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Des intervenants accrédités pour prendre des enfants, faute de familles d'accueil

Un jeune assis sur le sol.

Des intervenants en protection de la jeunesse doivent être accrédités en tant que famille d'accueil pour répondre à la pénurie. (archives)

Photo : iStock / Katarzyna Bialasiewicz

Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

La surcharge qui pèse sur les familles d'accueil et sur les intervenants qui agissent en première ligne pour les enfants en difficulté est telle que des alternatives doivent être trouvées. Loin d'apporter de l'oxygène à un réseau qui est à bout de souffle, les solutions trouvées risquent d'accroître encore davantage la pression selon Lucille Rouillard, présidente du syndicat des intervenant-es en milieu résidentiel à l'enfance de l'Abitibi-Témiscamingue, affilié à la CSN.

De prendre des intervenants pour devenir famille d'accueil, ces personnes sont continuellement en situation d'intervention. Ils ne peuvent pas décrocher. C'est comme s'ils étaient toujours dans leur milieu de travail, s'inquiète Lucille Rouillard, elle-même famille d'accueil depuis 21 ans.

En Abitibi-Témiscamingue, trois intervenants ont été accrédités pour devenir des foyers pour des jeunes en difficultés. Parmi les autres alternatives, tenter d'ajouter une place de plus dans une famille qui offre déjà des places ou envoyer un jeune dans un centre de réadaptation parce qu'il n'y a pas d'autres endroits pour l'accueillir.

La présidente de la Fédération des familles d'accueil et des ressources intermédiaires du Québec, Geneviève Rioux, dit aussi constater de tels placements «alternatifs».

Ce que l'on voit sur le terrain, ce sont des tentatives de demander à des familles d'en prendre un de plus. Techniquement, il n'y a pas de place, mais il peut y avoir un certain laxisme au niveau des critères physiques, le temps d'un placement à court terme. C'est une meilleure solution qu'un centre de réadaptation, résume Geneviève Rioux, qui a sept places d'hébergement pour jeunes à son domicile, en plus de ses trois enfants. Elle agit comme famille d'accueil depuis 15 ans.

Il faut que les choses évoluent. Quand j'ai commencé comme famille d’accueil, un intervenant qui avait 18 dossiers, c'était considéré comme une charge importante. Je parlais récemment avec un intervenant et il a 29 dossiers. Comment peut-on faire de la prévention et du temps de qualité avec les usagers? C'est impossible : on éteint des feux, ajoute Lucille Rouillard.

Des besoins nombreux

La présidente de la Fédération des familles d'accueil et des ressources intermédiaires du Québec, Geneviève Rioux, ne peut que constater que la situation, loin de s'améliorer, inquiète.

Les familles d'accueil n'ont jamais été trop nombreuses. En 15 ans, je n'ai jamais entendu dire "on a beaucoup de familles d'accueil qui sont vides et qui sont en attente de placement". Le bassin a toujours été chargé, actuellement il est surchargé, tranche Geneviève Rioux.

Une femme sourit pour une photo officielle.

Geneviève Rioux, présidente de la Fédération des familles d'accueil et des ressources intermédiaires du Québec

Photo : Stéphane Audet

Même si le nombre de familles constitue un enjeu, il existe aussi des disparités régionales. À entendre certaines régions, je dirais que c'est alarmant. Il y a quelques mois, sur la Côte-Nord, il y avait quatre places disponibles régionalement, et pas dans le même milieu. Une fratrie de trois était automatiquement séparée. La Gaspésie, actuellement, c'est vivable, il y a un petit bassin de places, mais la problématique de vieillissement est présente. En Mauricie, les difficultés sont beaucoup au chapitre de l'évaluation. Par région, la problématique n'est donc pas nécessairement la même, concède la présidente de la Fédération des familles d'accueil.

En Abitibi-Témiscamingue, Rouyn-Noranda est l'une des MRC où le manque de familles risque de causer des difficultés dans les mois à venir. Le vieillissement des familles d'accueil et la relève difficile à trouver font partie des enjeux, tout comme la reconnaissance pour les familles d'accueil.

