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Avion abattu en Iran : l’enquête pourrait prendre « des années »

Des débris du Boeing 737 de l'Ukraine International Airlines

Des débris du Boeing 737 de l'Ukraine International Airlines

Photo : Reuters / Social Media

L’admission par l’Iran de sa responsabilité dans la chute de l’avion de l’Ukraine International Airlines (UIA) ne ferme pas la parenthèse d’une tragédie qui a tué 176 personnes, dont 57 Canadiens. Un travail de longue haleine attend les enquêteurs.

S’il est désormais admis que le Boeing 737 de l’UIA a été abattu par au moins un missile iranien, il demeure encore plusieurs zones d’ombre à éclaircir, plaide Marc Perreault, ancien enquêteur principal au Bureau de la sécurité des transports (BST).

Le BST, qui a dépêché des enquêteurs en Iran, veut notamment déterminer si le tir de missile était intentionnel ou accidentel. Il veut également savoir pourquoi l’espace aérien est demeuré ouvert dans un contexte de vives tensions, et ce, avant et après le terrible événement.

Pour tenter d’y répondre, il faut reconstituer toute la chaîne d’événements. La chronologie ne commence pas au moment du décollage et ne se termine pas au moment de l’explosion, explique M. Perreault.

Au besoin, les enquêteurs vont y aller aux secondes et même aux fractions de seconde, de sorte qu’ils vont pouvoir analyser chaque geste qui a été posé et déterminer si ces actions-là ont eu des conséquences sur la suite.

Bien entendu, les enquêteurs doivent récupérer tous les éléments de preuve afin de les analyser. Avec l’aide des constructeurs de l'avion, ils vont voir quelles pièces contiennent des micropuces sur lesquelles de l’information a été stockée. Une fois que cela est fait, ils vont pouvoir déterminer les derniers moments du vol et reculer dans le temps et connaître où le missile, par rapport à l’avion, a explosé.

De plus, en analysant les boîtes noires, [les enquêteurs] vont déterminer quel système a été affecté, ils vont pouvoir déterminer si l’appareil était contrôlable et si les membres de l’équipage ont été affectés, souligne l’expert en aviation civile.

C’est un travail qui est extrêmement méticuleux. Ça va être un travail de longue haleine qui va être complexifié par la culture [du pays] dans lequel l’accident s’est produit.

Une citation de Marc Perreault, ancien enquêteur principal au BST

Des questions toujours sans réponses

En plus de l’analyse de certaines pièces de l’avion, l’enquête devrait s’intéresser aux enregistrements de toutes les conversations qui ont eu lieu autour du lancement du missile.

Quelle communication a eue [le militaire] avant d’appuyer sur le bouton, pourquoi a-t-il appuyé sur le bouton, pourquoi a-t-il envoyé son missile? Autant de questions auxquelles devrait répondre l’armée iranienne, qui a fini par reconnaître une erreur humaine après des jours de dénégation.

Il y a lieu de connaître aussi si un plan de vol a été établi, s’il était conforme avec des directives de vol et si l’équipage a suivi la trajectoire qu’il aurait dû suivre .

Par ailleurs, celui qui a travaillé pendant 27 ans au BST prévoit que les enquêteurs vont chercher à savoir si le transporteur avait des politiques concernant des vols au-dessus de régions en conflit. Est-ce que ces directives-là ont été suivies? Est-ce qu’elles ont été transmises au pilote?

Une enquête, cinq pays

En vertu de l’annexe 13 de la Convention relative à l'aviation civile internationale, c’est le pays où a lieu l’accident qui mène l’enquête et en assure la diffusion des conclusions.

Des pays touchés de près ou de loin par cet accident peuvent y participer. Pour faire la lumière sur la tragédie de l’avion de l’Ukraine International Airlines, quatre pays étrangers ont envoyé des enquêteurs en Iran : le Canada (avec un rôle d’expert) ainsi que l’Ukraine, la France et les États-Unis (à titre de « représentants accrédités »).

Ils cherchent des débris.

Des militaires et des secouristes iraniens sur le lieu de l'écrasement de l'avion de l'Ukraine International Airlines

Photo : Reuters / Wana News Agency

Du partage de l'information

Le BST agit en Iran à titre d’expert, sur invitation du Bureau d'enquête sur les accidents d'aéronefs de la République islamique d'Iran. L’organisme fédéral s’attend à un rôle limité, même s’il croit déceler des signes d’une bonne collaboration de la partie iranienne.

Les enquêteurs qui travaillent à l’étranger doivent respecter les lois de ces pays et les ententes qu’ils ont prises avec le bureau d’enquête local, rappelle Marc Perreault.

Dans ce cas-ci, c’est à l’Iran de décider des éléments de preuve auxquels auront accès les enquêteurs étrangers.

Généralement, tous les éléments sont partagés, mais dans chaque pays, il y a des lois où certains éléments sont confidentiels. Par exemple, au Canada, l’information contenue dans les enregistreurs phoniques est confidentielle et n’est jamais partagée avec les autres enquêteurs, précise-t-il.

L’armée iranienne, comme dans toutes les armées du monde, a ses secrets militaires qu’elle ne partagera jamais avec d’autres pays. Et on peut les comprendre. Le Canada ferait la même chose.

Une citation de Marc Perreault, ancien enquêteur principal au BST

Marc Perreault affirme que si l’Iran ne partage pas toutes les informations qu’elle possède et qu’elle devrait partager, les enquêteurs n’auront pas une vue d’ensemble qui permettrait d’avoir des réponses claires à certaines questions.

Advenant un manque de collaboration de la partie iranienne, le BST pourrait exprimer sa dissidence, comme il l’a fait par le passé dans certaines enquêtes menées à l’étranger, indique l'ex-enquêteur.

Du reste, la présidente du BST, Kathy Fox, a nettement fait savoir lundi que son équipe entendait signaler toute lacune de l’enquête si elle jugeait les réponses fournies par l’Iran incomplètes et insatisfaisantes.

L'enquête pourrait prendre « des années  »

En plus du partage de l'information, l’expert pense que les enquêteurs étrangers, dont ceux du BST, auront à surmonter le défi des barrières linguistiques. Il s’attend d'ailleurs à un énorme travail de traduction, qui nécessitera patience et persévérance.

Ça va être très long. On peut parler d’années. C’est un travail qui est méticuleux et rigoureux, résume-t-il.

Les enquêteurs du BST, qui vont finir par quitter l’Iran à l’instar de leurs homologues d’autres pays, doivent poursuivre leur travail à distance avec ce que cela suppose comme difficultés de communication.

Dans ce contexte, les enquêteurs doivent composer aussi avec les pressions politiques, mais aussi avec celles des familles des victimes, « qui ont besoin de réponses ».

Ça prend une enquête qui suit une méthodologie intégrée d’enquête. Il faut que les choses se fassent dans l’ordre et que tous les éléments soient bien analysés et qu’on détermine clairement le rôle de chacun de ces éléments-là pour arriver, à la fin, à une enquête bien faite, une enquête qui va répondre au plus de questions possible.

Une citation de Marc Perreault, ancien enquêteur principal au BST

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