Non, la Chine n'a pas volé le coronavirus d'un laboratoire canadien
Un reportage de CBC a été détourné pour créer cette théorie du complot.

Le coronavirus du SRAS vu sous un microscope.
Photo : AFP/British Health Protection Agency
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
L'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) nie tout lien entre le Laboratoire national de microbiologie à Winnipeg, deux scientifiques qui ont été éjectés du bâtiment cet été et l'épidémie de coronavirus qui a éclaté en Chine.
Des histoires sans fondement alléguant que les deux scientifiques en question étaient des espions chinois et qu'ils ont fait entrer clandestinement le coronavirus en Chine l'année dernière se sont mises à circuler sur tous les réseaux sociaux majeurs, ainsi que sur des blogues complotistes. Un de ces articles a été partagé plus de 6000 fois sur Facebook en quelques heures, lundi.
L'histoire s'est même retrouvée sur le réseau social chinois TikTok, où une vidéo la colportant a été regardée plus de 350 000 fois.
« C'est de la désinformation et ces allégations faites sur les réseaux sociaux sont sans fondement », a répondu Éric Morrissette, chef des relations avec les médias, Direction générale des communications et des affaires publiques à l'ASPC, aux questions de CBC.
La théorie du complot semble basée sur une compréhension tordue d'un reportage de CBC News publié l'été dernier (Nouvelle fenêtre). Une des premières mentions est survenue samedi sur Twitter, dans laquelle l'homme d'affaires américain Kyle Bass affirmait qu'« une équipe d'espions chinois – un homme et sa femme – a récemment été éjectée d'un laboratoire de maladies infectieuses de niveau 4 au Canada pour avoir envoyé des pathogènes au laboratoire de Wuhan. Le mari est spécialisé en recherches sur le coronavirus ».

Capture d'écran du tweet ayant donné naissance à cette théorie du complot.
Photo : Capture d’écran - Twitter
Dans le tweet, partagé plus de 12 000 fois, M. Bass a inclus un lien vers un article de CBC datant de juillet 2019. Dans celui-ci, on apprenait qu'une chercheuse, son mari ainsi que certains de leurs étudiants avaient été expulsés du Laboratoire national de microbiologie (LNM) à Winnipeg. La Gendarmerie royale du Canada (GRC), qui enquête sur cette affaire, l'avait qualifiée de possible « affaire administrative », et qu'il n'y avait « aucune menace pour la sécurité publique ».
De plus, le reportage de CBC n'a jamais affirmé que les deux chercheurs étaient des espions ni qu'ils avaient envoyé le coronavirus à Wuhan.
Une vraie histoire détournée

Xiangguo Qiu, son mari biologiste et ses étudiants ne sont pas retournés travailler au laboratoire national de microbiologie de Winnipeg, après avoir été escortés en juillet. La GRC enquête toujours sur ce qui a été décrit par l'Agence de la santé publique du Canada comme une possible «infraction au règlement».
Photo : Radio-Canada
La Dre Xiangguo Qiu est une virologiste de Tianjin, en Chine, qui s'est établie au Canada en 1996 pour mener ses études supérieures. Elle entretient encore des liens avec son université chinoise et a fait venir au pays de nombreux étudiants pour l'aider dans ses recherches. Elle a aidé à développer ZMapp, un traitement pour le virus de l'Ebola, qui a tué plus de 11 000 personnes en Afrique de l'Est entre les années 2014 et 2016.
Son mari, Keding Cheng, travaille aussi au laboratoire en tant que biologiste. Il a publié des études sur le VIH, ainsi que sur le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), sur les infections à l'E. coli et sur le syndrome Creutzfeldt-Jakob.
Un mois après leur expulsion, CBC avait découvert que des scientifiques du LNM avaient envoyé les virus de l’Ebola et de Nipah à Pékin à bord d'un vol d'Air Canada. L'ASPC affirme que toutes les politiques fédérales avaient été respectées. L'agence refuse de dire si l'envoi est lié à l'enquête de la GRC.
Contrairement à ce qui est affirmé sur Twitter, le coronavirus ne faisait pas partie de l'envoi. De plus, il n'y a aucune indication que la Dre Qiu ou son mari ne soient à l'origine de celui-ci.
L'ASPC ne voulait pas commenter la situation des deux chercheurs, en affirmant vouloir protéger leur vie privée.