Si le recrutement est complexe, l'évaluation des postulants représente aussi un défi. Le processus est long et fastidieux pour les personnes qui veulent devenir familles d'accueil. S'il importe de s'assurer que les volontaires constituent bien une option adéquate pour des enfants en difficulté, il n'en reste pas moins que la procédure se fait longue.

« Devenir famille d'accueil peut prendre jusqu'à un an, et dans le cas des banques mixtes, les familles adoptantes, ça peut aller jusqu'à deux ans d'attente avant même d'être évalué. »

— Une citation de  Geneviève Rioux

Le recrutement est aussi miné par un manque de professionnels qui peuvent effectuer cette étape d'évaluation. C'est en partie ce qui retarde l'accréditation de nouveaux foyers.

S'impliquer par passion

Ma vie tourne autour de mes jeunes, ma famille et ce qu'on pense faire c'est aussi en fonction des jeunes et du fait qu'on est famille d'accueil, confie Lucille Rouillard. À temps plein, elle est à la maison pour suivre le quotidien des jeunes qui se trouvent sous son toit. Elle en avait huit l'été dernier dans sa grande maison d'Amos.

« Impossible de travailler à temps plein. On ne peut jamais savoir à quel moment l'école peut appeler pour nous dire d'aller chercher un des adolescents. »

— Une citation de  Lucille Rouillard

Lucille Rouillard a elle-même vécu le passage en famille d'accueil. Entre 4 mois et demi et 18 ans, elle a connu environ 13 familles différentes. Devenir famille d'accueil n'était pas son idée, mais celle de son conjoint. Au départ, elle ne souhaitait pas se lancer dans l'aventure, aujourd'hui, elle n'imagine pas sa vie autrement.

Je ne me voyais pas faire ça. Mon conjoint est revenu à la charge, me disant que j'allais comprendre la réalité de ces jeunes-là, alors nous avons essayé. J'ai découvert une passion. Je me suis épanouie là-dedans. Mais c'est aussi ce qui m'a fait le plus souffrir. Quand les premiers sont partis, j'ai trouvé ça vraiment difficile, se souvient-elle.

Des dizaines d'enfants qui sont passés par sa maison, Lucille Rouillard garde de nombreux contacts. Elle est la marraine du premier enfant d'une de ses anciennes résidentes, elle en reçoit plusieurs ponctuellement encore à la maison. Des anciens qui reviennent la visiter et qui peuvent aussi voir plusieurs jeunes qui passent eux aussi entre les murs de sa maison.

Une femme sourit à la caméra dans son salon.

Lucille Rouillard, présidente du syndicat des intervenant-es en milieu résidentiel à l'enfance de l'Abitibi-Témiscamingue

Photo : Radio-Canada / Lise Millette

Pour Geneviève Rioux, l'engagement a aussi nourri une passion. Au départ, elle avait proposé une place, mais rapidement, on lui a greffé plusieurs autres enfants.

J'avais une place, on m'a demandé pouvez-vous avoir une deuxième place. Techniquement j'ai fait une demande il y a 15 ans pour un enfant. C'était progressif pour un besoin particulier. Ce qui m'a fait faire le grand saut, on voulait me proposer un jeune garçon, et il avait deux jeunes sœurs, et j'ai demandé à ce qu'on m'amène les sœurs. On peut donner un peu de stabilité à l'enfant. C'est la réalité du quotidien, raconte Geneviève Rioux.

Le Centre intégré de santé et de services sociaux de l'Abitibi-Témiscamingue n'a pas voulu commenter cette question, même si les familles d'accueil et le réseau d'intervenants en protection de la jeunesse relèvent du CISSS-AT, en raison des travaux de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse sous la présidence de Régine Laurent.

La Fédération des familles d'accueil et des ressources intermédiaires du Québec et le Syndicat des intervenant-es en milieu résidentiel à l'enfance de l'Abitibi-Témiscamingue affilié suivront tous deux avec intérêt les travaux de cette commission.

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