Des victimes de l’attentat de Québec toujours pas indemnisées

Des policiers de Québec patrouillent les rues près de la mosquée visée par un attentat.
Photo : Reuters / Mathieu Bélanger
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Trois ans après la tuerie survenue à la grande mosquée de Québec, des victimes de l’attaque attendent toujours d’être dédommagées pour les souffrances qu’elles ont encourues. Une situation « inacceptable » qui illustre l’urgence de réformer le programme d'indemnisation des victimes d'actes criminels (IVAC), croit l’avocat Marc Bellemare.
L’ancien ministre de la Justice représente une quinzaine de clients qui ont soumis une demande de prestations à l’IVAC
. Si plusieurs d’entre eux ont réussi à obtenir le statut de victime, leur combat est loin d’être terminé, insiste Me Bellemare.Il y a encore des litiges. Il y a encore plusieurs dossiers qui sont en contestation sur la durée de l'incapacité, la durée des traitements, le montant et la durée de l’indemnité de remplacement de revenus, etc. Alors, ça va prendre encore une couple d'années avant que tout ça soit vraiment finalisé
, indique l’avocat de Québec en entrevue à Radio-Canada.
« Le fait d'être reconnu comme victime ne règle pas tout [...] Malheureusement, ces gens-là sont encore obligés de continuer [à se battre] et contester jusqu'au Tribunal administratif du Québec pour obtenir gain de cause, deux ou trois ans plus tard. »
Parmi les dossiers qui font l’objet d’une contestation, on retrouve celui de Karim Mabrouk. Le père de famille se trouvait à l’intérieur du Centre culturel islamique de Québec le soir du 29 janvier 2017, lorsque Alexandre Bissonnette a ouvert le feu sur les fidèles, tuant six personnes en plus de faire de nombreux blessés.
Même si M. Mabrouk a été complètement traumatisé
et qu’il n’a pas été en mesure de travailler pendant neuf mois, l’IVAC a refusé de reconnaître son incapacité au travail, déplore son avocat.
« Croyez-le ou non, on ne reconnaît aucune incapacité à cet individu-là, qui a marché à travers les cadavres et qui a été séquestré par les policiers jusqu'à 5 h du matin [le lendemain de l’attaque]. »
« Le pire régime au Québec »
L’avocat martèle que le programme de l’IVACest le pire régime au Québec
. Il reproche au gouvernement Legault de ne pas avoir rempli sa promesse de réformer le programme d'indemnisation des victimes d'actes criminels.
L’IVAC , c'est vraiment le summum de la complexité. Des décisions qui ne sortent pas, des délais incroyables, des appels téléphoniques non retournés. C'est très laborieux et on a hâte que le gouvernement s'intéresse à ce régime-là.
La ministre de la Justice, Sonia LeBel, réitère son intention de réformer le programme de l’IVAC
afin, notamment, d’élargir le concept de victime et d’intervenir plus rapidement auprès des personnes ayant subi un traumatisme physique ou psychologique.Il y a un besoin très criant. On le voit malheureusement dans un cas comme celui-là, qui est encore plus patent, le fait qu'il faut revoir cette philosophie-là de l'IVAC et la façon dont on indemnise les victimes
, indique Mme LeBel.
Réforme imminente?
La ministre dit que son gouvernement devrait être en mesure de présenter quelque chose bientôt
, sans toutefois préciser de date.
Sonia LeBel assure que les victimes de l’attentat de Québec qui attendent toujours d’être indemnisées ont toute [sa] sensibilité
.
« Je leur ai fait part des travaux. Naturellement, ils sont satisfaits du fait que ça va changer, ce qui ne change rien à leur situation personnelle pour l'instant, j'en suis fort consciente, mais je peux agir sur le futur et c'est ce que je suis en train de faire. »
Malgré la nécessité de réformer l’IVACd’un des régimes les plus généreux au Canada
.
Traitement accéléré
De son côté, la direction de l’IVAC
assure être sensible à l’enjeu des délais de traitement. Elle mentionne que ces délais ont été considérablement réduits au cours des dernières années.Le porte-parole de la CNESST
, Nicolas Bégin, soutient que le tiers des décisions d’admissibilité peuvent être rendues dans un délai de moins de 3 jours, comparativement à 13 jours en 2017.Il ajoute que certains facteurs tels que des informations manquantes au dossier et la complexité des cas peuvent allonger les délais de traitement.
Bien entendu, si la personne victime conteste une décision, ça peut également engendrer un délai additionnel
, précise le porte-parole.
« On met tout en oeuvre pour que ces dossiers-là soient traités dans les meilleurs délais, le plus rapidement possible. »
Plus de 100 demandes
Depuis le mois de janvier 2017, 109 demandes de prestations en lien avec l’attentat à la grande mosquée de Québec ont été acheminées à l’IVAC
.Au total, 74 dossiers ont été déclarés admissibles, dont 6 qui concernaient les victimes décédées.
En date du 31 décembre 2019, un montant total de 1 778 800,19 $ a été versé aux victimes de l’attentat et à leurs proches en guise d’indemnités et de frais remboursés.
Avec la collaboration de Valérie Gamache