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Les urgences psychiatriques de Montréal débordées

Les temps d'attente sur civières peuvent être particulièrement longs, surtout dans les hôpitaux spécialisés en santé mentale.

Une femme marche derrière un panneau annonçant l'urgence.

L'urgence de l'Institut universitaire en santé mentale Douglas est située au pavillon Reed, l'un des nombreux bâtiments qui composent le centre hospitalier de Verdun.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

« Le personnel court comme des poules pas de tête », lâche Marie* au bout du fil. « Ils ne savent plus où donner de la tête. »

La femme de 58 ans dit souffrir de bipolarité et de troubles alimentaires. Et comme ses idées noires ont refait surface récemment – au point de songer au suicide –, son médecin l'aurait orientée vers l’urgence de l’hôpital Douglas, vendredi dernier, afin de revoir de manière urgente sa médication. Trois jours plus tard, elle disait s'y trouver toujours.

Je ne peux pas rester ici, laisse tomber Marie, qui nous a contactés lundi pour nous faire part de sa situation, insatisfaite de la nourriture offerte et incommodée de ne pas pouvoir prendre de douche.

Correctif

Une version précédente de l'article mentionnait que Marie avait attendu trois jours avant de voir un psychiatre, ce qui est inexact. Le protocole de l'hôpital Douglas prévoit que tous les patients qui se présentent à l'urgence sont vus par un médecin spécialiste dans un délai maximal de 12 heures. De fait, Marie a brièvement rencontré un psychiatre à deux reprises pendant la fin de semaine.

Il n’est pas rare que les patients des hôpitaux montréalais doivent attendre aux urgences plus de 48 heures sur une civière. Et les établissements spécialisés en santé mentale n'y font pas exception, selon les données mises en ligne par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

À l’hôpital Douglas, par exemple, le taux d’occupation des civières dépasse 200 % depuis au moins une semaine. Un pic à 300 % a même été enregistré lundi, en fin de journée.

En fait, le centre hospitalier de Verdun trône ces jours-ci au sommet des urgences les plus bondées de la métropole. Et c’est l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM), anciennement l'Hôpital Louis-H.-Lafontaine, qui arrive deuxième.

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Explications

Le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l’Ouest-de-l’Île, auquel l’hôpital Douglas est affilié, n’a pas voulu commenter le cas de Marie, les dossiers des usagers étant confidentiels. Mais dans une déclaration écrite, le CIUSSS appelle à la prudence en ce qui a trait à l’interprétation des données du MSSS sur les taux d’occupation des civières.

Les problématiques traitées à l’urgence de l’hôpital Douglas nécessitent une approche différente [de celle des] urgences en santé physique, écrit-il, précisant que ces interventions nécessitent davantage de temps, [...] ce qui a évidemment un impact direct sur le nombre et la durée de séjour des usagers.

Même son de cloche au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, auquel l’IUSMM est affilié. Directeur du programme santé mentale, dépendance et itinérance, Jonathan Brière confirme que les évaluations sont en général plus longues à réaliser dans les urgences psychiatriques spécialisées que dans les urgences traditionnelles.

On doit aller chercher le lien de confiance avec le patient, qu’il nous parle des difficultés qu’il vit, et puis souvent, on ne peut pas expliquer une détresse en l’espace de 5 ou 10 minutes, illustre-t-il. Ça peut prendre des fois jusqu’à 30 ou 45 minutes.

Cela dit, M. Brière observe depuis plusieurs années une augmentation de la volumétrie dans les urgences psychiatriques spécialisées.

Il y a beaucoup de détresse dans la société […] et beaucoup de patients qui se présentent dans les urgences psychiatriques sont en détresse.

Une citation de Jonathan Brière, directeur du programme santé mentale, dépendance et itinérance au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal

Par ailleurs, M. Brière souligne que les urgences psychiatriques spécialisées reçoivent une clientèle composée de gens vulnérables, qui ont parfois moins de moyens financiers, qui sont un petit peu plus démunis en fin de mois, ce qui peut augmenter leur détresse, leur stress ou leur anxiété.

Encore et toujours le manque de ressources

Interrogés sur la problématique, les syndicats et les organismes actifs sur le terrain montrent du doigt le manque de financement des soins en santé mentale.

Il y a eu énormément de coupures dans ces services, notamment sous l’ère des libéraux, déplore Denyse Joseph, vice-présidente à la Fédération interprofessionnelle du Québec (FIQ), qui représentent les infirmières et les infirmiers syndiqués de l’hôpital Douglas.

Depuis, la désinstitutionnalisation a fait son oeuvre, constate-t-elle. On le voit : à Montréal, il y a énormément de gens qui vivent dans la rue, qui dorment dans le métro, etc. Ce sont souvent des personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale, et ça, moi je crois qu’il y a un lien direct avec la diminution des services publics dans ce secteur.

Les CIUSSS affirment vouloir se tourner vers les services dans la communauté, mais les services externes ne suffisent pas et les ressources communautaires sont trop peu financées pour pallier ce désengagement, renchérit Louis-Frédéric Verrault-Giroux, du Réseau alternatif et communautaire des organismes en santé mentale de l'île de Montréal (RACOR).

M. Verreault-Giroux qualifie la situation montréalaise de préoccupante et la compare avec celle qui existe à Québec, où les organismes sont débordés depuis la fermeture de l’urgence psychiatrique de l’Hôpital Saint-Sacrement.

Je crois qu’on observe les conséquences du désengagement du réseau et de la concentration des services de psychiatrie au sein d’un nombre de plus en plus réduit d’établissements.

Une citation de Louis-Frédéric Verrault-Giroux, porte-parole du RACOR

Coordonnatrice au Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ), Anne-Marie Boucher croit quant à elle que les urgences psychiatriques spécialisées seraient moins achalandées si le gouvernement du Québec investissait davantage en prévention.

Et pas seulement dans les organismes communautaires. C’est sûr que ces organismes-là ont leur rôle à jouer, mais même à l’intérieur du réseau public, les gens vont se faire dire : "Là, tu as l’air bien, donc il n’y a pas de soins pour toi. Tu reviendras quand tu seras en crise".

De plus, il n’existe pas beaucoup de solutions de rechange aux urgences des hôpitaux lorsque ces crises surviennent, déplore Mme Boucher. Des centres de crise ont été institués dans certaines régions, convient-elle, mais ces centres, peu connus, ne disposent pas de ressources importantes.

Besoin d'aide pour vous ou un proche?

Ligne québécoise de prévention du suicide : 1 866 APPELLE (277-3553)

Ce service est disponible partout au Québec, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24.

Des outils sont aussi proposés aux Québécois sur le site commentparlerdusuicide.com (Nouvelle fenêtre)

À bout de patience, Marie nous dit avoir finalement quitté l’urgence de l’hôpital Douglas lundi après-midi, 72 heures après y être entrée.

Elle a trouvé sa fin de semaine longue. Très longue.

J'invite la ministre McCann à venir passer trois jours ici, dans les corridors. J’ai bien hâte de voir ce qu’elle va répondre.

* Nom fictif

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