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Un discours de Trump sur l’état de l’Union marqué par la division

Nancy Pelosi déchire les pages sur lesquelles est imprimé le discours de Donald Trump.

La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a littéralement déchiré le discours sur l'état de l'Union du président des États-Unis, Donald Trump.

Photo : Reuters / Jonathan Ernst

  • Sophie-Hélène Lebeuf

À son arrivée à la Chambre des représentants, mardi, pour prononcer son discours sur l'état de l'Union, le président Trump a refusé de serrer la main de la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi. Une heure et demie plus tard, celle-ci déchirait sa copie de l'allocution. Entre les deux, un discours ouvertement partisan, prononcé dans un climat de division et privilégiant la mise en scène.

Lorsque Donald Trump a donné son précédent discours, il y a un an, quelques jours après une paralysie partielle du gouvernement qui avait duré plus d'un mois, le Congrès semblait plus divisé que jamais. Un an et une procédure en destitution plus tard, le fossé s'est visiblement creusé.

La veille de son acquittement inéluctable devant le Sénat, le président républicain a prononcé son ultime discours sur l’état de l’Union du mandat qu'il a obtenu en novembre 2016, à neuf mois de la prochaine l'élection.

Clin d’œil à son slogan électoral de campagne d’il y a quatre ans, Rendons à l’Amérique sa grandeur, il a placé son allocution sous le signe du grand retour de l'Amérique, prononçant le mot grandeur près d'une vingtaine de fois. Si son texte, lu sur un télésouffleur, n'avait pas la rhétorique incendiaire et le style libre qu'il adopte lors de ses rassemblements partisans, il n'en reprenait pas moins certains messages. À plusieurs reprises, il s'est comparé avantageusement à ses prédécesseurs, surtout Barack Obama, qu'il n'avait pas besoin de nommer pour que les allusions soient claires.

En trois ans à peine, nous avons fait voler en éclat la mentalité de déclin américain et nous avons rejeté le rapetissement du destin de l'Amérique, a-t-il lancé, vantant notamment son bilan économique, le faible taux de chômage et les accords commerciaux conclus dans la dernière année, avec le Canada et le Mexique ainsi qu’avec la Chine, et les réductions d'impôt. Les États-Unis sont de nouveau hautement respectés sur la scène internationale, a-t-il soutenu.

L'époque où notre pays était utilisé, exploité et même méprisé par les autres nations est révolue depuis longtemps.

Une citation de Donald Trump

Donald Trump, président des États-Unis

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M. Trump, sur son fauteuil du bureau ovale, à la Maison-Blanche.

Un message ciblant ses partisans

Il parle au micro.

Le président des États-Unis, Donald Trump, pendant le discours sur l'état de l'Union, à Washington, le 4 février 2020.

Photo : Reuters / Leah Millis

Se posant en défenseur des frontières contre l'immigration illégale, le président américain a répété le thème au centre de sa dernière campagne présidentielle, dénonçant au passage une loi scandaleuse de la Californie. Les États-Unis d'Amérique devraient être un sanctuaire pour les Américains respectueux des lois, et non pour les étrangers criminels, a-t-il déclaré. Si vous entrez illégalement dans notre pays, vous serez expulsés rapidement.

Par le choix de ses invités, parmi lesquels se trouvait le chef adjoint de la police des frontières, Raul Ortiz, responsable de la politique de séparation des familles, Donald Trump a souligné l'importance qu'il accorde à cet enjeu.

Défense du deuxième amendement, opposition à l'avortement, nomination de juges conservateurs, célébration de la foi : il a aussi soulevé d'autres enjeux chers à sa base électorale, au milieu des salves d'applaudissements fréquentes des élus républicains.

Insistant sur un thème qui reviendra tout au long de la campagne présidentielle, il a accusé plus de 130 élus dans cette Chambre de vouloir imposer une prise de contrôle socialiste du système de santé [...] qui mènerait notre nation à la faillite.

À ceux qui nous regardent chez eux ce soir, je veux que vous sachiez : nous ne laisserons jamais le socialisme détruire le système de santé américain.

Une citation de Donald Trump

Les médias étaient à l'œuvre avec des épreuves des faits, le Washington Post, par exemple, relevant au moins une trentaine de mensonges et d'exagérations. L'ancienne vedette de téléréalité a en outre fait éclater les normes habituelles de tels discours, ponctuant son allocution de mises en scène. Il a ainsi annoncé à la conjointe d'un militaire qu'il avait invitée le retour d'Afghanistan de son mari, qui est venu la rejoindre sous l'œil des caméras, et accordé une bourse d'études à une autre spectatrice, une fillette de 9 ans.

La présence de Rush Limbaugh, un commentateur controversé conservateur atteint d'un cancer de stade avancé, a fait grincer des dents les démocrates. Interrompant son discours, Donald Trump a demandé à sa femme Melania de lui remettre la médaille présidentielle de la liberté. Virulent critique des démocrates, Rush Limbaugh a déjà comparé Barack Obama à Hitler et à Staline.

