Quand science et action se marient pour protéger et restaurer les milieux côtiers
Projet du comité ZIP Gaspésie : démantèlement de deux ponts sur la Petite rivière Cascapédia. Travaux réalisés en 2018.
Photo : MPO
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Depuis trois ans, Pêches et Océans Canada finance des projets de restauration côtière qui suscitent le rapprochement entre scientifiques, communautés et organismes de protection environnementale.
Une quinzaine de ces projets ont été réalisés ou sont en cours de réalisation au Québec, dont une majorité au Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie et sur la Côte-Nord.
Ces projets ont pu être financés grâce au Fonds pour la restauration côtière du Plan national de protection des océans.
Soutien scientifique
Ce coup de pouce de Pêches et Océans Canada s’est traduit par une aide financière, 11,5 millions de dollars pour le Québec, mais a aussi donné lieu à une collaboration plus étroite entre chercheurs et communautés sur les écosystèmes côtiers du Saint-Laurent, des milieux riches et essentiels à de nombreuses espèces.
« On ouvre les portes de l’Institut [Maurice-Lamontagne] pour vraiment permettre à la science d’être plus profitable pour ces gens-là, qu’on devienne une ressource et qu’ils puissent se tourner vers nous pour qu’on puisse les accompagner. »
C’est l’équipe de Marie-Hélène Gendron qui a accompagné chaque organisme dans chacun des projets.
Entre autres, les scientifiques ont offert des outils, donné des conseils et prêté de l’équipement aux promoteurs des projets.
On a organisé, l’an dernier, des ateliers pour l’ensemble des organismes participants où on a réseauté et échangé des informations sur le programme, raconte la biologiste de l’Institut Maurice-Lamontagne (IML). On les a mis aussi en lien avec différents chercheurs, ici à l’IML , pour transférer un peu d’expertise et de connaissances. Des collègues ont même permis à des organismes d’utiliser leurs laboratoires pour analyser des échantillons.
Les scientifiques ont aussi pu collaborer avec des responsables qui assurent une présence continue sur le terrain.
Il y a vraiment une très grande expertise que j’observe dans les organismes. Les gens sont très professionnels. On a des livrables, des rapports qui sont faits avec une très grande qualité. À petite et à grande échelle, ç'a des retombées dans les écosystèmes
, constate la responsable du programme à l’IML .
Coincement côtier
Le programme visait à restaurer des habitats dégradés ou des habitats d’importance pour des espèces aux statuts précaires.
Dans plusieurs secteurs de l’Est-du-Québec, une route, une digue ou un enrochement empêchent le milieu marin de pénétrer plus avant dans les terres et deviennent ainsi des obstacles à l'ajustement naturel des écosystèmes.
Ce phénomène, appelé coincement côtier, accentue les conséquences de l’érosion.
Les plages rapetissent, disparaissent. Des espèces comme le capelan perdent leurs milieux de reproduction. C’est vrai aussi pour les marais côtiers qui, coincés, vont perdre leur connectivité avec la côte et les autres habitats.
On souhaitait remettre en état des aboiteaux, retirer les digues et remettre un marais en circulation dans un milieu agricole
, précise Marie-Hélène Gendron.
Ce genre de travaux a été fait au Bas-Saint-Laurent, notamment.
Des restaurations d’envergure ont été réalisées par le Comité ZIP
du sud de l’estuaire au Bas-Saint-Laurent.Deux recharges de plage, l’une à Notre-Dame-du-Portage, près de Rivière-du-Loup, et l’autre, à Notre-Dame-des-Neiges, près de Trois-Pistoles, ont été effectuées en 2018 et 2019. La rive de ces deux endroits a été restaurée par une recharge en sédiments et par la plantation de végétaux pour stabiliser et remettre à l’état naturel des milieux qui étaient dégradés par l’érosion en raison du coincement côtier ou du déferlement des vagues lors de grandes tempêtes.
