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Présentée en grande pompe comme un vestige datant de 1693, la palissade de bois découverte il y a deux ans dans le Vieux-Québec… n’en serait finalement pas une. Une analyse de l’Université Laval révèle que sa construction aurait eu lieu au plus tôt en 1775, soit 30 ans après l’érection de l’enceinte emblématique toujours visible en haute-ville.
Certains la décrivaient comme l’embryon des premières fortifications de Québec.
Le maire Régis Labeaume se disait très ému de la trouvaille. Le premier ministre du Québec François Legault saluait quant à luiune découverte majeure pour tout le Québec.
Beaucoup d’enthousiasme pour une palissade qui n’en serait, finalement, même pas une, pense l’archéologue William Moss, conseiller en patrimoine pendant 33 ans à la Ville de Québec.
Sa construction serait aussi moins ancienne qu'on ne le croyait lors de la découverte.
Des opérations de sauvegarde des vestiges trouvés en 2018 ont été entreprises.
Photo : Courtoisie ministère de la Culture et des Communications
Si elle date vraiment de 1775, il ne s’agirait plus d’une palissade, ce serait un autre type de construction, probablement un bâtiment secondaire comme une écurie, analyse William Moss.
Selon lui, l’érection d’une palissade en 1775 aurait été une perte de temps totale.
En 1775, il y avait déjà les remparts actuels de la Ville de Québec. Il n’y avait, en plus, aucun impératif militaire pour justifier la construction de nouvelles palissades.
« Hors de tout doute »
C’est une analyse réalisée à l’Université Laval qui a repoussé d’au moins 82 ans l’âge des poutres découvertes en novembre 2018 sous la rue Sainte-Ursule.
Les laboratoires universitaires ont parlé : le cèdre utilisé pour ériger la fortification date hors de tout doute raisonnable de la seconde moitié du 18e siècle.
Nous avons échantillonné deux pièces provenant de la palissade, explique Martin Simard, professeur au département de géographie de l’Université Laval.
La première date de 1751, la deuxième de 1775 ou plus.
Un des échantillons analysés par le laboratoire de l'Université Laval.
Photo : Radio-Canada / Courtoisie Martin Simard
Ce spécialiste en dendrochronologie, soit l’art de déterminer l’âge des arbres grâce à l’étude de leurs anneaux de croissance, est catégorique.
Nos dates sont très solides, très bonnes.
La dendrochronologie
Chaque hiver, les arbres mettent leur développement cellulaire au repos. Au cours de ces périodes, un sillon appelé cerne se dessine dans le tronc : c’est l’anneau.
Ces anneaux enregistrent les aléas climatiques qui marquent le passage du temps.
En comparant les anneaux trouvés sur un tronc à des séries de référence, soit des chronologies établies avec certitude après l’analyse de centaines d’échantillons de bois tirés d’un territoire précis, il est possible d’établir l’âge d’un arbre.
Franchement, nos résultats nous ont surpris, nous ne nous attendions pas du tout à ça, indique-t-il.
Étant donné la force du message voulant que la palissade date de 1693, nous avons redoublé de prudence. Nous avons vérifié et contre-vérifié pour être certains de nos résultats.
Contrairement à la datation carbone, où l'on a une fourchette de dates possibles, en dendrochronologie, on a la date précise, alors je suis très certain de cette date-là. Si ce n’était pas concluant, on l’aurait dit.
Un enthousiasme démesuré... et prématuré
L’engouement soulevé par la découverte en avait fait sourciller plusieurs dès le début.
Ça manquait de prudence, c’est certain, déplore William Moss. Les échantillons n’étaient pas encore prélevés, les analyses n’étaient pas encore commencées, et une conférence de presse était convoquée avec le premier ministre et le maire.
Je suis plutôt tranchant sur le fait qu’on ait convoqué une conférence de presse sans attendre l’expertise scientifique, renchérit Réginald Auger, longtemps responsable du laboratoire d’archéologie historique de l’Université Laval. Ça ne devrait pas se faire ainsi et c’est très déplorable.
À leur avis, ceux qui ont mené les fouilles à l'époque ont tiré des conclusions trop vite d’une carte historique qui montrait le tracé d’une palissade à l’endroit où les poutres ont été retrouvées.
Mise au point
La version originale de ce texte a été modifiée puisque le point de vue du responsable du chantier, l'archéologue Jean-Yves Pintal, n'avait pas été recueilli comme le stipulent nos normes et pratiques journalistiques.
Les documents ne sont pas toujours exacts, et il ne faut pas toujours sauter immédiatement aux conclusions. La moindre concordance n’est pas un gage de vérité, indique-t-il.
Une carte de l'époque sur laquelle on distingue l'emplacement de la palissade de Beaucours.
Photo : Courtoisie
À son avis, l’erreur existe toujours en science. L’important, toutefois, est de la reconnaître. Je me trompe aussi, c’est normal en archéologie. Mais je reconnais toujours mes erreurs.
Quand la science se trompe, mais qu’elle persiste à ne pas admettre qu’elle s’est gourée, c’est là qu’est le véritable problème.
Contacté dimanche matin, Jean-Yves Pintal estime que le rapport de l'Université Laval seul ne suffit pas à infirmer l'ensemble de la découverte. Il n'a pas voulu commenter davantage.
Le ministère de la Culture renvoie quant à lui à un rapport de fouilles de 300 pages déposé le mois dernier et qui conteste la datation de 1751 et de 1775 établie par l'Université Laval.
Ces dates, un peu trop récentes, posent problèmes, parce qu’elles font référence à une période où ce terrain ne sert qu’au jardinage.
Par ailleurs, les données stratigraphiques et la culture matérielle indiquent bien que nous sommes face à un vestige datant du 17e siècle.
Ce dernier réaffirme la découverte des remparts palissadés de Beaucours sur le site, mais recommande de poursuivre les fouilles dans ce secteur afin de s’assurer que toutes les informations associées au vestige de bois ont été recueillies.
La datation effectuée par l'Université Laval soulève l'hypothèse que les vestiges exhumés appartiennent à une autre construction, ultérieure à la démolition de la palissade de Beaucours.
Le rapport de 300 pages contient toutefois, en annexe, une analyse radiocarbone commandée par M. Pintal et réalisée dans un laboratoire de Miami. Cette analyse positionne nettement ce vestige au 17e siècle, vers 1640-1670, selon le document, ce qui est un peu trop récent par rapport à 1693, mais tout de même acceptable pour ce type de datation.