité de négocier leur propre travail
.
L'atmosphère était pourrie. [...] Le retour [au travail] a été pénible pour plusieurs qui auraient voulu maintenir la pression.
Une profession « salie » par le gouvernement Harris
Selon Alain Lamoureux, les enseignants n'avaient plus d'importance, n'étaient pas respectés
pendant les années Harris.
M. Sabourin avoue également que pendant plusieurs années après les années Harris, je ne m'affichais pas comme étant un enseignant. Les attaques du gouvernement étaient tellement virulentes et ça l'a pris des années avant que notre profession retrouve ses lettres de noblesse avec le public
.
Le gouvernement faisait tout en son pouvoir pour dénigrer les enseignants et la profession. On s'est senti vraiment attaqué par ce gouvernement [Harris].
Les mesures de Mike Harris étaient terriblement dévalorisantes pour les enseignants parce qu'on leur dictait de quelle façon les choses devaient être faites et quels étaient les paramètres, que ce soit le nombre d'élèves [ou] le temps accordé [à la préparation des cours]. Tout était déterminé par le ministère de l'Éducation, ce qui était quand même nouveau pour ce secteur,
explique M. Durand.
Après deux semaines de débrayage, les protestataires ont repris le travail sans avoir réussi à faire fléchir le gouvernement de Mike Harris. Une période difficile pour les membres
du syndicat, selon Alain Lamoureux.
Un sentiment de fierté
Malgré les tensions avec le gouvernement, l'atmosphère au sein des troupes était excellente
, se souvient Rémi Sabourin.
On a réussi à garder [une belle] solidarité malgré les coups bas du gouvernement
, dit-il.
C'est important de continuer de nourrir la fierté et la solidarité entre les membres. C'est ce qui est le plus difficile sur les lignes de piquetage parce que souvent on se demande si ça vaut la peine, pourquoi je me bats aujourd'hui
, ajoute M. Sabourin.
Il explique que ces grèves demandent des sacrifices aux membres pour des gains à long terme.
La cause c'est de savoir qu'on se bat pour nos élèves. [...] 20 ans après, le seul mot qui me vient c'est la fierté de s'être levé haut et fort pour défendre ce que nous croyons.
Extrait de l'Infofax du... by Radio-Canada on Scribd
« Plus qu'un mouvement syndical »
Le président de l'AEFO croit que la grève du 13 février sera une réussite même si c'est un énorme sacrifice pour les enseignants et les parents franco-ontariens
.
On est tous sortis, les Franco-Ontariens, le 1er décembre 2018, dans les rues pour défendre les attaques du gouvernement par rapport à l'Université de l'Ontario français et le commissariat et bien là, c'est l'éducation élémentaire et secondaire qui est attaquée par le gouvernement. C'est plus qu'un mouvement syndical, c'est maintenant un mouvement social.
L'AEFO représente désormais 12 000 membres.
À moins que la médiation ne permette de dénouer l'impasse dans les négociations, une journée de grève générale est prévue le jeudi 13 février à l'échelle de la province puis toutes les semaines, tant que le conflit de travail avec le gouvernement Ford ne sera pas résolu.
Selon le président de l’AEFO, Rémi Sabourin, il s'agit de la première fois depuis la création des conseils scolaires francophones, en 1997, que le syndicat déclenche un mouvement de grève d’une telle envergure.