Redonner ses droits à la nature
Le directeur adjoint du Comité ZIPQuand les vagues frappent une structure rigide et verticale, indique M. Bachand, on voit une recirculation ou un affouillement au pied des enrochements ou des murets et on vient faire un surcreusement à la base. On vient diminuer l’érosion horizontale, qui venait affecter les routes et les infrastructures qui sont derrière, mais les endroits où on avait de belles plages où on pouvait marcher autant à marée basse qu’à marée haute tendent à disparaître dans les endroits où on avait des structures rigides. Tandis que lorsqu’on met des structures de recharge de plage, on vient conserver l’environnement naturel et on se sert de ça comme défense côtière. On crée une place où les vagues viennent mourir avant d’atteindre les infrastructures
.
Au fil des ans, les sédiments vont se répartir le long de la côte, et une partie sera emportée par les vagues.
La nature est ici une alliée. C’est un gros tas de sable et ça n’a pas nécessairement la forme d’une plage, mais on assume que les vagues vont faire le travail après nous, viendront adoucir la pente et c’est ça qu’on veut. Ça va descendre plus bas et faire une zone tampon quand la tempête arrive
, poursuit Étienne Bachand.
Le Comité ZIP
réalisera dans deux ans une autre recharge de plage à l’entrée ouest du village de Saint-Ulric, près de Matane.La restauration de deux marais, à Rivière-Ouelle et à l’île aux Grues, est aussi au programme pour 2020.
La dégradation des milieux côtiers a des conséquences à la fois sur l’érosion des berges, mais aussi sur la biodiversité.
Par exemple, si on protège l’habitat du capelan, ça devient bénéfique pour le béluga, une espèce qui est menacée au Québec
, fait valoir Marie-Hélène Gendron, responsable de la gestion du Fonds pour le Québec.
Le comité ZIP
Côte-Nord du golfe a donc réalisé un inventaire de plusieurs plages où le capelan se reproduit afin de repérer les perturbations comme les enrochements qui pourraient nuire à l’espèce. La suite du projet est d’enlever les enrochements ou les matières résiduelles de ces plages pour aider le poisson à y accéder.Dans le secteur de Québec et de la région de Montmagny, le Conseil de la Nation huronne-wendat a pu évaluer les obstacles rencontrés, ponceaux ou barrages, par l’anguille dans les couloirs de migration de l’estuaire du Saint-Laurent. Ils peuvent faire des ententes avec des propriétaires des barrages pour installer des passes migratoires à anguilles. C’est maintenant plusieurs milliers d’hectares qui sont réutilisés par l’espèce alors qu’elle n’avait plus l’accès à des bassins versants au complet
, explique la biologiste de l’Institut Maurice-Lamontagne.
Des projets locaux
Tous les projets sélectionnés sont issus d’initiatives locales. On peut conseiller, on peut changer un petit peu la proposition pour que les résultats entrent dans nos objectifs de programme, mais les projets viennent vraiment du milieu. C’est important puisqu’il y a souvent des collaborations, des partenariats, des implications de la part des municipalités et ça fait vraiment des projets porteurs avec de meilleures chances de réussite.
Le Fonds a soutenu et soutient toujours financièrement 100 % des projets.
Ce sont des retombées importantes pour les communautés et les organismes qui œuvrent en environnement
, commente Marie-Hélène Gendron.
Le directeur adjoint du Comité ZIPC’était des projets d’un an, deux ans ou trois ans, mais c’était toujours ponctuel
, commente Étienne Bachand.
Son organisation a reçu 2,4 millions de dollars pour la réalisation de ces 5 projets, pour une période de 5 ans. L’organisme à but non lucratif a pu investir à la fois dans l’embauche de ressources professionnelles et dans l’achat d’équipement.
L’ensemble des projets devrait être terminé en 2022.
Marie-Hélène Gendron et Étienne Bachand espèrent que d’autres programmes de ce type, qui ouvrent la voie à une collaboration entre chercheurs et organismes environnementaux, pourront voir le jour au cours des prochaines années.