Marjorie Beaucage : La guerrière arc-en-ciel

La cinéaste métisse Marjorie Beaucage
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
« Je vois le gros portrait tout le temps. Je suis dans l’action sociale. » Depuis ses débuts, la cinéaste métisse de Duck Lake garde les plus marginalisés au centre de son champ de vision. Qu’ils soient autochtones, métis ou de la communauté LGBTQ, Marjorie Beaucage capte leurs images et leurs histoires pour les mettre en lumière mais aussi pour qu’ils se voient et se redécouvrent.
C’est sous un ciel nuageux que je donne rendez-vous à Marjorie Beaucage sur le site du pow-wow de la Première Nation de Beardy’s and Okemasis située au nord de Saskatoon. Un rassemblement historique, car pour la première fois un pow-wow sur une réserve est destiné aux personnes bispirituelles, c’est-à-dire les Autochtones issus de la communauté LGBTQ. Le site du pow-wow est presque dans la cours arrière de Marjorie, car il touche l’extrémité du village métis de Duck Lake où elle habite depuis 10 ans.
Pour retrouver Marjorie, on m’a conseillé de chercher une femme aux long cheveux blancs, entourée de gens. Une force d’attraction qui vient de ses nombreuses relations et de son profond engagement envers les plus vulnérables de la société.
Quand je l’aperçois, elle est souriante et en pleine discussion, toute emmitouflée dans sa couverture cérémoniale bleu poudre. Pour Marjorie, ce pow-wow est une création au même titre qu’un de ses nombreux documentaires ou films. C’est aussi l’aboutissement de plusieurs années de travail comme aînée bispirituelle de OUTSaskatoon, l’organisme partenaire du pow-wow.
On a même formé l’annonceur du pow-wow dans la neutralité des genres. Les catégories de danses ne seront pas présentées sur la base des genres, mais plutôt selon les intérêts des danseurs.
D’emblée, Marjorie m’annonce qu’elle n’est pas forte sur les étiquettes. Aînée, cinéaste, artiste bispirituelle… ces termes l’importent peu. Toutefois, dans l’univers des arts médiatiques autochtones au Canada, elle est très respectée. À l’automne 2018, ImagineNATIVE, le plus grand festival de film autochtone au monde, lui a rendu hommage avec une rétrospective de ses oeuvres à Toronto.
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C’est une pionnière qui milite depuis plus de 30 ans afin de faire rayonner les histoires et la vision autochtones dans les arts médiatiques au pays. En 1992, elle participe à la fondation du Aboriginal Film and Video Art Alliance et passera les trois prochaines années à créer des espaces de créations autochtones au centre des arts de Banff.
Quand on a commencé ça, on n'avait aucune place dans les médias et on n'avait pas accès aux systèmes de production. On est une tradition orale et c’est comme ça qu’on crée des relations en partageant nos histoires.
Pour trouver ses sujets de documentaires, l’artiste originaire de Vassar au Manitoba n’a jamais cherché bien loin. En fait, les sujets viennent à elle, car Marjorie est toujours dans le feu de l’action sociale. L’artiste, qui favorise la collaboration et le mentorat, a passé un an avec les Innus du Labrador pour les former en vidéo afin qu’ils documentent leurs traditions et l’impact d’un important projet minier sur leur mode de vie. Sa caméra a également mis en lumière les défis des personnes bispirituelles, des sans-abri et des militants autochtones contre la coupe à blanc.
Tout ce que je fais et tout ce que je crée, c’est pour la communauté et avec la communauté. Je travaille pour la justice sociale. C’est toute ma vie!
Pour Marjorie, tout ce travail en vaut la peine quand elle arrive à créer des espaces sécuritaires comme ce pow-wow qui permet l’épanouissement des autochtones de la communauté LGBTQ.
Tu vois ce petit garçon de 9 ans? Quand il avait 7 ans, il savait déjà qu’il voulait danser la danse des clochettes, mais on lui a interdit. Aujourd’hui, regarde comment il danse! Ca c’est touchant.