La procédure de destitution en filigrane

Nancy Pelosi propose au président Donald Trump de lui serrer la main, ce dernier se tourne vers le vice-président Mike Pence.

Le président Donald Trump s’est tourné lorsque la présidente de la Chambre, la démocrate Nancy Pelosi, allait lui proposer de lui serrer la main.

Photo : Reuters / Leah Millis

Le président n'a pas abordé le procès en destitution qui se déroule au Sénat depuis deux semaines, dans la foulée d'une enquête lancée par les démocrates de la Chambre en septembre dernier, mais les tensions exacerbées qui divisent les deux camps étaient évidentes. Une dizaine de démocrates, dont Alexandria Ocasio-Cortez, avaient annoncé qu'ils boycotteraient son discours, d'autres, visiblement excédés par les piques partisanes, ont quitté en plein milieu. C'est comme regarder de la lutte professionnelle, a raillé sur Twitter le représentant de l'Ohio Tim Ryan. Les républicains, eux, ont ovationné le président à plus d'une reprise, scandant même quatre ans de plus.

Prenant la parole dans l’enceinte même où les représentants l’ont mis en accusation, Donald Trump avait derrière lui celle qui a donné le feu vert à la procédure de destitution, Nancy Pelosi, bien en vue dans le champ de la caméra tout au long de l'allocution. Les deux élus ne se sont pas adressé la parole depuis des mois. Après avoir été acclamé par les républicains à son arrivée, Donald Trump a remis une copie de son discours à la démocrate la plus puissante de Washington sans la regarder, se détournant ensuite lorsqu'elle lui a tendu la main.

Dans les secondes qui ont suivi, Nancy Pelosi dérogeait à la tradition par un symbole lourd de sens, ouvrant la séance par un simple Membres du Congrès, le président des États-Unis et omettant les mots habituels : J'ai le grand privilège et l'insigne honneur de vous présenter le président des États-Unis. Au terme du discours, elle a déchiré sa copie de l'allocution, un geste rapidement condamné par la Maison-Blanche.

Nancy Pelosi vient de déchirer [...] la survie d'un enfant né à 21 semaines, a dénoncé la Maison-Blanche sur son compte Twitter officiel, énumérant certains invités du président. C'était la chose la plus courtoise à faire étant donné les autres options, a pour sa part affirmé la présidente de la Chambre devant les reporters.

Avec le verdict d’acquittement prévu mercredi, le poids du dossier ukrainien est en voie de devenir chose du passé. Le président n'a cependant pas pu officiellement se targuer d’avoir été acquitté des accusations d’abus de pouvoir et d’entrave au travail du Congrès retenues contre lui.

Deux élues démocrates donnent la réplique

Nancy Pelosi et le leader de la minorité démocrate du Sénat, Chuck Schumer, avaient confié la réponse au discours sur l’état de l’Union à la gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer, une élue peu connue à l’extérieur de son État.

La réplique à l'allocution présidentielle est habituellement l’occasion pour le parti adverse de mettre en avant une étoile montante sur la scène nationale. Mais le Michigan s’avère essentiel pour les démocrates s’ils veulent reconquérir la Maison-Blanche en 2020. Lors de l’élection présidentielle de 2016, Donald Trump leur avait ravi de justesse ce qui était alors un de leurs bastions dans le Midwest.

Mme Whitmer a centré sa réponse sur les enjeux du quotidien des électeurs, notamment les soins de santé, qui avaient permis aux démocrates de reprendre le contrôle de la Chambre lors des élections de mi-mandat, en 2018. Elle a au passage critiqué le comportement du président.

Intimider les gens sur Twitter ne construit pas les ponts. Ça les détruit.

Une citation de Gretchen Whitmer, gouverneure du Michigan

La gouverneure du Michigan a conclu son allocution d'une dizaine de minutes en évoquant la procédure en destitution : La vérité importe. Les faits importent. Personne n'est au-dessus des lois.

En arrière-plan, on retrouve un drapeau des États-Unis et un du Texas.

La représentante démocrate du Texas, Veronica Escobar, a offert une réplique en espagnol au discours sur l’état de l’Union de Donald Trump, à El Paso, le 4 février 2020.

Photo : Associated Press / Cedar Attanasio

Par la voix de la représentante d’El Paso Veronica Escobar, dont le district est à la frontière du Mexique, les démocrates ont aussi donné une réplique en espagnol. Si elle a, elle aussi, parlé des luttes des travailleurs pour s'en sortir financièrement, elle est revenue sur la fusillade qui a fait une vingtaine de morts dans sa ville en août dernier. Le tueur, qui avait dénoncé une invasion hispanique du Texas dans un manifeste, a utilisé un langage haineux comme les mots mêmes utilisés par le président Trump pour décrire les immigrants et les Latinos, a-t-elle affirmé.

  • Sophie-Hélène Lebeuf

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